★ Chapitre 8 ★

26 6 17
                                    

Je pénètre dans la clairière, mal à l'aise. Je sens les regards de mes camarades peser sur mes meilankass et mes cheveux couleur sang. Ils sont tous massés autour de Tanaquill qui est debout à côté de notre arbre. Je me dirige vers elle.

– Qu'est-ce que tu leur a raconté ?
– Moi ? Rien, juste la stricte vérité.
– Tu crois que ça changera quelque chose ? J'ai toujours été à moitié humaine et pourtant vous m'avez acceptée. Tu crois vraiment que je vais me faire rejeter à cause de ça ?

Je bluffe. Je me fais rejeter. Dès que je m'approche, ils m'évitent ou font semblant d'être soudainement passionné par un nuage.

Je crie :
– Je sais très bien ce que vous pensez, mais dites le moi en face ! Avez-vous donc tous si peur ? Vous pensez que parce que je viens d'apprendre que je suis humaine je vais tous vous tuer ? Ils ont assassiné mes parents, alors arrêtez !

Je sens le bout de mes doigts me picoter et je baisse mes yeux vers eux. Ils brillent d'une lueur rougeâtre. J'inspire profondément. Le regard de Tanaquill est posé sur eux. L'éclat avide de ses yeux ne laisse aucun doute : elle veut savoir mon don mais je ne lui laisserais pas cette satisfaction. Elle n'a d'ailleurs pas remarqué le léger changement autour de moi, ce même changement que je ne savait pas détecter avant mon Éveil. 

L'aura qui entourait les plantes autour de moi a un peu faibli. J'ai pompé involontairement dans le flux d'énergie vitale qui entoure chaque être vivant. Si je ne m'étais pas contrôlée, l'herbe serait morte et les fleurs fanées ou si j'avais poussé un peu plus loin, réduites en poussières.

– Qu'est-ce qui se passe ici ? gronde Maitre Nëugo, sa voix pareille au tonnerre d'un orage l'été. Allez tous vous asseoir ! Tanaquill, Leïra n'est pas responsable de ses origines et Leïra, arrêtez de la provoquer.
– Mais Maitre, disons-nous à l'unisson.
– C'est moi qui parle la demi-elfe, me crache-t'elle.
– Et pourquoi pas moi ?
– IL SUFFIT ! (Nous nous taisons, penaudes.) Cessez vos enfantillages ! Et allez vous asseoir !

Nous nous exécutons en silence en se foudroyant mutuellement du regard.

– Bien. Cours sur la monarchie. Lisez le texte page 34 et répondez au questions.

Je sors mon livre et l'ouvre. Je soupire en voyant les longs paragraphes écrit en tout petit. Je plisse les yeux et commence à lire.

"La monarchie des elfes n'est pas classique. Elle devrait normalement s'appuyer sur une famille qui se transmettrait la couronne de génération en génération, ce qui était le régime de base. Cependant, de nombreux dirigeant éprouvaient de la culpabilité à prendre la place de leur parent et finissaient par en mourir (lire La culpabilité, un poison mortel chez les elfes, page 6.).
Je réprime tant bien que mal un bâillement. C'est ennuyant au possible.
Une solution a donc été trouvée. Il avait été remarqué qu'il y avait toujours un elfe au talent d'oracle, mais seulement un à la fois. Lorsqu'un elfe passait l'Éveil et se révélait être oracle, la date concordait avec la mort naturelle du précédent oracle. Ils sont ainsi devenu les dirigeants d'Eïkano. Leur don leur permettait de prévoir les catastrophes et de les pallier, ce qui se révéla être une grande aide dans la recherche de l'équilibre et de l'harmonie afin de préserver une forme de stabilité.
Cependant lorsqu'un oracle meurt accidentellement, personne n'est là pour le remplacer. Un gouvernement provisoire est alors mis en place le temps qu'un oracle ne se révèle lors de son Éveil..."

– Leïra... Leïra, me dit une voix lointaine.
– Quoi ?
– Vous êtes avec nous ? J'ai demandé de ranger vos livres.

Je redresse la tête en sursaut et essuie le filet de bave qui a coulé le long de ma joue. J'entends mes camarades par bribes, tandis qu'ils cherchent à peine à se faire discret pour commenter mon petit somme impromptu.

– Je sais que l'Éveil est source de grands changements mais concentrez-vous, je vous prie. Au fait quel est votre don ? Vous ne nous l'avez pas dit.

Je me pétrifie et plie nerveusement ma plume qui se brise sous la pression. Je la regarde, surprise.
– Oh... Euh...

Je ne peux pas leur dire que mon don est négatif, je rendrais raison à tous leurs commérages. Mais je ne pourrais pas le cacher éternellement.
Il me faut une diversion. Je tente de réprimer les vagues de terreur qui émanent de moi. Il ne faut surtout pas qu'ils les sentent.

– A vrai dire, je pensais plutôt vous faire une démonstration.
– Allez-y, cela nous fera une petite pause.
– Il me faudrait un peu de temps, il est encore tout nouveau vous savez, dis-je en riant nerveusement.
– Bon, d'accord. Demain alors. Et Leïra, n'ayez pas peur. Votre don ne doit pas être si horrible.

Je lui adresse mon plus beau sourire, quoique crispé :
– Vous avez raison.

Mieux vaut éviter qu'il ne le découvre, il changerait vite d'avis sinon. Je fronce les sourcils.
J'ai jusqu'à demain pour m'inventer un don.

Peace ★ 834 mots




OriginesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant