P.1 // Chapitre 1

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La pluie dévalait mes joues, mes cheveux, mes bras. Le vent, si fort qu'on aurait pu croire qu'il voulait nous emporter autre part, fouettait mon visage. Mes cheveux s'emmêlaient, et mes yeux larmoyaient, troublant ma vue.

Devant moi, il y avait un grand brun, qui marchait lourdement, sans jamais s'arrêter. Devant lui, c'était Maéva, une blonde, qui n'arrêtait pas de se retourner pour me regarder de ses grands yeux verts et me sourire joyeusement. Autant dire tout de suite qu'elle m'énervait. Après, je ne voyais plus qui c'était. Je savais juste que j'étais la dernière parmi les dix personnes, et que je devais "fermer la marche". Moi-même, je me retournai souvent pour regarder si tout allait bien, si il n'y avait personne. Juste de grands arbres, si hauts qu'on en voyait pas la cime, et la terre boueuse qu'on piétinait. Rien d'autre. Juste le bruit du vent, de nos pieds frappant la terre, et de la pluie.

Tout à coup, tout le monde s'est arrêté. Puis le brun s'est tourné vers moi, et m'a glissé entre deux bourrasques de vent une phrase totalement incompréhensible. Puis tout le monde est reparti. J'essayai de comprendre ce qu'il m'avait dit quand j'aperçu une flaque d'eau bleue vif, un bleu chimique, pas naturel. Puis tout prit son sens. On entrait dans le territoire toxique, le territoire dangereux, le territoire inconnu. Une bouffée de panique m'envahit. Puis, comme on nous l'avait appris, je me suis arrêtée et j'ai sorti mon masque de mon sac, une sorte de grand casque transparent, et je l'ai enfilé. L'air à l'intérieur du casque était plus chaud, et de la buée se déposait sur le plastique transparent quand j'expirai. La pluie glissait sur le casque, et je ne voyais plus très bien. Un coup d'œil devant me fit réaliser que j'étais restée derrière, et je me suis mise à courir pour les rattraper. Le brun avait mis son casque et Maéva était en train d'enfiler le sien. La pluie se faisait de plus en plus forte, obscurcissant ma vue. Je pouvais néanmoins voir que les arbres étaient moins nombreux, et ressemblaient de moins en moins à des arbres. Leurs branches biscornues, dénuées de feuilles, se tordaient dans tous les sens, et des filaments violets glissaient sur les troncs, semblables à des chenilles violettes. Le brun ralentissait, observant les arbres avec un intérêt croissant, prenant des photos à tout bout de champ, comme si c'était merveilleux. Moi, ça me flanquait la frousse. Voir des chenilles violettes glisser sur des arbres bizarres sur toutes mes photos, non merci! Je me contenterai de les observer et de retenir mentalement les images. Enfin, c'est peut-être pire.

La boue commença à prendre des allures bizarres, elle aussi. Mes bottes accrochaient à la terre et il était dur de les détacher. Des filaments violets, semblables à ceux sur les arbres, jonchaient le sol comme des feuilles mortes. Je les évitait soigneusement, avant de remarquer que le brun marchait dessus comme dans la boue, et j'essayai alors d'en écraser un, juste pour voir. La pauvre bête (si c'en était une) se laissa piétiner et repartit normalement quand j'enlevai mon pied. Pas rassurant du tout. Puis tout à coup, contrairement à toutes mes attentes, car on peut dire que la liste des choses bizarres qui pourraient m'arriver ici était longue, la pluie s'arrêta. Et les créatures violettes qui hantaient le sol (et mon esprit) disparurent.

Et là, ce fut le silence total. Un silence pesant, un silence effrayant. Le vent s'était aussi arrêté. On continuait de marcher, sans savoir où on allait. J'aurai dit que cela faisait plus d'une heure. Puis un autre phénomène attira mon attention. Les arbres diminuaient, devenant de plus en plus petits, pour tout à coup disparaître. Oui, disparaître. Il n'y avait plus rien. Juste de la boue collante, et quelques flaques bleues. J'entendit une voix, au loin: "C'est flippant!". Merci de le faire remarquer, Maéva. Cette remarque, au milieu du silence, me stressa encore plus. Et tout à coup, Maéva s'arrêta, se tourna vers moi et me fit un beau sourire sous son casque transparent. Puis le brun fit de même, enfin, sauf le sourire. Il me regardait bizarrement, comme s'il attendait quelque chose de moi. Il me fallut quelques secondes pour réaliser que ce n'était pas moi qu'il regardait. Il regardait derrière moi.

Alors, surmontant ma propre peur, celle qui restait en moi depuis le début de la guerre, je me suis retournée.

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