|14| Les terres d'appartenance

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Pour Amélia, le retour à la vie normale s'était fait étonnamment facilement. Elle avait réaménagé avec plaisir dans l'appartement qu'elle partageait avec son frère depuis déjà deux ans. Cela avait bien évidemment été étrange, mais c'était comme remettre les pieds dans ses chaussons fourrés au début de l'hiver, après les avoir abandonné dans le débarras pendant un an. C'était naturel et agréable.

Initialement, Théo n'aurait pas du se trouver dans la même ville qu'Amélia. Cependant, quand sa sœur avait du partir débuter ses études supérieures dans une autre ville, Théo avait bataillé bec et ongles afin de la suivre. Il ne voulait pas être séparé de sa sœur, elle avec qui il partageait un lien indéfectible. Ainsi, Amélia et Théo avaient emménagé dans un appartement qu'ils partageaient tous les deux et qui constituait leur petit cocon.

Si le retour à la vraie vie avait été aisé pour Amélia, il l'était moins pour Théo. Le jeune homme avait eu plaisir à retrouver cet appartement qu'il affectionnait, mais il ruminait de retrouver la vie d'une grande ville après avoir connu la tranquillité de La Push. Le pire, c'était de se replonger dans les cours alors qu'il n'avait aucunement la tête à ça. Amélia tentait de lui insuffler de sa bonne humeur, mais Théo n'était pas toujours réceptif selon les jours. Pourtant, tous les deux finirent par reprendre leur vieille routine et tout sembla redevenir normal pendant un moment, comme s'ils n'étaient jamais parti. En apparence, du moins.

Si Théo concédait à travailler pour obtenir une bonne moyenne générale, son esprit n'était consacré qu'à regretter ses courses dans la forêt, sous sa forme de loup, aux côtés des autres. Ces bouffées d'adrénaline, de vitesse et de puissance mêlées, lui manquaient. Son meilleur ami lui manquait beaucoup aussi, même s'il gardait un contact quotidien avec Seth.

Et si Amélia se jetait corps et âmes dans ses cours, passant des heures à la bibliothèque universitaire pour travailler à son mémoire de fin d'études, c'était qu'elle s'efforçait de ne pas penser à Embry et au vide que son absence créait dans son cœur. Parce qu'Embry lui manquait, même si elle s'obligeait à penser à lui le moins possible. Leur histoire était terminée, comme ils en avaient tous les deux convenus. C'était cependant difficile à accepter alors que tous les deux s'aimaient toujours, malgré eux.

C'était sûrement pour toutes ces raisons que la possibilité d'une distraction avait paru si séduisante à Amélia sur le moment. Elle avait cet ami à la fac, plutôt séduisant et avec lequel elle s'entendait bien. Ils s'étaient rencontrés un jour à la bibliothèque universitaire, alors qu'Amélia était sur le point de balancer l'ordinateur sur lequel elle travaillait. Travaillant sur l'ordinateur à côté du sien, l'étudiant s'était mis à rire de son énervement et l'avait aidée à régler son problème de connexion à l'imprimante. Depuis, ils avaient sympathisé et se retrouvaient régulièrement pour travailler à la bibliothèque. Quand celui-ci avait cherché à l'embrasser, un soir alors qu'ils rentraient chez eux après avoir passé quelques heures entre les quatre murs de la bibliothèque, elle l'avait laissé faire avec plaisir, s'abandonnant toute entière à la sensation de ces lèvres contre les siennes.

Armin et elle étaient dans un état d'esprit si semblable, débordés par la masse de travail qui s'abattait quotidiennement sur leurs épaules. Cette relation n'était finalement qu'une distraction pour tous les deux, une façon de décompresser et de prendre du bon temps en oubliant un instant tout le reste. C'était une relation dans laquelle les deux parties savaient à quoi s'en tenir, basée sur une affection commune mais surtout sur quelques besoins charnels que ni l'un ni l'autre ne pouvaient contester en une période particulièrement stressante.

Théo avait vite soupçonné quelque chose lorsque qu'il avait régulièrement commencé à sentir une odeur masculine mêlée à celle de sa sœur, toujours la même. L'odeur était trop forte pour qu'il ne s'agisse que d'une proximité induite par du temps passé à la bibliothèque ou en salle de classe. Comme Amélia n'en parlait pas, il ne fit pas la moindre remarque. Et puis, il y avait certaines choses qu'il ne préférait vraiment pas savoir sur la vie de sa sœur. Il n'empêche qu'il savait malgré lui.

Terre d'amertume [Embry Call]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant