Chapitre 34

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Hope leva la tête de la foule et vit le feu. C'était le même feu que l'incendie, celui qui sème la mort. Arthur tentait de se débattre, mais les liens qui le retenaient étaient trop solides. Elle alluma ses yeux en gris et ignora chacun de ses opposants pour s'approcher de lui.

Ses cheveux volaient au vent alors qu'elle courait sans hésiter vers le centre de la place où Arthur s'apprêtait à mourir sur le bûcher. Le chaos l'entourait, mais sa concentration restait inébranlable. Elle refusait d'abandonner, car elle savait que la vie de cet enfant dépendait de sa bravoure. À chaque pas, elle ressentait l'urgence de la situation croître. À chaque pas, les flammes s'élevaient un peu plus dans le ciel et à chaque pas, l'air se remplissait un peu plus de fumée. Sa voix s'élevait pour crier le nom d'Arthur, appelant à l'arrêt de cette injustice.

La foule s'écartait devant elle, certains regardant avec stupeur, d'autres avec admiration. Beaucoup essayèrent de lui frayer un passage. Ignorant les menaces et les obstacles, elle atteignait enfin le bûcher. Plus rien ne lui faisait peur. Les flammes léchaient les pieds d'Arthur, qui ne pouvait plus crier tant il devait tousser. Elle monta en vitesse sur le bûcher et se retrouva nez à nez avec le garde. Elle le regarda dans les yeux.

-Laissez-moi !

Le garde la fixa avec mépris et dégaina son épée.

-Au nom de la justice, tu ne passeras pas.

Hope rit. De quelle justice parlait-il ? Il méritait d'aller croupir en enfer. Elle courut vers lui, armée de son poignard et essaya de le blesser assez gravement pour qu'il la laisse tomber. Mais elle n'arrivait pas à se concentrer sur son combat, pas pendant que le feu ne cessait de croître. Criss apparut soudain pour lui prêter secours. Il tira le garde vers l'arrière et tomba avec lui, avant de crier, les larmes aux yeux :

-Sauve mon fils !

La chaleur intense du bûcher embrasé dansait devant ses yeux alors que Hope, résolue, parcourait les quelques pas qui la séparait d'Arthur. Armée de son poignard, ses mains tremblaient légèrement, mais sa détermination demeurait inébranlable. Chaque pas la rapprochait de celui qu'elle désirait sauver, dont les larmes se mélangeaient avec la fumée des flammes. Le crépitement des braises semblait être un avertissement, mais elle ignorait tout danger, guidée uniquement par son amour et sa compassion. Elle avait perdu Tulipe, elle ne perdrait personne d'autre. Elle refusait.

Ses yeux se fixaient sur Arthur, qui semblait à la fois terrifié et émerveillé par l'audace de sa sauveuse. Elle effaça la crainte de son regard. Elle était là pour lui, elle ne le laisserait pas. Les cris de la foule enragée et leurs prières silencieuses résonnaient dans les oreilles de Hope, mais elle se concentrait uniquement sur sa mission. Chaque seconde était cruciale, et elle se devait d'agir rapidement.

Enfin, elle atteignit le brasier dévorant. Le poignard serré dans sa main, elle ne se laissa pas intimider par les flammes dansantes autour d'elle. D'une main ferme, elle entama le geste audacieux de couper les cordes qui entravaient Arthur. La lame du poignard brillait comme un éclat d'espoir au milieu des ténèbres de la tragédie. Il était la lumière qui absorberait la noirceur du Gouffre pour, enfin, laisser de la place à la clarté.

La tension était palpable alors que la lame rencontrait la première corde. Chaque seconde qui s'écoulait semblait une éternité. La foule, jusque-là hostile, retenait son souffle en espérant un miracle. Même les gardes avaient cessé de se battre et regardaient ébahis Hope qui s'était jetée dans les flammes. Face à une telle bravoure, tous ne pouvaient qu'observer.

Un à un, les liens qui retenaient Arthur se brisaient sous la détermination de Hope. Les flammes dansaient autour d'eux, menaçantes, mais la lueur d'espoir grandissait. Hope avait les larmes aux yeux, de peur et de douleur. Mais sa force à elle n'était pas physique, sa force était sa volonté indomptable à sauver les siens. Enfin, la dernière corde fut tranchée, libérant Arthur de son funeste destin.

Le cœur battant, la jeune fille saisit l'enfant dans ses bras et le protégea de son propre corps pour le soustraire un tant soit peu à la chaleur brûlante. Une étreinte emplie de soulagement et de tendresse scella leur lien. Ils avaient affronté les flammes ensemble et ils les avaient vaincues ensemble.

Arthur s'accrocha à Hope de toutes ses forces. Il voulait la remercier, mais il n'avait même pas la force de parler. Sa gorge lui brûlait trop. Mais, de toute manière, son immense reconnaissance était visible dans son regard enfantin.

Dans un élan de courage, Hope se releva, portant Arthur dans ses bras, et traversa le brasier. C'était fini, elle avait réussi l'impossible. Elle était forte. Enfin, tous deux émergèrent de l'autre côté du bûcher, indemnes. Lorsqu'elle sortit des flammes, Emma, Clara et Ben l'attendaient. Ils lui prirent Arthur des bras et ensemble ils fuirent vers un endroit calme, sans se retourner pour contempler le chaos qui régnait derrière eux.

Arthur sauvé, l'émeute ne dura pas longtemps. Les villageois s'éloignèrent peu à peu, fuyant la rage incontrôlable des gardes. Maintenant que l'euphorie du moment était passée, ils se demandaient ce qu'ils adviendraient d'eux. Mais presque aucun d'eux ne regretta de s'être rebellé. Car la lueur dans leur regards était réapparue et une nouvelle flamme vibrait dans leurs cœurs. Le nom du Gouffre avait à présent un nouveau sens pour eux. Ils l'avaient creusé eux-mêmes, avec leurs peurs, leurs craintes, leurs remords enfouis. Ils ne pensaient pas pouvoir remonter. Pourtant, Hope avait réussi et à présent qu'elle n'y était plus, elle tendait sa main pour permettre aux autres d'y sortir.

Emma, Clara, Ben, Hope et Arthur se réfugièrent dans la forêt. Ils cherchèrent un point d'eau et Hope et Arthur s'y jetèrent. Ils y restèrent de longues minutes, profitant de la fraîcheur que la nature leur offrait. Puis, Emma prit la parole :

-Je crois qu'ici, plus personne ne pourra dire que Hope ne mérite pas d'être le Pissenlit.

Hope sourit. Elle leva ses yeux au ciel et murmura :

-Gabriel, Tulipe, j'ai trouvé ma force.

Jack ne pouvait plus rester assis et il en était à sa troisième pipe fumée. Ce jour-là avait été, pour la milice, une journée bien difficile. À présent, il devait prendre une décision.

-Monsieur, souhaitez-vous que nous demandions des renforts ? Si rien n'est fait, la situation pourrait bien dégénérer.

Jack le fixa et le garde devant lui ne put soutenir son regard. Il n'avait pas besoin de ses conseils, surtout qu'ils étaient médiocres.

-Mais bien sûr, ainsi nous montrerons à tous que la section six est incapable de gérer une poignée de villageois qui, jusqu'à son arrivée, étaient totalement inoffensifs.

-Alors, que pouvons-nous faire ?

-Cela vous paraîtra étrange, mais pas grand-chose. Continuons à chercher la fille. Elle est celle qui alimente le feu. Si elle disparaît, l'incendie de révolte finira par s'éteindre par lui-même. Les hommes sont bien incapables de se battre s'ils ne sont pas guidés par quelqu'un.

-Bien sûr, mais cela fait déjà longtemps que nous cherchons à l'enlever et nous avons toujours échoué.

-Me croyez-vous incapable de mener à bien une mission ? Jusqu'à présent, nous avons été de gentils gardes. Il est temps de devenir méchants et de resserrer notre étau. Pour l'instant, confinez tous les villageois. Interdiction formelle de quitter le village. Je m'occupe du reste. Croyez-moi, d'ici une semaine tout en plus, la fille sera à nous.

-Avons-nous réellement besoin de la capturer vivante ?

Jack tressaillit. Il fixa le garde et alluma ses yeux, lui infusant de la terreur.

-Tuez-la et c'est toute la section six qui sera condamnée à mort pour haute trahison.

Le garde acquiesça et repartit, s'enfuyant presque. Jack alluma une autre pipe pour se détendre. Il regarda l'horizon, puis se concentra sur le portrait de celle qu'il recherchait. En se rebellant ainsi, elle venait de lui donner une excuse pour l'accuser sans que cela soit suspect. Il pourrait faire des annonces, mettre des affiches sur les murs avec une bonne excuse. Il sourit :

-Tu souhaites t'envoler ? Je suis navré, mais tu seras à moi avant d'avoir pu quitter ton nid.

La Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant