CHAPITRE 6 Alaïna

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Il n'a pas bougé.

Il est presque minuit, l'heure où les enfants sont censés dormir. Il a l'air fatigué, mais son regard ne fléchit pas. Ses cheveux, d'un brun foncé, affichent quelques boucles décoiffées. Ses yeux sont de la même teinte que les siens, et pourtant leurs expressions ne semblent pas refléter les mêmes émotions.

Il s'approche de moi, son regard fixé sur le mien, puis penche la tête sur le côté, fronçant les sourcils comme s'il cherchait à m'analyser. Je le reproduis instinctivement, et ainsi, nous nous jaugeons du regard pendant plusieurs secondes. C'est incroyable, mais il semble posséder des pouvoirs magiques, comme s'il pouvait lire en moi. Soudain, il redresse la tête et esquisse un sourire, offrant la vision la plus pure que j'aie jamais vue. Il est simplement adorable. Ce simple sourire me rassure, et plus rien autour de nous ne semble compter. C'est comme s'il n'y avait que lui et moi.

Il s'approche de moi et tend ses bras pour que je le porte, ce que je fais immédiatement, lui rendant son sourire. Je le place sur mes genoux et il se blottit contre moi. Puis, il penche la tête en arrière pour me regarder et me demande d'une voix douce, enfantine, légèrement endormie :

-Pourquoi, tu es dans ma maison ?

J'entends un mouvement en face de nous. Aaren et Taylor cessent de respirer, comme choqués, mais je n'y prête pas plus attention. Comment expliquer à un enfant de cinq ans que mon père a fait une erreur ?

Il ne me laisse même pas le temps de répondre qu'il enchaîne avec une autre question.

-Comment tu t'appelle?

-Alaïna. Et toi ?

-Moi, c'est Liam, me dit-il tout en triturant son doudou Spider-Man.

-C'est toi qui as fait asseoir Thor sur Spider-Man ? dis-je en relevant un sourcil amusé.

-Oui, répond-il en rigolant.

Il s'approche de mon oreille et me demande en chuchotant si je veux venir jouer avec lui.

-Désolée, mon ange, il faut que je finisse de parler avec les deux rigolos qui sont derrière le bureau, dis-je tandis que nos regards se portent sur les deux hommes assis. Il émet un petit rire qui réussit à réchauffer mon cœur, dont j'ai tant besoin dans cette situation.

-Peut-être une prochaine fois, d'accord ? Là, je pense qu'il faut que tu retournes dormir.

Il me regarde avec un petit regard triste et une moue boudeuse, mais finit par comprendre. Il passe ses bras autour de mon cou et resserre son étreinte dans un doux câlin que je lui rends sincèrement. C'est l'être humain le plus angélique et le plus apaisant que j'ai rencontré. Je me suis toujours sentie plus à l'aise avec les enfants qu'avec les adultes, allez savoir pourquoi. Mais Liam, il est... je ne sais pas, il y a quelque chose que je ne saurais expliquer.

Il finit par descendre de mes genoux et se dirige vers Aaren, qui lui parle dans l'oreille, lui disant sûrement d'aller se coucher. Puis cet ange repart comme il est venu. Je le suis du regard, quitte à me tordre le dos sur le fauteuil pour le regarder marcher derrière moi. Avant de passer la porte, il se tourne vers moi et me fait signe de la main avec un petit sourire. Je lui rends son geste, et c'est en se frottant les yeux de fatigue qu'il passe la porte.

Je reste figée sur la porte quelques instants avant de me retourner devant les deux "rigolos", qui se mettent à me fixer d'une manière étrange. Au moment où j'allais leur faire la remarque, Aaren prend la parole.

-J'ai trouvé un moyen pour vous de me rembourser plus vite. Vous allez travailler pour moi.

Mais, ce mec est timbré !

– Non, dis-je sèchement.

Il est hors de question que je travaille pour lui.

-Vous n'avez pas le choix, j'ai besoin d'une personne qui s'occupera 24h/24 de Liam. La dernière a démissionné, cela m'évitera d'abord de perdre mon temps à passer des entretiens et de perdre mon temps avec des hommes et des femmes qui ne s'entendent pas avec Liam. Vous travaillerez six mois et avec le salaire que je vous verserai, la dette de votre père sera largement payée.

Six mois ! Je ne veux pas travailler pour lui six mois. Cela voudrait dire que je devrais vivre ici pendant cette durée. Je n'ai aucune connaissance sur les enfants. J'ai déjà fait du baby-sitting plus jeune, mais j'ai 21 ans et je n'ai pas les qualifications requises. Il faut une personne qualifiée pour s'occuper de cet enfant. D'un autre côté, six mois, c'est tellement moins de temps que ce que j'avais prévu. Papa pourra se recentrer sur son travail et moi, j'aurai juste à reprendre le travail six mois plus tard, en espérant que mon patron voudra bien me reprendre après cette démission soudaine. En 6 mois, cette histoire fera partie du passé. En 26 semaines, j'aurai de nouveau la paix, dans 183 jours, plus de Taylor, plus de Jeffrey, plus d'Aaren.

-Évidemment, vous logerez ici, vous le conduirez à l'école, le ramènerez ici le soir, l'aiderez à faire ses devoirs, vous assurerez qu'il aille se coucher...

C'est le rôle de ses parents de faire ça. Pourquoi est-il obligé d'engager quelqu'un 24h/24 s'il est là lui-même ?

-C'est votre rôle en tant que parent, je comprends que vous ayez un emploi du temps chargé, mais certaines responsabilités incombent aux parents.

Son visage se referme à la mention des parents. Il reprend son calme et me répond de manière calme et froide.

-Je comprends, mais encore une fois, vous n'avez pas le choix. Vous voulez rembourser la dette de votre père rapidement, et j'ai besoin de quelqu'un pour s'occuper de mon petit frère.

Son petit frère.

C'est pour cela qu'il se referme d'un coup. Malgré ses efforts pour dissimuler ses émotions, son visage reste tout de même expressif. Je préfère ne pas m'aventurer sur un terrain glissant. Après tout, sa vie privée ne me concerne pas. Je n'ai pas d'autre choix que d'accepter si je veux sortir mon père de cette situation.

-C'est d'accord. J'accepte, dis-je, réticente.

-Parfait. Officiellement, vous travaillerez pour BlakeStrategies en tant que nounou de Liam. Officieusement, vous rembourserez la dette de votre père. Nous sommes samedi, je vous laisse une journée pour récupérer vos affaires et vous installer ici. Vous commencez lundi.

Taylor, qui était resté silencieux tout au long de la conversation, se leva, anticipant déjà la demande de son associé.

-Taylor, pourrais-tu raccompagner Mademoiselle et Monsieur Richards, s'il te plaît ? dit-il, concentré sur les documents étalés sur son bureau, sans nous accorder la moindre considération.

No Promises (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant