Hope arriva chez Pierre dans la soirée, son nouveau chapeau à la main. Elle était un peu triste d'avoir perdu son lièvre, mais elle en trouverait d'autres. Le sourire de Pierre lorsqu'elle entra chez lui suffit à lui effacer tout regret.
-Pierre, devine ce que j'ai reçu des messieurs qui aiment les dents ? Ce chapeau de chasseur !
Pierre attrapa le chapeau et le mit sur sa tête sans tarder. Il sourit jusqu'aux oreilles. Puis il regarda Hope et son regard s'assombrit un peu :
-J'ai vu qu'il y a eu un incendie dans la forêt, ça va ? Hier tu m'as dit que tu y étais.
Hope le regarda tendrement et chercha à effacer les douloureuses images qui s'affichaient devant elle.
-Ne t'en fais pas, j'étais dans une autre zone de la forêt, il ne m'est rien arrivé. Tu n'as qu'à me regarder, je suis en pleine forme.
-Tu faisais quoi dans la forêt ?
-Ça, c'est un secret ! Plus important. Tu vois ce chapeau, il signifie quelque chose. Quand j'aurai du temps libre, je t'emmènerai chasser avec moi. Comme ça, tu pourras ramener plein de bonne viande à ta famille.
-Demain ?
-On verra, j'ai un emploi du temps chargé ces temps-ci.
-Toujours tes activités dans la forêt...
Hope lui sourit, mais ne lui répondit pas. Le regard de Pierre s'attrista et cela lui brisa le cœur. Elle ne pouvait cependant pas faire plus que ce qu'elle faisait déjà. Pierre se reprit vite et il alla montrer son chapeau à tout le monde. Elle partit alors en vitesse, avant qu'Agnès ne lui dise de reprendre son cadeau.
Monsieur Petit était en colère. Ce matin, de bonne heure, Jack Lancaster était venu lui prendre temporairement sa place. Il n'avait eu droit à aucune explication et avait dû se contenter d'observer impuissant l'arrivée du chef de la milice et son installation dans son bureau. N'ayant plus rien à faire, il décida d'aller questionner celui qui lui avait volé sa place :
-Alors, vous pensez rester ici longtemps ?
Jack leva les yeux de la paperasse. Il avait beau l'avoir consultée durant plusieurs minutes, il n'avait rien trouvé d'utile ou d'intéressant. Sa cible savait comment se montrer discrète. Il regarda le maire avec un air supérieur et soupira, espérant qu'il ne soit pas trop curieux. La curiosité pouvait être dangereuse.
-Autant que nécessaire.
-J'imagine que vous n'allez pas me partager les raisons de votre venue.
Jack réfléchit. Peut-être qu'au fond, l'aide de quelqu'un qui connaissait bien le Gouffre ne serait pas de refus.
-Au contraire, votre aide pourrait être la bienvenue. Je cherche une personne et je me dis que vous en savez sûrement plus que moi. Connaissez-vous votre village, monsieur ?
-Le village est grand, vous savez ? Et ses habitants sont nombreux. Mais vous pouvez toujours essayer de demander, tenter votre chance ne vous coûtera rien.
-Vous insinuez que le temps que je perds ici n'a aucune valeur ?
Monsieur Petit ne répondit rien. Il aimait les habitants du village et il ne voulait pas les trahir.
-Qui recherchez-vous ?
-Je vois que nous sommes sur la même longueur d'onde, cela me fait plaisir. Pour tout vous dire, je ne connais ni son nom, ni son visage. J'ai mes propres pistes, mais elles sont assez réticentes. Je préfère interroger quelqu'un qui n'a aucun lien avec la personne que je recherche. J'imagine que vous comprenez. Regardez ce dessin. Il y a peut-être quelques erreurs, mais il a été fait de mémoire. Pourriez-vous me dire de qui il s'agit ?
Le maire regarda le dessin. Il n'était effectivement pas très précis, mais il aurait reconnu cette personne entre mille. Il s'agissait de Hope. Seule une chose l'intriguait.
-Comment se fait-il, monsieur, que cette jeune fille a les yeux violets ?
-On pense que c'est une erreur du garde. Nous l'avons retrouvé inconscient, ses souvenirs n'étaient pas précis.
-Tout de même, des yeux de cette couleur, ce n'est pas commun. Je ne vois pas comment le garde a pu se l'imaginer. Est-ce pour cela que vous essayez de retrouver cette personne ?
Jack le fixa de ses yeux bleu minuit. Il ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement. Il avait affaire à un Vert, il devait s'y attendre. Ils étaient trop malins à son goût. Il aurait aimé user de son pouvoir, mais la maire l'aurait remarqué, puisque ses yeux se seraient allumés.
-Ce sont des informations confidentielles et réservées aux membres importants de la société. Vous n'êtes qu'un vulgaire maire d'un petit village, vous n'en faîtes pas partie. Maintenant, dîtes-moi ce que vous savez ou partez.
-Vous êtes ici chez moi.
Jack ne tint plus. Ce maire était trop confiant. Il ne se rendait peut-être pas compte à qui il avait à faire. Il se mit debout, exposant les nombreuses médailles accrochées à sa veste et alluma ses yeux. Il insuffla de la crainte au maire, qui ne laissa rien paraître.
-Vous n'êtes qu'un Vert, restez à votre place. Maintenant répondez, qui est cette personne ?
-Je l'ignore.
La tension dans la pièce était palpable. Les deux figures imposantes s'affrontaient du regard, leurs yeux luisants dans la pénombre de la salle. Personne ne désirait s'avouer vaincu.
-Vous êtes bien trop suspect. Vous cherchez à protéger cette fille, j'en suis certain. Voyons voir combien de temps vous tiendrez encore. Après tout, votre cher village est entre mes mains.
Ben avait décidé de sortir pour prendre l'air. Ses blessures étaient encore récentes, mais bien moins dures à supporter que l'impression d'étouffer. L'incendie de la veille l'avait impacté plus que n'importe quel évènement de sa vie. Il avait besoin de respirer pour libérer ses poumons remplis de fumée. Il sortit donc et se mit à vagabonder pour se changer les idées. Mais cela ne dura pas longtemps, ça aurait été trop beau. Un garde l'arrêta. Ben se tourna au ralenti, terrorisé. Puis il réfléchit. En réalité, il était en sécurité. Il n'était pas un Exclu et la milice n'avait aucune idée de ses précédents illégaux. Il regarda l'homme avec un regard confiant et assuré, mais celui-ci se déforma lorsqu'il vit ce que ce garde avait à la main :
-Est-ce bien vous sur ce dessin ? Si c'est le cas, je vous demanderai de bien vouloir venir avec moi.
Hope s'apprêtait à rentrer chez elle. Elle avait accompli tout ce qu'elle avait prévu et elle était satisfaite de sa journée. Elle ne voulait aller se coucher, car elle savait que son sommeil serait hanté de cauchemars. Dès qu'elle fermait les yeux, elle voyait du feu. Elle devait occuper ses journées pour ne pas trop y penser.
Hope allait bifurquer dans une ruelle isolée lorsque quelqu'un la prit par les épaules. Elle se retourna vite et vit monsieur Petit. Son visage était strié par des rides d'inquiétude.
-Hope, que caches-tu ?
-Monsieur le maire, de quoi parlez-vous ?
-Tes yeux, peuvent-ils devenir violets ?
-Je ne sais pas, je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Parfois, quand je suis en danger, je ressens en moi un pouvoir différent, que je ne peux pas contrôler.
-Je te conseille de comprendre vite, parce que la milice en a après toi. Je crains que la Rose Noire ne doive accélérer le rythme.
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La Rose Noire
FantastikHope n'a pas la vie facile, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle vit dans un village misérable, dans un royaume aux lois cruelles. Elle a les yeux gris, elle appartient à une classe sociale qui n'a pas beaucoup d'influences: celle des travailleurs...