1. Réveil forcé

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Angeltown, bien avant.


            Ce fut le bruit sourd d'une explosion qui me réveilla en sursaut. Je me dressai sur mon lit, et tendis mon oreille exercée pour identifier la provenance. C'était loin... un autre immeuble du bord de mer venait sûrement de s'effondrer. Je jetais un coup d'œil à l'horloge digitale, qui m'indiquait six heures. Il était encore tôt. Le soleil filtrait à peine par les fenêtres de verre de ma chambre, mais cela suffisait pour la plonger dans une douce lumière dorée. Nous étions le matin de la Solution, et même en ce jour symbolique, les Mercenaires perpétraient un attentat.

Je soupirais en me rallongeant et en remontant le drap sur mon nez. Immédiatement, l'Assistant, l'intelligence artificielle qui gérait notre domicile, augmenta la température de la pièce et baissa la luminosité. Je me retournai dans mon lit, prête à me rendormir comme d'habitude, mais je n'y parvins pas aussi rapidement que j'aurais voulu. 

Cela faisait maintenant presque deux ans que le groupe terroriste existait. Avant, ses membres n'étaient qu'une minorité, et ils se contentaient de distribuer des tracts, à la sortie des usines, En-Bas. Mais ils s'étaient répandus comme une traînée de poudre, et s'étaient mis peu à peu à manifester, à envoyer des courriers piégés à des Administrateurs (dont mon père, qui avait passé deux jours à l'hôpital) ou à carrément poser des bombes... 

« Ils veulent plus de libertés, disait mon père. Ils pensent qu'Axer leur accordera ce qu'ils demandent par la manière forte. Mais malgré les épreuves, notre pays est toujours aussi fort. Nous ne céderons pas face à la menace du terrorisme. »

Même s'il répétait ça dans toutes ses assemblées politiques, je savais qu'il avait peur. Tous les Riches avaient peur, moi y comprise. Mais en même temps, ceux d'En-Bas étaient infiniment plus nombreux que nous... Nous avions beau être l'élite, que pourrions-nous faire, si, un jour, les travailleurs se rebellaient ?

Je préférais ne pas y penser, à vrai dire. Et de toute façon, c'était impossible, non ? Que pouvait-on réellement craindre de personnes qui vivaient par terre, dans la boue, qui travaillaient dans des mines ou des usines toute la journée, dont les familles s'entassaient dans des masures malpropres et dont les enfants allaient à l'école ? Oui, l'école : un lieu de torture où l'apprentissage était commun, et où on était coincé avec des enfants bien plus avancés ou bien plus en difficulté que nous. 

J'aurais mieux fait de réfléchir à des problèmes plus importants. Comme par exemple, le Nuage. Ca, c'était important. On parlait là de l'immense fumée toxique qui recouvrait la Terre depuis cent-cinquante ans. Rien ne faisait pire que cette menace qui avait ravagé les cinq continents pour ne laisser qu'Axer, et d'Axer uniquement les Cinq Cités. Rien n'était plus urgent que nous sauver de l'extinction qui nous guettait. Parce qu'elle était imminente... c'est bien à ça que servait la Solution.

- Ealys, murmura l'Assistant de sa voix atone. Vous ne dormez pas. Que puis-je faire pour votre service ?

- Rien, répondis-je en me retournant, merci. Combien de temps me reste-t-il pour dormir ?

- Deux heures et vingt-six minutes, répondit-il. Je m'assure...

Il continua peut-être à parler, mais je baillais et finit par me rendormir, plongeant dans un cauchemar, où comme d'habitude, le Nuage était le monstre.


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EA - La Solution [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant