6

0 0 0
                                    

-- Père ! Si nous nous désaltérions ! Portons au moins un toast en l’honneur de nos invités, déclara-t-elle pour changer de sujet, car la moue renfrogné de Nandrag ne lui inspirait pas les meilleurs auspices.
-- Tu as tout à fait raison Elzarra ma très chère fille, chair de ma chair. Levons nos coupes et honorons ces émissaires d’un peuple légendaire, lança-t-il d’une voix forte et franche avant de se lever pour dresser sa coupe vers les cieux.
Tous et toutes l’imitèrent, levant leurs chopines tels des calices sacrés.
Ils s’installèrent sous l’invitation du maître des lieux afin de profiter des diverses victuailles et boissons préparées sur l’immense table. Les hommes des sables leur firent honneur sans la moindre appréhension apparente, Will Danjourdun sembla apprécié cette confiance aveugle envers leurs hôtes. Pas le moindre soupçon de défiance ou de crainte émanait de ces gens, il respectait toujours le courage, même si parfois il peut se révéler présomptueux. Ce moment de détente et de partage passé à se sustenter d’excellents produits d’Alanor aida à briser la glace entre les deux parties.
L’ambiance était plus que légère quand soudain, la porte s’ouvrit à la volée sur un homme en armure, qui entra sans s’embarrasser du protocole d’usage. Son allure dépenaillée trahissait une tension et une urgence qui prédominaient sur la bienséance. Du sang coagulé recouvrait les manches de son tabard aux armes des Terres Libres jusqu’aux deux coudes, comme si ce dernier s’était trempé les bras dans un bassin de sang frais.
-- Monseigneur,…Les hommes lézards sont revenus, ils ont détruit notre exploitation forestière et… dévoré tous les habitants,…hommes, femmes, enfants…une vraie boucherie !
-- Et la garde ? aboya Will Danjourdun.
-- Nous avons été balayés, ils sont trop puissants…Le capitaine Fregoll m’a ordonné de rentrer vous prévenir, que tous les Dieux le remercie, il a sauvé ma vie.
-- Je vois ! Ça va ! Retournez à la caserne et dites au commandant de la garnison de venir me trouver au plus vite aux écuries, nous devons réagir sans tarder!
-- A vos ordres !
Le soldat sortit sans attendre, tous se retrouvèrent mal à l’aise, se regardant  sans savoir quoi faire.
-- Je suis désolé pour ce contretemps, lâcha enfin Will en s’efforçant de garder le contrôle de ses émotions, j’ai bien peur qu’il ne faille remettre cet entretien à plus tard. Trudy, préparez leur des chambres et faites venir mon écuyer je vous prie.
-- Entendu monseigneur, j’y vais de ce pas.
-- Will, Laissez moi conduire votre contre-attaque, en gage de notre amitié naissante, lança soudain Nandrag.
-- Et pourquoi ferais-je une telle chose ?
-- Parce que je suis né pour combattre ! J’excelle dans cette activité et cela sera mon cadeau en échange de notre future alliance commercial.
-- Dis-moi d’abord une chose jeune homme. Comment peux-tu combattre avec efficacité en ayant qu’un seul œil mon ami ?
-- Faites donc appeler votre meilleur épéiste et mettez moi à l’épreuve ! relança le guerrier.
Will Danjourdun fixa intensément le jeune guerrier durant un long moment avant de prendre la parole :
-- Soit ! Garde, faites mander le capitaine Lorkam !
-- Bien mon seigneur, répondit-il avec un sourire avant de sortir par la porte laissée entrouverte par le bourgmestre.
Un moment plus tard, un homme de forte carrure à la taille gigantesque fit son apparition, même Kriddo était obligé de lever les yeux pour prendre la mesure de ce géant à la chevelure de feu.
-- Vous m’avez fait mander Sieur Danjourdun, demanda le colosse.
-- Oui capitaine. Cet homme veut prouver sa valeur afin d’accompagner la troupe sur le champ de bataille, expliqua-t-il en montrant Nandrag.
-- Que dois-je faire ?
-- Quelques passes d’armes devraient suffire.
-- Très bien monseigneur, mais je ne voudrais pas le blesser, lança-t-il sarcastique, avec un regard mielleux pour Nandrag.
A ces mots Tristar et Kriddo ne purent se retenir de pouffer.
Will Danjourdun intercepta cette réaction, mais ne dit mot. Ensuite il se leva et pria son petit monde de le suivre. Ils empruntèrent une porte aux armoiries d’Alanor pour pénétrer dans une vaste salle d’armes où la place ne manquerait pas en vue d’un tel duel.
Elzarra paraissait agitée, inquiète, pensant que la brutalité et la force de Lorkam pouvait tuer ce jeune effronté aussi facilement que rapidement. Elle ne laisserait pas faire cela ! Si par malheur l’affrontement prenait des proportions trop dangereuses pour Nandrag, elle interviendrait.
Cela faisait trop longtemps qu’un homme ne lui avait pas fait cet effet là, en aucun cas, elle ne le laisserait mourir pour prouver quoique-ce soit. Elzarra était en train de tomber amoureuse de ce jeune insouciant…
10

Londar et ses compatriotes de Kââydish étaient confortablement installés dans la grande hutte mise à leur disposition par le clan des Cornes Roses.
Le feu réchauffait agréablement la nuit alors que le silence à l’extérieur facilitait le repos du corps et de l’âme. Le guérisseur dormait comme un loir et c’est la main vigoureuse d‘Algorat le rude qui le réveilla au petit matin.
-- Mon ami, il faute te lever, dit le chef des barbares, j’ai une faveur à te demander.
-- Que puis-je pour toi Algorat ? demanda Londar d’une voix pâteuse.
-- C’est ma femme, elle est souffrante. Hier, j’ai cru comprendre que tu possédais des talents pour soigner tes gens, est-ce que je me trompe ?
-- Non, tu as raison. Je suis un guérisseur, comme mon père l’était.
Londar enfila ses habits avec agilité et se leva tout en ramassant sa besace contenant ses fioles et ses potions.
Il se dirigea ensuite vers l’entrée de la cabane conique. Il entreprit péniblement de mettre ses bottes car le cuir était légèrement dur du fait de la température assez basse qui régnait à l’extérieur.
Quelques instants plus tard les deux hommes marchaient dans le camp. Pour la plupart, les barbares dormaient encore. Les guerriers chargés de la garde avaient l’œil perçant et le pied agile, afin de réagir au plus vite en cas d’attaque.
Après quelques centaines de pas, ils se présentèrent devant la hutte à l’intérieur de laquelle les deux hommes avaient fait connaissance plusieurs jours plus tôt.
-- Suis moi, lança Algorat.
Le chef barbare contourna cette première hutte et se présenta devant une autre, attenante à la première. Il leva le rabat de toile et laissa entrer le guérisseur.
Le colosse se dirigea vers le fond de son logement et s’assit auprès d’une femme inconsciente qui était endormie sur la couche conjugale. Cette jeune femme était d’une grande beauté malgré son teint cireux, grisâtre, signe qu’une maladie sans nom la possédait.
-- Voici ma femme bien-aimée, elle se nomme Alyate : cela veut dire « Perce neige » dans l’ancienne langue du nord, expliqua le rude guerrier qui faisait montre d’une grande douceur dans ses gestes envers sa dame.
Ses yeux flamboyaient d’un éclat incroyable, Il aimait cette femme aussi puissamment qu’il se battait. Algorat avait beau être un chef barbare voué à la violence des champs de batailles et aux rudes chasses à l’ours dans les montagnes, il n’en était pas moins homme attentionné et mari amoureux de sa petite fleur, paraissant si fragile à côté de ce géant du froid.
-- Depuis combien de temps est-elle dans cet état ? demanda Londar.
-- Plus de cinq jours ! Nous avons épuisé nos connaissances médicinales. Les plantes ne font que calmer le mal, sans le chasser pour autant, expliqua Algorat, soucieux.
-- Sois rassuré, je vais la guérir !
Londar examina la jeune femme et après une auscultation minutieuse et quelques palpations, il ouvrit sa besace et choisit une fiole transparente dont le liquide à la couleur rouge irradiait d’une lueur fantasmatique.
-- Aide moi, dit-il à l’attention du géant nordiste, tandis qu’il s’apprêtait à verser le contenu de la fiole dans la bouche meurtrie par le mal insidieux de la maladie.
Algorat soutint sa dame et le breuvage épais coula lentement dans la gorge asséchée. Ensuite, Londar entonna une incantation magique, la jeune femme se mit à luire sous les yeux ébahis de son mari.
De longs instants plus tard, Alyate ouvrit les yeux, sa peau reprenait sa couleur de nacre, ses cheveux regagnaient du volume. Elle gémit et dévisagea l’inconnu qui était à son chevet.
-- C’est un ami ma fleur des neiges, il t’a soigné. Ne crains plus rien et repose toi, chuchota le barbare tout près de l’oreille de sa femme, tout en lui serrant délicatement la main.
Londar ne put s’empêcher de remarquer une petite larme dans l’œil humide d‘Algorat le rude. Ne pouvant retenir son émotion, il se leva prestement afin de sortir à l’air frais, bientôt suivi de son nouvel ami.
-- Que se passe-t-il Londar ? demanda gentiment Algorat.
-- Rien, rien…
-- Dis-moi, je sais écouter un ami quand celui-ci en a besoin, relança le barbare d’une voix douce, inattendue pour un homme tel que lui.
-- Ma femme et mes deux enfants ont été massacrés par les mercenaires de Gerdrik, lâcha-t-il, ressentir votre amour sincère m’a bouleversé, je te prie de me pardonner.
-- Il n’y a rien à pardonner Londar, tu as sauvé mon Alyate, ma vie t’appartient jusqu’à mon dernier souffle.Merci mon frère de sang, tu es grand guérisseur, mon peuple saura ce que tu as fait, et plus jamais tu ne risqueras quoi que ce soit sur ces terres, je t’en donne ma parole.
-- Mon don sur cette terre est de guérir les gens, ne te sens pas redevable autant que cela, ami du froid.
-- Je crois que nos deux peuples vont établir une profonde amitié Londar, nous allons établir un comptoir commercial et ainsi nous pourrons nous rendre visite régulièrement. Ensuite, lorsque nos deux peuples seront forts et prospères, nous renverserons Gerdrik de son trône pour rétablir une paix durable, qu’en dis tu Illustre Guérisseur ?
-- Que les Dieux puissent t’entendre et réaliser tes vœux aux centuples.

Tantor l'âme de l'épée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant