Chapitre 14

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Nous voilà prêts pour le grand prix du Canada.
La voiture de Charles est abîmée juste avant le début de la course ce qui tend l'équipe. Charles part avec la fin du peloton. Je regarde la course depuis les loges, et non pas depuis le box. J'ai fait quelques photos de l'équipe au début de la grille mais je suis vite montée au calme. Les dernières semaines ont été rudes et je ne suis pas sereine depuis la conversation tendue avec ma mère.

« - Alors, c'est comment la vie de star avec ta nouvelle famille?
- Très bien. J'aimerais que tu rappelles à ton fils ce qu'il l'attend si il continue de me menacer. Nous savons toutes les deux ce qu'il se passerait pour toi si je parlais un peu trop.
- Ecoute Al, je vais m'en occuper, ne t'énerves pas.
- Tu as intérêt à me débarrasser de lui. Sinon, tu sais ce qui t'attends. »

Je ne voulais jamais arriver à cette situation et j'avais pourtant prévenu ma mère que si elle ne contrôlait plus ça serait à moi de prendre la main sur cela.

Je suis assise dans un coin de la pièce, et je suis la course depuis mon téléphone avec mes écouteurs. Charles remonte à merveille le classement. Je m'empresse de descendre au box pour le féliciter dès que je le pourrais à la fin de la course.

Le drapeau à damier est agité, les pilotes rentrent avec leurs équipes. Charles sort de sa monoplace. Il enlève son casque puis son espèce de cagoule et discute rapidement avec les ingénieurs. Je le laisse terminer sa conversation et quand les 2 autres hommes s'éloignent, je me jette dans ses bras.

- Aly ! Tout va bien mon coeur ?

Je souffle dans son cou. J'inspire son odeur rassurante malgré la sueur. Je passe ma main dans ses cheveux humides. Je ferme les yeux et j'entends son coeur battre au rythme du mien.

- Je suis là Al. Parle moi.
- Tu m'as manqué. Terriblement manqué.
- Ça va aller. On ne se lâche pas.

Et il tient parole. Jusqu'au soir, il reste avec moi. À part son interview post course, il refuse toute les autres et ne me lâche pas la main. Nous rentrons à l'hôtel et dès le lendemain, nous sommes à Monaco, à la maison.

Nous passons la semaine dans la ville de Charles. Il est souvent occupé pour des réunions auxquelles je ne peux évidemment pas toujours assister. J'ai aussi quelques rendez-vous, notamment le jeudi avec Frédéric Vasseur. J'arrive à 9h pile devant la porte de son bureau à Maranello. Je suis arrivée la veille par le jet. Je suis venue toute seule car je ne souhaitais pas déranger Charles dans sa concentration. Il était en semaine de test pour de nouveaux changements sur la SF-23. Je toque et recule d'un pas, mauvais réflexe que je tiens de l'enfance et de la bêtise de sonner aux portes pour embêter le voisinage.

- Entrez !

Je passe la porte.

- Alyara ! Installe toi. Tu es pile à l'heure. Tu veux boire quelque chose ?
- C'est gentil Frédéric mais non merci.
- Ne stresse pas Alyara, ce n'est pas une évaluation, juste un point avec toi.
- Y-a-t-il une raison particulière pour que tu veuilles ce point ?
- Je ne te sens pas en forme en ce moment Alyara. Parle moi.
- C'est juste que...
- C'est à cause de ton frère ?

Je relève la tête dans un sursaut.

- Biensur que je sais. Quand les garçons sont pris dans une bagarre au paddock, je suis informé. Tu veux en parler ?
- Il me réclame de l'argent. En fait, il l'a toujours fait, enfin depuis que...
- Ton père. Je me souviens. Il m'a raconté comme ton frère n'était pas une crème à vivre, contrairement à toi.
- Ah bon ? Il vous a dit ça ?
- Ce n'est pas en parlant mal de toi qu'il me disait que je te reverrais un jour, dit-il dans un sourire.
- Oui, probablement. Enfin, Alexis me menace depuis un moment. Et ma mère, elle...

Un sanglot me bloque la gorge.

- Ce n'est pas grave Alyara. Je vais avertir la sécurité que nous devons te protéger de ce garçon. Mais reste forte. Tu es un pilier pour l'équipe et déjà que ce n'est pas là grande forme, si toi aussi tu ne vas pas bien, on ira droit dans le mur.

Je ris à ses mots. Ça fait du bien d'encore sentir que Ferrari est ma nouvelle famille. Si on m'avait dit que suivre l'endroit de rêve de mon père me permettrait de faire le deuil de ma famille faussement parfaite, je ne l'aurais pas cru.

Je rentre dans la même journée à la maison. La suite de mon entretien s'est bien passé. Frédéric m'a félicitée pour la qualité de mon travail et m'a proposé de réfléchir au prolongement de mon contrat pour les prochaines années. Je vis enfin le rêve de ma vie.

Le taxi me dépose devant la porte et je remonte l'allée. Je sonne mais personne ne me répond. Je fais le tour de la maison et il n'y a aucune voiture garée dans le garage, mise à part la mienne. Je tourne ma clé dans la serrure et c'est un silence lourd qui m'accueille.

- Charles ? Tu es là ?

Pas de réponse. Je commence à paniquer. Je n'ai eu aucun sms après le dernier qui me souhaitait bon vol. Je m'avance dans le noir et j'arrive dans la cuisine et je tombe sur un mot sur le contoir.
« Al, je suis parti au bar près du circuit, il y a Carlos, Pierre et Kika et les copains, rejoins nous ! »
Je lève les yeux au ciel. Quelle idée d'aller dans un bar un jeudi soir. Sachant que je ne suis pas en forme et que j'apprécie peu les grandes foules, j'aurais aimé que mon copain reste à la maison avec moi et que je puisse lui raconter mes soucis.

Je monte me changer. J'enfile une robe noire et des talons et attrape un sac. Je m'empresse de descendre dans le garage et monte dans ma voiture. Voilà des lustres que je n'avais pas conduis. Malgré le fait que je travaille pour Ferrari, je ne possède pas, pas encore je l'espère, de voiture de fonction marquée d'un cheval cabré. Je me suis acheté une Porsche Boxster d'occasion il y a quelques années et je la chérie de tout mon coeur. Je me rue vers le centre ville et reconnais la fête de loin. Le bar est rempli, le trottoir jonché de voitures toutes plus luxueuses que les autres et surtout, une armée de journalistes et de photographes campent devant l'entrée. Je me gare un peu plus loin en contrebas et me dépêche de me faufiler parmi la foule qui bloque le passage. Les journalistes me hurlent dessus, ils me reconnaissent très rapidement maintenant. J'insulte au fond de moi Charles pour cette idée de soirée de merde. Le bar est vraiment plein à craquer, si bien que je ne reconnais personne de prime abord. J'aperçois enfin Pierre et Kika dans un coin. Je m'approche d'eux et les questionne :

- Il se passe quoi ?
- Aaah Aly ! Je me demandais où tu étais passée, crie Kika pour couvrir la musique.
- À Maranello, pour un entretien. C'est quoi cette fête ? Je ne suis pas au courant.
- Ah bon ? C'est Charles qui nous a proposé pourtant !

Je suis stupéfaite. Ce n'était pas l'idée que je m'étais faite en venant ici. Dans la voiture, je m'imaginais tous les scénarios possibles pour comprendre pourquoi Charles voulait passer la soirée dehors plutôt qu'au calme avec moi.

Je continue d'avancer dans la foule et je finis par apercevoir mon copain, seul, assis dans un coin, une bière à la main. Je me rue sur lui.

- Charles ! C'est quoi ce bordel ?

Il redresse la tête. Ses yeux sont rouges, comme s'il avait fumé, ou pleuré. Je tombe à côté de lui, et le prend dans mes bras.

- Cha... Qu'est ce qu'il se passe ?
- Aly, tu es là...
- Oui mon coeur, comment tu es arrivé là ?
A la base c'était un truc entre nous avec les garçons d'Alpine et McLaren, et puis des potes nous on appelé et tout le monde s'est ramené ! Je suis désolé. J'avais besoin de souffler un peu. Je sais que ce n'était pas la bonne manière pour toi. Les grands prix s'enchaînent sans résultats et j'avais juste besoin de passer le temps avec la tête hors de la course.
- Je comprends Cha.
- Vraiment ?
- Oui, bien sûr. J'aurais juste aimé que tu me préviennes avant. Je n'aime pas trop ce genre de surprises. Mais je comprends que tu aies voulu souffler, comme avant hein ?
- Oui comme avant. Puis j'ai réalisé que sans toi, ça n'avait pas la même saveur, alors j'ai voulu t'appeler. Mais je n'avais plus de batterie et j'ai commencé à avoir la tête qui tourne. Puis j'ai pris des bières, je me suis assis dans mon coin et j'ai attendu que tu arrives. Mes yeux ont juste un peu coulés...
Ce n'est pas grave. Tout va bien, je suis là maintenant.
- Ne me laisse pas Aly.
- Jamais Cha, jamais.

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