25. Etoiles

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                Le repas du soir fut un banquet de fête, durant lequel tout le monde ne cessa de se congratuler dans tous les sens. J'en profitais pour m'éloigner de mon « époux », et pour discuter avec Tanya, qui me promit solennellement qu'elle était heureuse. Je n'avais pas besoin de poser la question à Mr et Mrs Reynolds : à les voir se dévorer des yeux, on devinait qu'ils étaient eux aussi satisfaits de leur sort. Jane était très fière, même si elle essayait de le cacher. Ross, lui, était... indifférent. Quant à moi... Je parvins à persuader les gens que je m'étais résignée et que tout allait bien. Un sourire vissé sur les lèvres, je fis le tour des couples rayonnant sans laisser paraître mon désarroi. Je jouais même mon rôle avec maestro.

Ce ne fut qu'une fois revenue dans ma chambre que je craquais, et fondis en larmes sur mon oreiller. Pourquoi cette journée avait-elle été si chargée émotionnellement ? Entre la visite surprise du Professeur Torrel, ses révélations troublantes, sa dernière phrase sibylline, mon mariage, le sourire de Ted, puis sa dernière pique... J'avais l'impression d'avoir poignardé Neil dans le dos. Je l'avais trahi. Je l'avais abandonné. Et maintenant, j'étais la femme de ce type qui me méprisait toujours autant que je l'avais détesté. Si seulement il mettait un peu du sien dans notre relation ! En étant gentil, même pas ! Juste compréhensif... Mais il me rappelait toujours par une insulte que je n'étais rien pour lui.

De toutes mes forces, je souhaitais m'endormir pour oublier, mais il m'était impossible de trouver le sommeil. Surtout après l'interminable sieste que j'avais faite l'après-midi... Alors, après m'être tournée et retournée dans tous les sens, je me dressais soudain sur mon séant. Il fallait que je marche.

Enveloppée dans ma robe de chambre, je sortis à pas de loups de ma chambre. Dans le couloir, aucun bruit ne régnait. Tout le monde dormait. Et tâtonnant dans le noir le temps que mes yeux s'habituent à l'obscurité, je descendis dans la Grande Salle. Elle était faiblement éclairée par une borne lumineuse de sortie d'urgence, ce qui me permit de m'assurer que j'étais bien seule.

Frissonnante – l'automne s'était installé, maintenant –, je m'assis sur un canapé et remontait mes jambes pour m'asseoir en tailleur. Dans vingt-quatre heures, je serais dans l'Espace. J'aurais quitté la Terre à jamais. Je partais m'installer sur ma planète. Oui, EA était ma planète... Mais alors, pourquoi n'arrivais-je pas à me réjouir ? Je revis comme dans un rêve le spectacle des étoiles que m'avait montré le Président Bart au télescope. Les myriades d'éclats de lumière dansaient un spectacle hypnotique dans mon cerveau.

Soudain, je redressais ma tête. Qu'est-ce qui m'empêchait de retourner là-haut ? Omer dormait, les employés de l'entrepôt dormaient, mes camarades dormaient : j'aurais les étoiles pour moi ! Une dernière fois admirées de la Terre...

Décidée, je me relevais, serrant ma robe de chambre sur moi, et je me dirigeais en une coulée de pas furtifs vers la porte. Prudemment, je l'ouvris en priant pour qu'elle ne grince pas. Dans le couloir, seule la pleine lune éclairait le dallage froid de sa lueur fantomatique, et elle me permit de parvenir à la deuxième porte sans encombre. J'eus peur une seconde qu'elle ne soit fermée à clef, mais il n'en était rien. Doucement, j'entrais et retins le battant pour éviter qu'il ne claque bruyamment. J'avais conscience de la caméra intégrée au mur au-dessus de moi, mais je m'en moquais. De quelle façon le Gouvernement pouvait-il m'atteindre, désormais ?

Je traversais furtivement l'entrepôt, me glissant sous l'aileron du Terra-Moon pour parvenir plus rapidement au pied de l'ascenseur. Puis, levant la tête vers la coupole de verre, je ratais soudain un battement de cœur. Quelqu'un était là-haut.

Je décidais finalement de rejoindre la personne, à la fois parce que j'avais peur qu'elle ne me voie repartir et me reconnaisse, et à la fois pour connaître son identité. Délaissant l'ascenseur qui aurait immédiatement révélé ma présence, j'optais pour l'interminable escalier de fer. Et tandis que je gravissais les marches le plus silencieusement possible, je spéculais sur l'identité du noctambule. J'étais quasiment certaine de savoir qui c'était... combien étaient assez fous pour s'aventurer là-haut en pleine nuit, moi mise à part ? Eh bien justement, la personne censée me correspondre à cent pour cent.

EA - La Solution [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant