EA - La Solution [Réécriture]

26. Pizza

                Le lendemain, je me réveillais de moi-même après une nuit assez longue. On m'avait laissé dormir autant que je voulais ? Ce dernier jour à la Base avait décidemment des airs de vacances.

Dans la salle-à-manger, je retrouvais les Keeper et les Reynolds que je saluais gaiement. J'étais d'excellente humeur. J'ignore si ma soirée de la veille y était pour quelque chose, mais j'avais affreusement hâte d'embarquer. Nicolas et Alison me jetèrent un regard un peu interloqué, avant de sourire, tandis que Gaby et Seth... ne me regardaient pas.

J'entamais mes crêpes au beurre d'érable d'un coup de fourchette, et n'en fut distraite que par Tanya qui me sauta dessus :

- Ealys ! Comment tu vas ? Tu te rends compte, c'est notre dernier jour sur Terre !

- Oui, et on a un programme chargé ! approuvais-je. On doit visiter le Terra-Moon, passer notre appel réglementaire, avoir une dernière visite médicale avant d'entrer en dormance...

- Un appel ? S'exclama Tanya. Tu rigoles ? On a vraiment droit à un appel ?

- Oui, mais si on veut pouvoir en profiter, il faut qu'on se dépêche. Il est onze heures et demie passé...

À vrai dire, Omer vint nous avertir de passer le temps qu'il faudrait à table parce qu'il s'agirait de notre dernier repas avant longtemps. Alors, tandis que nous goutions tous les plats imaginables que nous avait concocté le chef, les retardataires se greffaient peu à peu à la tablée.

J'appréhendais un peu les retrouvailles avec Ted. Serait-il amical et agréable comme hier soir, ou froid, comme si de rien n'était ? Quand il entra, je n'osais pas lever les yeux. Je frémis quand il tira sa chaise, et s'assit en face de moi. J'attendis une seconde avant de lever prudemment les yeux.

Je me détendis à la seconde d'après. Ses prunelles étaient chaleureuses, et elles me souriaient. Alors je leur répondis avec soulagement. Cette fois-ci, notre entente serait-elle durable ? À côté de moi, je sentis que Tanya s'intéressait beaucoup moins au bavardage de Mike soudainement. Elle se pencha sensiblement vers moi, interloquée, mais je ne lui prêtais pas attention. Satisfaite, je me penchais sur mon assiette que le chef venait d'amener.

Quand les conversations reprirent autour de nous, Ted se pencha vers moi et lança :

- Je peux savoir pourquoi tu souris comme ça ?

- Pour rien, répondis-je en essayant de dissimuler mon sourire. Dis-moi, quel est ton plat préféré ?

- Pourquoi tu veux savoir ça ? Demanda-t-il, suspicieux.

- Pour t'empoisonner.

- Je ne sais pas, répondit-il en haussant les épaules. Chez moi, on n'a pas tous ces trucs...

Je jetais un coup d'œil à notre table surchargée. Il n'y avait rien d'inédit pour moi : homard, foie gras, pièce-montées étaient récurrents dans les soirées que nous fréquentions. Que mangeaient-ils, En bas ?

- Pff... reprit-il. Je dirais... la pizza ?

La pizza ? Je fronçais les sourcils. Qu'est-ce que c'était que ça ? Le nom avait des consonances exotiques... Une sorte de pâtes italiennes que je ne connaissais pas ? Ou alors, il se moquait de moi et inventait un mot ? Après quelques secondes, je vis l'expression de mon interlocuteur changer. Il posa sur moi des yeux ronds, que vint vite remplacer un immense sourire :

- Ne me dit pas que tu ne connais pas ? S'esclaffa-t-il. C'est impossible !

Il se leva et lança :

- Hé, Seth ! Ealys ne connait pas la pizza !

Je rougis et tentait de le faire rasseoir, tandis que la table enflait soudain dans un brouhaha indescriptible. Nous fûmes bientôt divisés entre ceux d'En bas qui se moquaient ouvertement de nous, et les Riches qui tentions d'argumenter que nous avions toujours eu une alimentation de meilleure qualité. En riant tellement qu'il avait du mal à parler, Ted demanda alors au chef s'il était possible de cuisiner une pizza pour nous faire goûter. Et quelques minutes plus tard, avec un grand sourire, celui-ci déposait un grand plat rond devant Tanya et moi.

Je jetais un coup d'œil méfiant à la tarte badigeonnée de sauce tomate, de jambon et de rondelles blanches dégoulinantes. Le tout exhalait une forte odeur de cuit, de salé, de tomate. D'un geste adroit, mon « mari » découpa six tranches, et en distribua une à Tanya, Nicolas, Alison, Ross, Rachel et moi. Je reniflais prudemment ma tranche, sous le regard scrutateur des autres. Fermant les yeux et retenant ma respiration, je croquais.

Je ne vomis pas, je ne recrachais pas. Doucement, je me remis à respirer et laissais le goût de la fameuse pizza infuser tout mon palais. Même si ce mélange de saveur était du jamais-vu, je dus avouer que c'était tout à fait correct. Je pris le temps de mâcher, d'avaler et de déglutir, avant d'admettre :

- D'accord, vous saviez raison. C'est bon !

- Ah, tu vois ! Triompha Ted.

Le repas prit donc fin sur une découverte gustative. Je me plus à penser que j'aurais connu la pizza avant de quitter la planète. 

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