Wenneveria.

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Dès le lendemain, j'assiste en compagnie d'Arthur à la cour d'autorité et de justice pour Tristan. Ce dernier passe l'épreuve sans trop de problèmes. Admis en tant que page du premier échelon, il intègre la mesnie Desmares sous le parrainage d'Hector.

Tristan est un mec sympa et sans prise de tête. Un peu trop charmeur à mon goût, mais franc du collier et nature. J'apprécie sa compagnie autant que celle d'Arthur. Je prends conscience de ce que cela implique d'avoir des amis, des vrais.

À cause de mon identité, je suis isolée et la cible privilégiée des pro-Morgane. Arthur et Tristan ignorant qui je suis, ils n'ont aucun a priori. Ils m'acceptent sans sourciller. Je les aide à comprendre Petit Camelot et ses règles, et ils m'apportent en retour le soutien et le grain de folie joyeuse qui me manquait jusqu'ici.

Heureusement d'ailleurs. Car la quinzaine qui suit leur arrivée est l'une des plus difficiles que les apprentis connaissent. Alors pour eux qui découvrent tout ça, j'imagine que cela doit être apocalyptique.

Les enseignements n'ont rien de commun avec ceux du monde mortel. Le rythme non plus du reste. Ici, nous sommes dans un camp de chevaliers. Donc militaire. Tout est soumis à l'ordre et à la discipline. Les maîtres sont là pour nous apprendre à survivre, à nous entraider, à protéger et à défendre.

Ils cherchent aussi à nous insuffler l'esprit de corps. Ce qui est beaucoup plus compliqué au vu de la situation actuelle dans les mondes perdus. Arthur n'en a pas conscience encore, mais il hérite d'un dossier plus épais que l'encyclopédie universelle de Brocéliande en dix volumes.

Je ne sais pas si c'est la conséquence de l'arrivée d'Arthur et Tristan, mais les chevaliers ont durci les entraînements.

Par exemple, nous avons été réveillés à quatre heures du matin au son de l'olifant et des vociférations de nos maîtres de mesnie pour un habillage express en tenue réglementaire, suivi d'un exercice chronométré au parcours du combattant. J'en ai encore des sueurs froides.

Petite rétrospective de ce moment de douceur et de convivialité :

— DEBOUT TAS DE BLEUSAILLES SANS CERVELLE! Virez-moi vos gros culs de marmottes boueuses de vos plumards! Vous avez trois minutes pour enfiler votre armure et être en rang d'oignon dans la cour! C'est compris?

Nous tombons littéralement de nos lits, les cheveux ébouriffés, l'œil hagard pour nous précipiter dans l'allée du dortoir. Nous tentons de nous aligner en position de repos réglementaire. Certains rampent, les pieds pris dans leurs draps pour y parvenir. Nous gueulons d'une même voix, alors que notre rang est à moitié formé:

— Maître, oui Maître!

— VENTREDIEU! C'est quoi ces cris d'oisillons déplumés attendant la becquée de leur môman? Je n'ai rien entendu! Est-ce que c'est compris?

Nous hurlons à l'unisson de plus belle:

— MAÎTRE, OUI, MAÎTRE!

— ALORS QU'EST-CE QUE VOUS FOUTEZ ENCORE LÀ EN PYJAMA?

C'est le branle-bas de combat. Nous nous ruons chacun dans nos placards pour en extirper nos habits et nos pièces d'armure en kevlar: plastron, protège‑tibia et gantelets.

La moitié des pages du premier échelon est blanche comme un linge, et l'autre est verdâtre, prête à dégueuler le dîner de la veille. Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à bénéficier du réveil-matin façon chevalier de Petit Camelot. Ça hurle dans tous les coins du baraquement.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant