EA - La Solution [Réécriture]

9. La Serre

      En ouvrant la lourde porte siglée d'un grand « 27 » peint en noir, je fus immédiatement happée par l'obscurité qui régnait. La seule lueur émanait d'un immense dôme située au centre, qui abritait les plantes, éclairées de l'intérieur. Des bancs étaient installés tout autour de la sphère, et sans un bruit, j'allais m'asseoir pour pouvoir observer tout cette verdure.

Je n'avais jamais vu autant de plantes de ma vie. Je possédais bien un ficus famélique, à la maison, mais rien de comparable à ce qui poussait ici. La serre était subtilement divisée entre les plantes exotiques, les plantes européennes, les plantes de montagnes, celles de désert, et dix autres catégories que je ne connaissais pas. Le seul bruit audible était celui de la fontaine qui glougloutait au milieu. Je voyais voleter des papillons, et je repérais aussi de petites abeilles qui butinaient les fleurs, et elles ne me dégoutèrent même pas. Cet endroit était le calme à l'état pur.

Je fus soudain prise de jalousie en pensant au monde d'avant la Guerre. Je n'avais pas eu la chance de vivre à cette époque. Une époque sans le Nuage, où on pouvait sortir à l'air libre sans mourir, se promener à la campagne, aller à la mer... Une époque où la Terre était parfaite, composé d'un seul pays unifié et d'une langue universelle. Un pays où il n'y avait aucune inégalité, aucune guerre, aucun malheur. Je repensais à mes cours d'enfants : La Terre a toujours été unifiée et heureuse, rien ne l'a troublée jusqu'à la Grande Guerre qui en fait le théâtre du désastre. Jamais autant d'hommes ne sont morts. Jamais une telle catastrophe écologique n'a eu lieu. Aujourd'hui, Axer tente de redresser notre nation pour retrouver ce monde meilleur.

Mes camarades aussi semblaient impressionnés. Je vis Ross s'asseoir près du dôme, comme fasciné par le va-et-vient d'un insecte. Mike, l'air pensif, en fit le tour inlassablement, ses énormes mains emprisonnées l'une dans l'autre et croisées derrière son dos. Quant à Jane, elle avait sorti un bloc-notes de sa poche, et griffonnait dessus sans s'arrêter. Curieuse, je m'approchais :

- Qu'est-ce que tu fais ? Chuchotais-je.

- Moi ? S'exclama Jane, stupéfaite, en rougissant brusquement. Je... enfin, c'est...

- Tu peux me le dire, la rassurais-je, je ne dirais rien, si c'est ça qui t'inquiètes...

- Non, non, tenta-t-elle de se rattraper. Je... je suis biologiste, en fait... scientifique... enfin, ma mère est apothicaire... elle m'a tout appris sur les plantes...

Apothicaire ? Voilà bien un nom de métier d'En bas, songeais-je. Qu'est-ce que ça pouvait bien signifier ? En tout cas, c'était en rapport avec la nature. Une sorte de jardinier, peut-être ? Impossible, il n'y avait pas de jardins, En Bas...

- Tu n'en as jamais vu de comme ça, pas vrai ? Lançais-je avec une fierté de propriétaire.

La jeune femme me jeta un regard étrange.

- Toi non plus, il me semble, nota-t-elle. En bas, nous avons de l'herbe et des arbres, tu sais.

- Hum... je crois que je n'ai jamais marché dans de la terre, reconnus-je avec humour.

- Eh bien, tu essaieras en allant dans le Nuage. Mais je ne comprends pas que des gens d'En bas puissent y aller. Nous l'endurons tellement depuis le début de notre vie...

- Angeltown est quand même une ville peu polluée, objectais-je.

- Un jour, je t'emmènerais En bas. Tu me diras ce que tu en penseras.

Je restais silencieuse, troublée. Pourquoi avait-elle dit « un jour » ? Jamais nous ne reviendrons, et elle le savait très bien ! Cette fille était censée être intelligente, puisqu'elle était une scientifique...

- À ton avis, pourquoi as-tu été choisie pour cette Mission ? Interrogeai-je.

La jeune femme me lança un regard inquisiteur. Au bout d'une seconde, elle haussa les épaules :

- Il est toujours utile d'avoir une biologiste pour s'installer sur une nouvelle planète... je suppose que le Président m'en dira plus. Et toi ?

- Je suis scientifique, moi aussi, lançais-je en tachant d'avoir l'air détaché. J'étudiais... l'espace.

- Alors toi, c'est facile de deviner quelle sera ta Mission. Je suis sûre que tu seras notre référence sur EA !

J'opinais fièrement.

Après un long moment passé dans la serre, nous finîmes par sortir. Revenir à la lumière du jour qui tombait dans le hall par les verrières me fit mal aux yeux, et je clignais quelques secondes, aveuglée. Sans avoir à nous concerter, nous nous mîmes immédiatement à chercher la ménagerie.

Elle n'était pas très loin, sa porte siglée cette fois-ci d'un 32 imposant. Comme la serre, elle était plongée dans le noir, à l'exception du centre de la pièce. Cette fois-ci, nous débouchions sur un balcon circulaire, qui faisait tout le tour du mur, et dans la vaste fosse vivaient les animaux. Il avait été recréé ici un écosystème entier, comme l'avait fait remarquer Becky Moore, avec ses arbres, son herbe, ses rochers, son eau, et même sa lumière captée par des panneaux solaires extérieurs et retransmise par des plaques réfléchissantes situées au plafond. Stupéfaite, je découvris là des centaines de bêtes dont je ne connaissais même pas le nom. Pourtant, nous ne restâmes pas aussi longtemps que dans la serre, parce qu'un employé vint nous avertir qu'il était l'heure du déjeuner. 

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