Le ciel, d’un profond bleu azur, tranchait tel le Cimeterre du Bourreau sur le vert clair de l’herbe qui tapissait le sol à perte de vue.
Hormis le sifflement du vent, lente litanie infinie, le calme régnait sur ces terres peu fréquentées. Nul homme ni animal ne venaient briser la quiétude, la solitude de ce lieu. Ce territoire austère où seule l’herbe folle poussait, se voyait nommé « Landes de Battleheim » par les hommes du nord.
Trois oiseaux de mauvais augures volaient en cercle à très haute altitude, utilisant les courants ascendants pour planer sans efforts lors de longs vols de reconnaissance.
Le trio de grands Vautours Fauves, à l’instinct charognard depuis des générations, avait la faculté de flairer l’odeur du sang à plusieurs lieues.Leurs odorats mutuels avaient enfin repéré ce fumé si puissant. Les yeux des Grands Friands de Charognes, bien que fort perçants, ne distinguaient pas encore leur repas prochain, mais leur appétit vorace les guidait avec certitude.
Les trois nécrophages avaient enfin retracé la provenance du sang qu’ils avaient humé, un cheval et son cavalier traversant péniblement ces landes maudites. Les nombreux rochers et pierriers présents à cet endroit rendaient leur cheminement encore plus ardu.Une fière monture, au pelage noir souillé de sang coagulé, était harnachée, protégée par des sangles et des plaques de peau de cuir noir. L’équidé de combat, couvert d’écume, boitait bas et chacun de ses pas semblait être le dernier, mais à force de volonté et de sacrifice, il avançait encore et encore. Ses nombreuses entailles le vidaient de sa vitalité, le moment de vérité approchait irrémédiablement ; les grands oiseaux devraient marquer leur territoire au plus vite.
L’homme, qui s’accrochait de toute son âme à la crinière d’encre du cheval, lui aussi couvert de peau de cuir noir, perdait son précieux sang en abondance de plusieurs blessures mortelles.Les vautours n’avaient pas pour habitude de se repaître de chair humaine dans cette partie du monde, alors leur excitation carnassière en fut instinctivement décuplée.Le destrier à bout de force se cabra et le guerrier, à demie conscient, fut projeté à terre avec une violence inouïe. La tête de l’homme frappa le sol, son casque d’acier roula sur la rocaille dans un bruit de casserole.
Le cheval, fourbu et mutilé, s’effondra tout à côté de son cavalier, il ne s’en fallut d’un rien qu’il ne l’écrasa sous son poids. La respiration sifflante de l’étalon de combat se fit saccadée et bientôt s’arrêta à tout jamais. L’homme, qui avait sombré dans une profonde inconscience se mourrait dans son armure de cuir clouté, rien ne pourrait le réveiller, ses blessures étaient bien trop graves.
Seule la mort pouvait le libérer de ses souffrances…Un jour entier passa et les Vautours Fauves qui volaient toujours en cercle au-dessus des deux corps inanimés se décidèrent à remplir leur office naturel de charognard.
Ils amorcèrent leur approche et sans se presser descendirent en de larges cercles pour se poser dans des battements d’ailes assez hasardeux, plusieurs plumes arrachées en firent les frais. Les grands Becs Crochus, aux longs cous et aux pattes dépourvus de plumes, (facilitant ainsi le fouissage dans les corps trépassés) observaient alentours, semblant ne pas se préoccuper pour l’heure de leurs victimes toutes proches. C’est avec une patience certaine qu’ils scrutèrent un long moment l’horizon, sans doute à la recherche d’autres dangereux amateurs de charognes qui pourraient revendiquer leur part du butin.
A présent, deux vautours se battaient les chairs de l’équidé. Le troisième se voyait plus intéressé par le visage du jeune homme étendu sur le dos, protégé des pieds au cou par sa tenue renforcée. Le bec acéré du sombre volatile incisa tel un poignard, picorant un petit lambeau de peau sur la joue du guerrier sans que ce dernier n’ait la moindre réaction. Du sang coula de cette minuscule incision, signe que l’homme vivait encore.
Ce dernier ne lâcha pas la plus infime plainte, ni ne fit le plus imperceptible geste pour se protéger de ce bec fouisseur sans état d’âme, maintenant grandement affamé.Bientôt, le charognard prit un peu plus d’assurance, se mettant à l’ouvrage sur le visage du jeune homme inconscient. Il arrachait avec vigueur des bouchées de chair bien tendre de cette joue offerte.Puis, d’un coup de bec expert, il extirpa l’œil droit de son orbite protecteur dans un bruit de succion infâme. Le grand oiseau le goba sans attendre mais se retrouva bien surpris lorsqu’il réalisa que quelque chose se trouvait attaché à son met de choix déjà dégluti. En effet, le nerf optique n’avait pas été sectionné et n’entendait pas laisser disparaître son globe oculaire dans l’estomac d’un tel monstre.
Le Vautour Fauve tira un instant jusqu’à ce que le cordon cède. L’homme fut parcouru d’un sursaut nerveux. Cela sauva sans doute son autre œil car le grand oiseau nauséabond prit ce réflexe pour un mouvement de défense et s’écarta de son repas. La tête de l’animal, au regard noir, se dandinait tout au bout de son long cou décharné en signe d’hésitation.C’est à cet instant précis qu’une flèche siffla et transperça de part en part le gobeur d’œil qui s’effondra dans un bruit mat sur le sol.Les deux autres vautours, plus qu’alertés par le danger, ne demandèrent pas leur reste en s’envolant dans de larges mouvements d’ailes dénués de la moindre grâce.
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Tantor l'âme de l'épée
FantasyUn guerrier laissé pour mort,sans nom et sans mémoire. Un peuple de nomades vivant dans un désert immense. Un roi cruel et sans pitié, avide de conquêtes. Des nains, des Elfes et des barbares. Et une épée, une épée de légendes servant le bien univer...