Chapitre XVI : Arthur

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— Je suis vraiment confus de vous réveiller à une heure si matinale, me lance Amarok en jouant parfaitement son rôle d'hôte, mais avoir la possibilité de faire une représentation pour le seigneur Guerntivor est un honneur.

— Ce n'est rien, le coupé-je de la voix grave que je possède désormais pour un moment. Je suis navré que ma sœur ait mis autant de temps à se préparer. Elle est très coquette. Alors savoir que nous allions exercer notre art au château l'a rendue un peu nerveuse...

Maesyn étouffe un juron dans mon dos tandis que je descends l'escalier, mes compagnons sur les talons. Amarok qui nous devance se retourne et nous dévisage de la tête aux pieds. J'ai l'impression qu'il vérifie que sa « transfusion métamorphique » comme il la nomme, fonctionne correctement.

L'homme oiseau-loup est un être aux pouvoirs hallucinants je dois bien le reconnaître. J'ai encore du mal à me décider sur la confiance qu'on peut lui accorder ou non. Mais comme dirait Flav : « à cheval donné, on ne regarde pas les dents. »

Pour l'heure, nous n'avons pas le choix. Nous avons donc accepté qu'il nous transforme. Amarok est lui-même un métamorphe et possède par ailleurs la capacité de partager son pouvoir. Ce qu'il a exécuté d'un geste négligent de la main. Une vague de puissance nous a alors frappés, Tristan, Maes et moi, nous enveloppant et nous broyant les os tel un étau avant de nous relâcher subitement. Je me suis écroulé sur le plancher en grognant, suivi de près par mes compagnons. Je me suis relevé avec l'envie de faire la peau à l'aubergiste. Mais mes yeux se sont d'instinct posés sur mes amis pour vérifier leur état. C'est à leur vue que j'ai compris le malaise.

C'est ainsi que Tristan est devenu cet être difforme et bossu aux cheveux sales, et Maesyn, cette fille à l'air renfrogné, habillée tout en cuir, dont la poitrine ressort avantageusement dans le décolleté...

Et non, je n'ai pas regardé !

Enfin, pas trop.

Quant à moi, je me suis transformé en un jeune adulte plutôt charpenté à la barbe blonde. J'ai gagné quinze bons centimètres et ce n'est vraiment pas pour me déplaire. Ce qui m'a le plus choqué c'est ma ressemblance soudaine avec le portrait du roi que M. m'a montré. Même Amarok est resté stupéfait en contemplant son travail avant d'opérer quelques ajustements d'un nouveau geste de la main.

— Tu es trop puissant pour ton propre bien, garçon, grommelle-t-il contre moi. Cela pourrait bien te perdre.

Je n'ai pas relevé.

Le temps nous manque pour avoir cette discussion.

Parvenu en bas de l'escalier, Amarok se dirige droit vers un soldat.

— Evrard, voici Harpin, Aelior et Annette Duchemin troubadours itinérants et voyageurs au long cours de passage dans notre bonne ville, nous présente-t-il en nous désignant tour à tour. Jeunes gens, Evrard le Borgne, commandant de la milice camlannaise.

Tristan s'avance vers Evrard et lui tend une main rendue noueuse par la transfusion métamorphique. L'homme la lui serre d'un air dégoûté. Je remarque en revanche que son regard s'attarde un peu trop sur Maesyn.

Je retiens très difficilement un grognement tandis que la tempête marine se déchaîne dans mon esprit. Je ne peux pas m'empêcher de m'interposer et de toiser le commandant d'un œil sombre et assassin. Ce dernier cille.

— Je vous accompagne aux écuries pour récupérer vos chevaux, annonce Amarok pour couper court à la tension palpable de la pièce.

J'acquiesce, le regard toujours planté dans celui du Borgne. Maesyn me tire par la manche.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant