Chapitre IV : Arthur

6 3 0
                                    

Je n'ai rien compris de ce qu'il vient de se produire. Et je ne parle pas du putain d'oiseau qui m'a planté ses serres dans l'épaule.

Mesnie? Seigneur? Parrainage? Et puis quoi encore, un magicien tant qu'on y est?

— Arthur, reprend le vieux schnoque qui s'appelle Pélinor, sache que je suis désormais ton suzerain. Ainsi que le veut l'usage à Petit Camelot. Tu viens d'être accepté comme page en cette cour. Ton parrain se chargera de ton éducation. Tu lui devras respect et obéissance. Tu habiteras avec ses autres étudiants dans sa mesnie. Étant le dernier arrivé, tu te devras à toutes les tâches qui te seront assignées. À l'issue de cette année, tu gagneras peut-être ton premier échelon de recrue. As-tu des questions ?

Rien que ça? ai-je envie de lâcher en levant les yeux au ciel. Mais, je me retiens. J'ai appris, il y a longtemps déjà à choisir mes batailles. Je préfère ironiser.

— En réalité, j'en ai des tas... de questions, je veux dire.

— Oui, nous en avons conscience, me répond-il, ne relevant pas du tout mon sarcasme. L'aîné des étudiants de Lothaire te fera visiter le domaine et t'apportera toutes les explications nécessaires. Nous nous reverrons au banquet ce soir.

Sur ces mots, Pélinor s'avance au centre de l'arc de cercle et lève son épée vers le ciel.

— Cette cour de justice et d'autorité est achevée. Chevaliers !

Chaque homme et femme qui l'entourent imitent alors Pélinor dans un accord parfait.

— À la vie, à la mort, fidèle et fraternel ! Pour Brocéliande ! déclarent-ils à l'unisson.

— Pour Brocéliande ! répète la foule en chœur avant de se disperser.

Dans un brouhaha monstrueux, chacun part vaquer à ses occupations. Et moi, je reste là, les bras ballants, pas plus avancé qu'au début de cette foutue histoire. Tout ce que je vis n'a ni queue ni tête. Sans compter que je n'ai toujours pas vu Tristan et que j'aimerais bien savoir où il est et comment il va.

Hector, Flavila, Lothaire et une autre de leur compagne, à la peau d'un noir d'ébène magnifique, convergent vers moi.

Anna se retourne enfin vers moi.

— Ouf ! Ça s'est mieux passé que je ne le pensais. Félicitations, frangin ! Tu as été admis chez le seigneur Dorcanie. Il n'avait pas pris quelqu'un depuis deux ans.

J'ouvre la bouche, mais je suis interrompu par la femme à la couronne.

— Anna ? interpelle-t-elle ma sœur.

— Oui, dame Blasine, j'arrive. Faut que je file, Arthur. On se retrouvera au réfectoire.

Je la suis des yeux, alors qu'elle s'éloigne déjà. J'ai envie de lui hurler que non, tout ne va pas bien. Mais une claque monumentale dans le dos manque de me propulser à l'autre bout de la salle. Le seigneur Dorcanie me scrute de toute sa hauteur les poings sur les hanches.

— Alors, c'est toi, constate-t-il.

«C'est moi quoi? » m'apprêté-je à lui rétorquer, lorsque mon oncle me passe devant et lui tend la main.

— Merci Lot. Sans toi, Arthur n'avait plus qu'à retourner au centre équestre.

— De rien. J'avoue que sur ce coup-là, j'ai été surpris. J'imaginais qu'on se battrait tous pour l'avoir. Il a quand même vaincu une banshee à lui tout seul. Et à quatorze ans, que diable ! Nos compagnons sont devenus bien couards.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant