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La nuit était tombée sur le groupe de Nandrag.
Après un long périple à travers la Forêt des Ombres, les artisans du désert se préparaient à traverser les landes herbeuses qui les séparaient des terres d’Alanor.
-- Messieurs, l’heure est venue de montrer vos aptitudes à chevaucher sans aucune visibilité, déclara Nandrag ! Tristar va nous servir de repaire, si il stoppe sa monture, soyez prêts à l’imiter, il en va de la réussite de notre entreprise, bonne chance !
Les cavaliers, ainsi que les trois chariots, s’ébranlèrent et la course folle commença. Si tout se passait bien, il leur faudrait la nuit entière pour arriver à la frontière invisible du pays d’Alanor. Ils pourraient alors ralentir l’allure, protégés par le pacte de non invasion. Ils n’étaient pas certains de croiser les soldats du royaume, mais un combat à un contre dix serait mal venu.
Tristar, grâce à ses yeux d’Elfes, pouvait tenir ce rythme effréné sans rater aucun piège, même la plus petite pierre ne pourrait lui échapper.
La nuit passait lentement et les deux lunes, couvertes par des nuages épais, ne leur vinrent pas en aide, une fois n’est pas coutume. Chevaucher pendant une nuit entière sans voir correctement avait tendance à fatiguer les organismes, les yeux bien entendu, mais aussi le corps car le manque de visibilité créait des tensions musculaires importantes. D’autant plus que certains d’entre eux n’avaient pas une grande expérience de l’équitation.
Ils ne relâchèrent pas la pression jusqu’au moment où un des Nomades fit une chute assez lourde. Heureusement, il y eut plus de peur que de mal, ils purent donc rapidement reprendre leur chemin.
Le jour commençait à pointer à l’horizon, le ciel était rose et les nuages moins épais. Ils apercevaient au loin la Forêt du Roi, qui avait été plantée du temps du grand-père de Rodrik sur les terres du nord-est de son royaume. La frontière entre All’Kaar et Alanor courait le long de la lisière est de cette forêt qui représentait la seule réserve de bois du royaume central.
Ils franchirent la frontière invisible, seule preuve de leur position, une croix, de bois vermoulu, avertissant que vous entriez sur les Terres Libres d’Alanor. Ils décidèrent d’avancer encore un peu avant de prendre du repos. Ils réduisirent l’allure et c’est au trot qu’ils continuèrent leur chemin.
Pendant ces cinq journées de trajet, la caravane croisa plusieurs compagnies de cavaliers des Terres Libres. L’une d’entre elle, après avoir vérifié que les chariots contenaient bel et bien de la marchandise à vendre, leur proposa de les guider jusqu’à Alanor, ville principale où résidait Will Danjourdun. Malgré leur proposition amicale, les hommes de Kââydish perçurent une méfiance certaine parmi ses hommes d’armes à la chevelure couleur de feu.
En effet, tous les cavaliers en armes portaient fièrement les cheveux mi-longs d’une couleur ocre sous leurs casques. Nandrag n’osa pas leur en faire la remarque, mais il sentit que ses compères se faisaient aussi la même réflexion, était-ce une teinte naturelle ou ces gens se coloraient-ils les cheveux ?
Le soir, à la tombée de la nuit, la caravane et son escorte arrivèrent en vue de la grande cité libre d’Alanor. De hauts murs d’enceinte protégeaient la ville des attaques. Tout autour, à perte de vue, on pouvait apercevoir des champs cultivés et des bêtes en train de paître docilement. Une sereine tranquillité flottait dans l’air, pourtant un siège militaire pourrait se tenir devant ses murs à tout moment. Nul doute que ces gens vivaient dans la crainte perpétuelle d’une invasion All’Kaarienne.
Les soldats libres les accompagnèrent sous les regards curieux du petit peuple qui ne devait pas souvent voir des étrangers sur leurs terres. Eux aussi avaient les cheveux couleur de feu, invraisemblable semblaient penser les hommes du désert.
Ils franchirent le pont-levis, passèrent sous l’impressionnante herse et pénétrèrent dans la cour du château d’Alanor. D’autres soldats montaient la garde, ils étaient tous armés d’arbalètes et d’épées courtes, leurs uniformes paraissaient flambant neufs.
Ils descendirent de leurs chevaux et rapidement un bourgmestre vint à leur rencontre. Il était petit, trapus, pour ne pas dire rondouillard. Ses joues rouges dénotaient un amour indicible pour la liqueur ou les alcools forts et ses yeux calculateurs vous forçaient à détourner les vôtres pour ne pas devenir désobligeants devant tant d’insistance.
-- Bonjour étrangers, que venez-vous faire sur nos terres ? demanda-t-il sans ambages.
-- Nous sommes des camelots et nous voudrions vous soumettre nos produits. Rassurez-vous, vous n’avez strictement rien à craindre de nous, répondit Tristar aussi gentiment qu’il le put.
-- Oui et bien c’est à nous de décider si vous représentez un danger ou non, étrangers ! Je…
-- Nul besoin d’être aussi mal aimable, mon cher Trudy, coupa une voix féminine, ces gens ne sont qu’une poignée, vous allez leur faire croire que nous sommes bien craintifs. Excusez notre ami le bourgmestre, il est toujours un peu soucieux lorsque se présente des inconnus chez nous.
Nandrag tourna son regard vers cette voix charmante et douce. Il resta figé, tétanisé, cette jeune femme à la longue chevelure de feu était d’une beauté à couper le souffle.
Devant cet homme à la prestance guerrière, mais aussi doué d’une grâce toute féline, la jeune femme marqua à son tour un temps d’arrêt. En cet instant éternel, une complicité naturelle, instinctive passa entre les deux jeunes gens, toutes et tous purent sentir les atomes crochus flotter de l’un à l’autre.
Le silence fut brisé par un toussotement discret du bourgmestre qui ne savait pas quoi faire pour rompre le charme.
La jeune femme le fusilla du regard.
-- Madame, votre père ne verrait pas cela d’un bon œil, si je puis me permettre de vous le rappeler, bien entendu, lâcha Trudy d’un air conspirateur.
-- Taisez-vous, je vous prie ! souffla-t-elle, gênée, son magnifique visage empourpré, venez, suivez-moi, vous souhaitez sans doute vous entretenir avec mon père, le maître des lieux.
-- Nous sommes à votre entière disposition, madame, déclara le demi Elfe respectueusement.
-- Que l’on fasse prévenir mon père et que l’on prépare des rafraîchissements pour nos invités je vous prie, lança-t-elle à un des serviteurs, avant de montrer le chemin d’un geste noble et accueillant.
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Tantor l'âme de l'épée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant