Wenneveria.

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— Mieux vaut que tu laisses tomber, soupiré-je.

Il se redresse et me fixe. Je sais qu'il ne lâchera pas l'affaire. Arthur ne serait pas celui qu'il est sans une bonne dose de ténacité.

— S'il te plaît ?

Coup de grâce.

Je contemple le sol devant moi et arrache un brin d'herbe que je triture nerveusement entre mes doigts.

— J'ignore par où commencer, Arthur. L'histoire de tes parents n'est pas une belle histoire d'amour. Sans compter que je ne suis pas la mieux placée pour te l'expliquer. Ce que je sais me vient principalement de ce qui se murmure au camp. Or, comme dans tout récit tenant quasiment de la légende, le vainqueur s'arroge le droit de le modifier à son gré. Oblitérant parfois jusqu'à la vérité.

Arthur continue de me dévisager sans un mot. Tristan s'accoude sur un bras. Lui aussi reste silencieux. Il ne viendra pas à mon aide sur ce coup.

— Très bien, soupiré-je.

Je me tais un instant, le temps de réunir mes pensées.

— Que sais-tu de ta famille maternelle ? Je veux dire à part tes problèmes avec Morgane ?

Il hausse les épaules.

— Très peu de choses en vérité. À la mort de ma mère, mes grands-parents ont repris la gérance de l'entreprise. Ils n'ont jamais désiré me rencontrer et ils n'ont laissé Anna le faire que parce qu'elle ne les a jamais lâchés à ce sujet.

— Ronan et Gwen Wledig sont de la lignée. Et ils ne sont pas n'importe qui, figure-toi ! La branche des seigneurs d'Alba est l'une des plus puissantes de Brocéliande. Ils descendent directement du roi Méhaigné, le gardien du Graal.

Arthur écarquille les yeux. Je poursuis :

— Les rumeurs rapportent que longtemps auparavant, ils avaient promis Ygerne à Gorlois Detintagel, seigneur de Petit Camelot. Quand bien même ce dernier était plus vieux que leur fille de dix années. Parmi les chevaliers de la Garde de l'époque se trouvait un jeune homme du même âge que ta mère...

— Mon père ?

J'acquiesce.

— Oui, Uther. Il se murmure qu'ils se sont aimés dès le premier regard.

Je me lève et entame un cent pas, incapable de rester assise plus longtemps.

— Du moins, c'est ce qu'on raconte.

— Continue, m'ordonne Arthur. Je veux comprendre. Pourquoi ma mère a-t-elle accepté d'épouser Gorlois si elle n'était pas amoureuse de lui ? On n'est plus au Moyen-âge !

— C'est vrai, tu as raison. Mais Ygerne a toujours eu une conscience aiguë de ses devoirs et du rôle qu'elle était peut-être amenée à jouer un jour. Alors elle a obéi à ses parents au mépris de ses propres sentiments. Ronan et Gwen étaient ravis comme tu peux l'imaginer. L'union des deux familles les plus puissantes de l'Intermédiaire leur conférait un statut quasi mystique.

— Est-ce que Gorlois savait pour mon père et ma mère ? me demande Arthur, de la colère dans la voix.

— On dit qu'il était au courant, oui.

— Et Uther ne s'est pas battu pour Ygerne ? intervient Tristan.

Je secoue la tête.

— Non. Tu dois comprendre qu'Uther n'était pas assez puissant à ce moment-là pour empêcher le mariage. Alors, il est parti. Autant pour tenter d'oublier Ygerne que pour acquérir la renommée qu'il lui permettrait peut-être un jour de récupérer celle qu'il aimait.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant