★ Prologue ★

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« Il était une fois dans une petite ville deux personnes qui vivaient un amour interdit.

– Tu veux manger quoi ce soir ? dit un homme qui fouillait un tiroir.

Comme sa compagne ne répondait pas, il leva la tête et la fixa de ses yeux dorés d'un air interrogateur. Elle était appuyée contre un mur blanc et regardait pensivement à travers la fenêtre.

– Ils arrivent, dit-elle d'une voix blanche en guise de réponse.

Il la rejoignit aussitôt. Dehors des humains s'activaient, la lumière des torches qu'ils portaient vacillant sous l'effet de la brise qui s'était levée. Les humains se rassemblèrent et formèrent des rangs, hérissés de piques.

– Fuyons, la supplia-t-il.
– Mais, pour aller où ? Nous ne pouvons pas fuir, ils nous pourchasseront et nous retrouveront peu importe où nous irons ; et tu sais très bien que je ne peux pas accéder au monde des elfes. (Elle s'interrompit et plongea son regard charbon dans le sien doré.) Fuis avec elle tant que tu en as encore le temps !
– Tu sais très bien que je ne partirais pas sans toi. (Il pointa du menton un berceau, à demi caché par un rideau.) Comment va-t'elle survivre ?
– Je n'en sais rien, dit-elle d'une voix où perçait l'appréhension.

Des coups ébranlèrent la porte, qui céda. Les individus pénétrèrent dans la maison, envahirent la pièce. Un homme s'avança, tira un bout de papier froissé de sa poche et commença à le lire.

– Par ordre du Conseil, vous êtes en état d'arrestation Leiko.
– Et de quoi serais-je coupable ? dit-il en relevant son menton pointu.
– Vous êtes une créature du diable. (Il cracha ce dernier mot.) Quant à vous, Cyrha, vous êtes coupable d'avoir pactisé avec. (Il ajouta à l'intention de ses compagnons.) Emparez-vous d'eux !

Les soldats se rapprochèrent et les encerclèrent. Les deux amants se rapprochèrent et se tenirent par les mains.

Ëiko na'vo *, dit-il dans la langue de ses ancêtres.
– Je t'aime moi aussi, répondit-elle.

Les militaires les séparèrent violemment et les firent s'agenouiller face à face. Les gardes les mirent en joue.

– Keîve ! Je t'en supplie ! Ne le tue pas !

Le commandant ignora sa suplique. Il esquissa un geste nonchalant de la main. Leiko tomba, abattu.

– Et d'un ! annonça-t'il.

Le cri de Cyrha ne s'était pas évanoui dans la nuit qu'ils lui firent subir le même sort qu'à son mari. Elle s'effondra.

– Et de deux ! (Il se pencha vers elle et lui murmura à l'oreille, bien qu'elle ne soit plus en mesure de l'entendre.) Il n'a pas pu te protéger... Tu vois que tu aurais dû m'épouser... »

– Mais elle est horrible ton histoire ! protesta Leïra.
– Si seulement c'était une histoire, si seulement... murmura-t'il sans qu'elle ne l'entende.

Après un long moment, elle reprit la parole.

– Leiko, c'était un elfe et Cyrha une humaine, c'est ça ?

Il acquiesça en silence.

– Et le bébé, il vit encore ?

Il soupesa ses mots avant de répondre en hésitant.

– Oui... Oui, je pense...

Il se leva et passa le rideau de feuille qui fermait le nid de bambou. Sitôt franchi, il s'appuya contre la paroi, laissant les souvenirs l'envahir. Il n'avait pas tout dit, loin de là. Il se souvenait de ce jour fatidique comme si c'était hier.

« Il avait passé une des portes ce jour-là, pour se rendre dans le monde des humains, à la demande de son frère. L'air était doux et les étoiles brillaient dans le ciel. Il s'était dirigé gaiement vers leur maison, enthousiasmé à l'idée de voir sa nièce pour la première fois. Il avait toqué mais n'avait pas reçu de réponse.

– Leiko ? Cyrha ? C'est moi, Reihn ! Vous êtes là ?

Il avait avancé quand son pied toucha quelque chose d'humide. Il avait baissé la tête et regardé la flaque rouge qui s'étendait. Il avait relevé la tête, chose qu'il avait tout de suite regretté. Cyrha et Leiko étaient étendus sur le sol. Il vit, impuissant, le corps sans vie de son frère se végétaliser au fur et à mesure que le temps passait. Une sphère dorée se formait au-dessus de son corps.

– Le don du souvenir...

Il la saisit et elle se métamorphosa en un écran de fumée. Il put  regarder la mort de son frère et sa femme se dérouler, impuissant.
L'elfe se laissa glisser au sol, dévasté. Un gémissement finit par le ramener à la réalité, bien longtemps après que la boule de lumière se soit dissipée. Il s'était levé et dirigé vers sa source. Une petite elfe geignait dans un berceau, inconsciente du fait qu'elle venait de devenir orpheline.

– Tu y a échappé, toi ? Allez, viens, je vais m'occuper de toi. C'est bien le minimum que je puisse faire... »

C'est comme ça qu'il avait recueilli Leïra. Ce jour-là, il serait promis qu'elle soit heureuse et vivrait protégée des humains et leur cruauté.

Reihn essuya une larme, puis une autre. Un bruit de pas derrière lui le fit se retourner.

– Tu pleures, oncle Reihn ?
– Non... Retourne te coucher...

*Je t'aime

Peace ★ 831 mots

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