11. Accident

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             Je parvins à la porte du sas en même temps que Mike et Tanya, qui parlaient de leurs attentes envers le futur. La jeune femme ne semblait pas vexée que je les ai abandonnés, et elle me héla le plus naturellement du monde. Une fois à l'intérieur, nous retirâmes nos cagoules, respirâmes un grand coup, avant d'éclater en un rire nerveux.

- C'est curieux, hein ? Lançais-je la première. Je n'avais jamais imaginé les villes en ruine comme cela...

Une seconde passa. J'allais m'excuser pour être partie de mon côté, quand elle reprit simplement :

- On a visité la forêt, et c'était effrayant. Mike trouve que cela ressemble un peu à chez lui... Comment des êtres humains peuvent-ils habiter là-dedans ?

- Ce ne sera plus le cas quand tout le monde sera sur EA, la rassurais-je. Plus personne ne sera forcé de vivre de cette manière.

Mike me sourit, avant de nous quitter pour son entretien avec le président. Tanya et moi nous retrouvâmes seules au milieu des équipements, et je commençais à défaire ma combinaison. Je remarquais que mon amie portait la main à son poignet, avant que son visage ne se décompose :

- Oh mon Dieu... s'exclama-t-elle d'un ton affolé. Mon bracelet ! Je l'ai perdu !

- Ton bracelet ? Répétais-je, sans comprendre. De quoi tu parles ?

- C'est mon seul souvenir de ma famille ! Comment est-ce possible ? Cela veut dire que je l'ai perdu dans la forêt ? Ealys, je t'en supplie, est-ce qu'on peut aller le chercher ?

- Bien sûr, approuvais-je avec empressement. On va le retrouver vite, ne t'inquiètes pas.

Nous branchâmes de nouveaux assainisseurs sur nos bouches, avant de ressortir sur la pelouse rachitique que nous venions de quitter. Mon amie m'entraîna directement vers l'est, à l'opposé de ce que j'avais visité juste avant. Devant nous se dressait la silhouette maladive des arbres immobiles et jaunâtres. L'endroit était lugubre. Quand nous y pénétrâmes, je ne pus m'empêcher de frissonner. Aucun souffle de vent ne faisait balancer les lianes pendantes, comme fossilisées. Aucun oiseau ne pépiait comme dans la serre ou la ménagerie. Rien ne bougeait. Tout était pétrifié.

- Comment est ton bracelet ? Interrogeais-je, ma voix déformée par l'assainisseur d'air.

- En petites perles blanches, expliqua Tanya. Il y a un cœur en argent au milieu, gravé avec mes initiales.

Je levais le pouce pour montrer que j'avais compris.

Nous commençâmes à avancer tout doucement, scrutant le sol avec attention. La terre sèche s'effritait sous nos pas, comme les herbes, et traçait un chemin très net. Tanya et Mike avaient beaucoup marché entre les arbres, on le voyait parfaitement. Des lambeaux de Nuage voletaient ici et là. Des cailloux butaient contre ma chaussure de temps en temps. Mais nulle part je ne voyais l'ombre d'une perle. Aucun bruit n'était perceptible dans cette forêt lugubre.

- Et toi, lançais-je finalement pour rompre le silence, tu as laissé des gens que tu aimes derrière toi ?

Je crus un instant qu'elle ne m'avait pas entendue, parce qu'elle ne répondit pas immédiatement. Mais un soupir, elle finit par murmurer :

- Ma petite sœur, Virginia. Elle a quatre ans de moins que moi.

Elle laissa échapper un petit sourire, avant de poursuivre :

- Je suis comme une mère pour elle, depuis la mort de la nôtre. Mais maintenant qu'elle est partie, j'ai peur. Qu'elle devienne une petite écervelée, que ses succès en société lui tournent la tête...

- Je comprends, murmurais-je. Mais tu la reverras vite... avant qu'elle n'ait le temps de changer.

- J'espère. Mais toi aussi, tu dois avoir peur que tes amis changent, non ?

- Qu'ils changent ? Répétais-je. Non... c'est plutôt moi qui vais changer, je crois. Ils ne me reconnaitront peut-être plus...

Tanya allait répondre, quand soudain, elle trébucha et tomba en avant. Je n'eus pas le temps d'esquisser un geste qu'elle avait glissé dans une mare remplie de boue épaisse, dans laquelle elle commença à s'enfoncer. Elle poussa un hurlement quand elle commença à se débattre, sans succès, pour ressortir. Chaque mouvement, accompagné d'un bruit de succion, l'aspirait encore plus dans la boue. Elle était maintenant immergée jusqu'à la taille.

Je jetais un coup d'œil autour de moi, paniquée, à la recherche d'un instrument qui aurait pu m'aider. Le premier bâton que je saisis s'effrita et se réduisit en miettes sous mes yeux effarés.

- Ne t'inquiètes pas, Tanya, bégayai-je en fouillant le paysage du regard, tandis que mon cerveau fonctionnait à toute allure. Je vais te sortir de là...

L'un de ses cris mourut alors dans sa gorge, et elle se mit à haleter en me jetant un regard terrorisé. Je compris alors qu'elle ne pouvait plus parler. Son assainisseur était cassé, et il n'assurait plus assez la conduite de l'oxygène.

Mais rien ne pouvait m'aider, dans ce sous-bois inhospitalier... Il fallait que je retourne à la Base ! Mais abandonner Tanya était-il une bonne idée ?

- Je ne sais pas... geignis-je, en tournant sur moi-même sans pouvoir m'arrêter, électrisée par l'adrénaline.

Et si elle était aspirée avant que j'aie pu chercher de l'aide ? J'aurais son décès sur la conscience jusqu'à la fin de ma vie. J'aurais dû rester avec elle...

Mais tandis que mes pensées galopaient, je me mis soudain à courir avec elle. Et cavalant du plus rapide que je pouvais, je repartis par là où nous étions venues. Il fallait rejoindre la Base. C'était le seul moyen de trouver de l'aide.

Jamais je n'avais autant souhaité avoir des ailes. La terre meuble qui s'aplatissait sous mes pas manqua de me faire tomber plusieurs fois, mais les râles de mon amie, que mon cerveau me repassait en boucle, me maintinrent debout tout le long. Et quand les façades grises de la Base apparurent devant moi, je m'autorisais une seconde de pause pour respirer à fond, avant de repartir le plus rapidement possible.

Le sas ne mit jamais autant de temps à s'ouvrir. Je trépignais, pensant à Tanya qui s'enfonçait de plus en plus.

Je ne pris même pas la peine de retirer ma combinaison, et courus le plus rapidement possible jusqu'à la grande salle où nous étions arrivés la veille. Avec un peu de chance, l'un des Missionnés serait là-bas, où un employé... Et tandis que je m'approchais de la porte, je me mis à sangloter. Des pleurs incontrôlables. Parfait ! En plus d'être la gamine, j'allais être la pleurnicheuse du groupe.

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