|19| L'amour dure trois ans

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Cinq ans plus tard

Un léger sourire flottant sur les lèvres, Amélia arpentait les rues de Seattle d'un pas lent. Elle voulait profiter le plus longtemps possible des rayons du soleil qui réchauffaient doucement sa peau. Après une journée passée entre les quatre murs de son bureau, c'était tout particulièrement appréciable. Elle n'avait donc pas hâte de retrouver son appartement. Aujourd'hui était en plus le jour de son anniversaire et elle n'aimait pas beaucoup ce rappel du temps qui passait, pas alors qu'elle avait encore tant de choses à accomplir et si peu de temps libre. C'était juste déprimant.

Elle savait qu'elle retrouverait Théo à l'appartement, c'était déjà ça. Elle n'avait pas souhaité organiser de fête mais une soirée pizza avec la compagnie exclusive de son petit frère la comblerait amplement. Elle n'avait pas besoin de plus. Elle était en outre trop fatiguée pour autre chose et n'en éprouvait pas non plus l'envie. Elle avait beau aller mieux ces derniers temps, elle n'avait pas pour autant la tête aux festivités.

Après avoir traîné au maximum sur le trajet entre son bureau et son immeuble, Amélia parvint à sa destination. Elle connaissait le lieu par cœur, occupant un appartement ici avec son petite frère depuis leur arrivée à Seattle. Cela semblait dater de plusieurs décennies aux yeux d'Amélia. Dans un soupir, elle monta dans l'ascenseur et appuya sur le numéro de son étage. Elle ne tarda pas à parvenir à son palier et se dirigea, toujours sans hâte, jusqu'à la porte de l'appartement.

A l'intérieur, elle trouva... personne. Avec étonnement, elle constata en effet que Théo n'était visible nulle part. Il rentrait pourtant habituellement avant elle, et elle avait pensé qu'en ce jour de son anniversaire, il serait d'autant plus attentif à ne pas la laisser seule. La jeune femme supposa qu'il avait une course à faire et se laissa lourdement tomber sur le canapé. Elle attrapa son roman en cours et entreprit de le lire en attendant le retour de son frère. Elle avait bien besoin d'un verre de vin mais elle ne commencerait pas sans son frère, ça lui semblait bien trop triste.

Après avoir tourné plusieurs pages, Amélia réalisa qu'elle n'avait absolument rien retenu de ce qu'elle avait lu. Ses yeux se contentaient de glisser sur les lettres sans rien accrocher. La jeune femme soupira avant de repousser le livre, s'avouant vaincue. Son cerveau n'était pas décidé à coopérer ce soir et elle savait bien qu'elle ne pourrait rien y faire. Il avait d'autres choses en tête. Quelqu'un d'autre, plus précisément.

Le visage d'Embry prit soudain toute la place dans son esprit. Nostalgie, tristesse, amertume. Ces sentiments allaient désormais de paire avec le quileute, quand bien même Amélia aurait préféré pouvoir être simplement heureuse pour lui. Apaisée n'était cependant pas ce qu'elle était et ses émotions étaient plus fortes qu'elle. Elle n'était qu'humaine après tout, qu'y pouvait-elle si la douleur refusait de se dissiper complètement ?

Deux ans après l'imprégnation d'Embry sur cette simple inconnue qu'était alors Paige, peu de choses avaient changé. Amélia ne digérait toujours pas. Elle savait pourtant qu'elle était à blâmer, qu'elle l'avait un peu cherché, que ce n'était pas faute d'avoir été prévenue à de multiples reprises. Elle avait néanmoins persisté dans sa relation avec Embry, trop amoureuse pour pouvoir renoncer au quileute, en dépit des risques et complications qui guettaient au coin de la rue. Presque littéralement, en l'occurrence. Elle avait été naïve mais à tout le moins fidèle à ses principes : vivre plutôt que souffrir, c'était après tout son crédo. Avoir su à quoi s'attendre n'avait cependant pas diminué la douleur. Amélia était reconnaissante pour les souvenirs qu'elle avait pu engranger avec Embry. Néanmoins, ces trois années avaient été si courtes, et leur bonheur si éphémère. La fin avait été brutale et cruelle.

La jeune femme savait qu'Embry éprouvait beaucoup de culpabilité et de remords, à l'instar de ce qu'avait pu ressentir Sam vis à vis de Leah pendant de longues années. Cela ne changeait pourtant rien. La blessure dans le cœur d'Amélia n'en demeurait pas moins à vif. Elle avait été si stupide de croire qu'elle pourrait encaisser sans trop de difficultés, si le quileute devait un jour s'imprégner d'une autre qu'elle. La réalité, c'était que le processus de cicatrisation était long et laborieux. Elle ne passait certes pas son temps à se morfondre, continuant à vivre comme elle le devait, mais elle se sentait à ce jour toujours incomplète. Un morceau d'elle-même avait disparu lorsqu'Embry s'en était allé.

Terre d'amertume [Embry Call]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant