8. Présentations

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                Je restais plusieurs dizaines de minutes allongée en travers de mon lit, les yeux fixés sur le plafond. Curieusement, je ne repensais même pas à la scène qui venait de se produire. J'étais bien loin, à Angeltown, que j'avais quitté la veille. Que pouvait-il bien s'y passer ? Est-ce que les terroristes avaient attaqué de nouveau ? Je n'avais aucun moyen de le savoir. A la Base, nous étions complètement coupés du monde, me semblait-il. Je n'avais encore vu aucun écran. Dans quel état pouvaient bien être mes parents ? Effondrés, c'était sûr... Leurs amis venaient certainement leur tenir compagnie, leur offrir des fleurs de serre, des plats gastronomiques ou autres cadeaux... Quant à mes amis ? Mina devait être en larmes depuis l'annonce, et Brent devait tâcher de la réconforter. Mais, la connaissant, un nouveau potin la remettrait bien vite sur pied. Tess, la première tristesse passée, devait dire à tout le monde qu'elle était folle de jalousie et qu'elle aurait voulu partir à ma place. Quant à Neil...

Je n'arrivais pas à imaginer Neil restant les bras croisés. De toute ma vie, je ne l'avais jamais vu découragé. Lui toujours actif, peut-être essayait-il de me faire revenir ? Une pincée de mélancolie me serra le cœur. Si seulement c'était possible... Les machines médicales d'Axer étaient les plus précises de tous les temps. Si j'avais été désignée, il n'y avait aucune chance qu'on accepte de m'échanger. Et puis, au fond de moi, n'étais déjà pas résignée ?

Je repensais aussi à mes études. Je n'avais pas terminé la dernière mission du Professeur Torrel. J'espérais qu'il saurait trouver mes travaux, s'il en avait besoin. Ça m'aurait agacé d'avoir trié autant de bouts de cailloux pour rien. Et d'ailleurs, manquerais-je aussi à mon Référent ? Même si je le voyais rarement, je m'étais attachée à lui et j'adorais nos appels chaque fin de mois pour faire le Bilan d'études. Il serait sûrement attristé, mais aussi content pour moi. Il serait fier que je sois choisie pour une mission aussi cruciale, c'était son genre.

Finalement, une ou deux heures plus tard, Omer revint me chercher pour la venue du Président. Une fois dans la grande salle de la veille, je craignais que l'accueil de mes camarades soit froid et distant, mais il n'en fut rien. Ils restèrent aussi courtois et indifférents que d'habitude. Évidemment, le caprice d'une gamine ne les avait pas beaucoup affectés. Tanya m'appela à côté d'elle, et je remarquais que Mike se tenait juste derrière elle. En fait, tous les couples étaient plus ou moins ensemble, sauf Ted et moi.

- Omer a promis que les petits-déjeuners seraient améliorés, me chuchota Tanya. Il pensait que nous mangions la même chose que lui.

- Il est d'En bas, persiflais-je, il ne pouvait pas s'attendre qu'une Riche se contente d'aussi peu.

Mais j'avais beau jouer les dédaigneuses, j'étais plutôt soulagée et agréablement surprise. Mon comportement ridicule n'allait pas m'attirer d'ennuis, et de plus, ma crise avait inquiété le chef de la Base spatiale. Donc le gouvernement se souciait au moins un peu du bien-être des Missionnés.

- Le Président ne va pas t arder, déclara alors Omer. Il va vous prendre à part, chacun à votre tour, pour vous expliquer ce que l'on attend de vous. Ce procédé va prendre toute la journée, vous avez donc quartier libre en attendant votre tour. Si vous voulez visiter les lieux, allez-y. Vous pouvez même prendre des combinaisons et sortir dehors pour marcher dans le Nuage.

Un frisson me parcourut, mais j'étais bien la seule à trouver l'idée répugnante. Seth et Gaby se regardèrent, avant d'éclater de rire, et Rachel marqua un vif intérêt. Tanya pivota vers Mike, puis vers moi :

- On pourrait essayer, non ?

- Le Nuage ? Ripostais-je. Non merci... tu imagines si une combinaison avait une fuite ? Tu n'aurais même pas le temps d'épouser Mike.

Son beau visage se rembrunit, et je fus prise de remords. Si je commençais à être odieuse avec elle, elle n'allait pas vouloir que nous restions amies. De plus, l'idée n'était pas si mauvaise. Jamais je n'aurais l'occasion de revoir cette fumée toxique qui ruinait nos vies. Et puis, il était vrai qu'en restant là je risquais de croiser Ted Mason partout.

- Excuse-moi, murmurais-je, penaude. En fait, tu as raison, allons-y. Ce sera une expérience intéressante.

Elle allait répondre, mais ce fut le moment que le Président Bart choisit pour entrer. Nous nous levâmes comme un seul homme à sa vue. Il marchait très droit, soutenu par son exosquelette en métal qui ronronnait doucement, et l'autorité tranquille qu'il dégageait m'impressionna. Il avait exactement le même visage que son hologramme, mais ses yeux possédaient une lueur plus vive et plus intense en vrai. Il était suivi de trois Dirigeants, un homme et deux femmes, dont l'une, brune de peau et de cheveux, qui nous fixa chacun à notre tour dans les yeux. Elle respirait la force et la détermination, alors qu'à côté d'elle les deux autres semblaient pâles et fatigués.

Malgré l'air bienveillant du vieil homme, je sentais néanmoins que l'ambiance était électrique. La plupart de mes camarades arboraient un visage fermé, alors que certains serraient même les poings. Mais je n'eus pas le temps d'y prêter attention : le Président se mit à parler de sa voix chevrotante.

- Bonjour à tous, lança-t-il d'abord, et merci d'être là. (Devant moi, j'entendis Ted Mason renifler ironiquement). Je vous présente trois de nos Dirigeants : Becky Moore, Daisy Kerpen et Kurt Trent.

Les trois inclinèrent la tête à l'appel de leur nom.

- Nous vous félicitons au nom du pays d'Axer, continua-t-il, et nous espérons que vous saurez vous montrer dignes des espoirs qui ont été placés en vous. Pour vous expliquer un peu plus précisément ce que j'attends de vous, je vais vous parler chacun à votre tour en privé. Nous allons procéder par ordre alphabétique, et je vais commencer par Tanya Blyth.

Ce qui signifiait que j'allais passer la dernière... Et qu'allions-nous pouvoir faire, le temps de la discussion de ma nouvelle amie ? Je jetais un coup d'œil à Mike, qui ne se leva qu'une fois Tanya et le Président eurent disparus.

- Je vais aller à la serre, m'expliqua-t-il brièvement.

Je me fis la remarque encore une fois qu'il avait une voix extrêmement grave, très impressionnante.

- Très bien, acquiesçais-je. Alors je viens aussi.

Pas question de rester dans la même pièce que Mason.

- Ross, lançais-je en passant devant lui, vous voulez venir à la serre avec nous ?

- Il y a une serre ? Répéta-t-il en émergeant de ses pensées. Avec des animaux ?

Je camouflais une grimace de dégout. Un animal ? Une de ces bêtes pleine de poils ? Elles avaient presque toutes été décimées par le Nuage, sauf celles qui grouillaient En bas des villes. Et certains oiseaux, qui nichaient sur les toits. Mais des mammifères, ou des poissons... Je n'en avais vu que dans mon assiette.

- Pensez-vous qu'il y en ait, ici ? Interrogeais-je en me tournant vers Mike.

Il haussa les épaules, mais Becky Moore, qui était juste à côté, me renseigna :

- Oui, il y a une serre et une ménagerie. Vous pourriez voir les derniers spécimens d'espèces, qui vivent en semi-liberté... puisqu'évidemment, ils ne peuvent sortir à l'air libre. On a reconstitué un véritable petit écosystème, ici.

Nous nous dirigeâmes donc tous les quatre vers la direction indiquée par la Dirigeante. Et une fois dans le gigantesque hall, nous ouvrîmes une dizaine de portes numérotées avant de trouver enfin la serre. 

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