Monsieur M.

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Toujours sous ma forme de faucon, je survole le paysage et suis Arthur dans sa découverte du camp.

Lothaire a fini par le confier à Lamorak, le fils de Pélinor et Blasine. Lamorak est un jeune chevalier. Mais il est bon. Excellent même. Il est le pur produit de ce que Petit Camelot sait faire de mieux.

Pour ma part, je lui trouve cependant une certaine rigidité. Lamorak ignore comment s'affranchir des règles. Il aime bien trop les suivre. Tout comme il apprécie un peu trop Morgane. Si je comprends bien pourquoi son choix s'est imposé pour guider Arthur dans les méandres du camp, je n'en reste pas moins méfiant.

De mes lointains souvenirs, je garde une image vive du roi Arthur. Libre penseur, loyal et courageux, mais avant tout plein de surprises et de panache. Arthur Pendragon, l'ancien, ne se trouvait jamais là où on l'attendait.

Et le jeune semble être sorti du même moule.

Sa rencontre avec Lamorak risque donc d'être intéressante. Lothaire et Arthur ont rejoint le fils de Pélinor aux vestiaires des casernements. J'ai dû me retransformer et me rendre invisible pour continuer à les surveiller.

Lamorak toise Arthur tout le long que maître Dorcanie lui explique ce qu'il attend de lui vis-à-vis de son nouveau condisciple. Puis, Lothaire les laisse, ignorant totalement l'ambiance pesante entre les deux.

Mon instinct de protection est plus que jamais en alerte. Je ne pense pas que Lamorak tente quelque chose. Il est bien trop honorable pour cela. En revanche, il peut tout à fait s'efforcer de ne pas faciliter l'intégration d'Arthur au camp.

Les dieux seuls savent combien le nom de Pendragon n'est pas en odeur de sainteté ces dernières années.

Le retour d'Arthur est annonciateur de nombreux bouleversements que peu sont prêts à accepter.

Arthur ne semble pas se formaliser de cet accueil. Au contraire. Il prend tout son temps pour observer Lamorak qui s'habille et enfile son plastron en kevlar.

Même s'il n'en montre rien, Arthur est impressionné par la carrure du jeune homme. Baraqué comme un bodybuilder, Lamorak ne peut pas se cacher de sa filiation avec le seigneur des lieux, à la différence qu'il est d'un blond presque éblouissant. La peau mate et les yeux clairs, il représente, encore une fois, l'incarnation du parfait chevalier de ces dames.

Arthur croise les bras, et s'adosse au mur, un genou relevé. Il est agacé. Je le vois à sa posture résolument fermée, mais toujours si nonchalante et décontractée. Comme s'il lançait un défi au monde entier.

Je suis fier de son attitude. Arthur n'a pas changé en cela aussi. Il préférera crever la bouche ouverte, plutôt que de laisser les autres entrapercevoir la moindre faiblesse. Tout son univers vient d'être bouleversé en un claquement de doigts. Et pourtant, il ne montre rien.

— Alors comme ça, tu es chevalier ? demande-t-il, innocemment.

Lamorak esquisse un sourire en coin.

— En effet.

— Depuis longtemps ?

— Non. J'ai été adoubé, il y a seulement un mois. Mais, j'ai toujours vécu ici. Je m'exerce tous les jours. Depuis cinq ans maintenant.

Arthur hoche la tête.

— Donc, je vais devoir m'entraîner comme toi ?

— Ça dépend, répond laconiquement Lamorak.

— De quoi ?

— De toi et des qualités dont tu devras faire preuve. Pour le moment, tu n'es que page, ce qui signifie que tu devras accomplir tout ce que l'on te demande, y compris ce que tu estimeras être humiliant ou déshonorant. Tu devras te rendre utile à ta mesnie, en l'occurrence celle de Dorcanie. Et je peux déjà t'avertir que tu es attendu au tournant. Tout le monde a hâte de voir ce que tu vaux. Personnellement, j'ai parié que tu mettrais plus de deux ans à avoir ton premier échelon.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant