Chapitre 0

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Nouvelle Orléans, Charlie, 13 ans.

La clairière était baignée de lumières dorées par le soleil estival. Au cœur du Brechtel park, en plein milieu de la Nouvelle Orléans, les rires de trois enfants résonnaient à travers les arbres. Les longs cheveux bruns de Charlie flottaient au gré de la brise du Mississippi alors qu'elle peinait à suivre les deux garçons turbulents devant elle.

«Attendez-moi !!» hurlait-elle.

Après l'ouragan Katrina qui avait déraciné la flore du parc et ébranlé nombre d'édifices de la ville en 2005, Brechtel park devait désormais faire face à une tempête tout aussi dévastatrice : Gabe et Thomas. Les deux garçons de quinze ans couraient entre les chênes, les érables, les magnolias et les cyprès, se frayant un chemin à travers les sentiers peu fréquentés des jardins.

Alors qu'ils évitaient les passants avec une agilité propre aux garçons qui avaient l'habitude de grimper dans les arbres, Charlie trébuchait sans cesse derrière eux, les voyant s'éloigner de plus en plus.

Finalement, Gabe et Thomas s'arrêtèrent, hilares, à côté d'une statue parmi tant d'autres qui constituaient les œuvres d'art exposés dans le parc. Cette statue était devenue leur point de rendez-vous. Charlie s'arrêta près d'eux, respirant comme si la dernière bouffée d'air frais allait lui être bientôt enlevée.

«T'es trop nulle ! T'as encore perdu !!» s'esclaffa Thomas.

Charlie ne put que fusiller son grand frère des yeux tant elle avait du mal à reprendre son souffle tandis que Gabe passait une main délicate dans le dos de son amie pour l'aider à récupérer une respiration normale.

«Ça va aller ?» lui demanda-t-il, l'air sincèrement inquiet.

Hochant la tête, la jeune fille finit par détourner le regard de son frère qui se tenait le ventre tant la tête de sa petite sœur semblait être tordante, pour adresser un sourire timide à Gabe.

«Merci» dit-elle simplement.

Après avoir attendu de longues minutes que Thomas cesse enfin de se moquer d'elle, les trois enfants s'allongèrent dans l'herbe pour se reposer après leur aventureuse escapade à travers leur terrain de jeux préférés : les bois d'un des plus beaux parcs de la Nouvelle Orléans.

Allongé à côté de Charlie, Gabe posa sa tête contre la sienne. Il avait relevé les manches de son t-shirt devant la chaleur moite qu'avait provoqué sa course, révélant une cicatrice rosée au poignet.

Charlie posa sa main sur la cicatrice, ses doigts effleurant délicatement la peau. «Elle te vient d'où ta cicatrice, Gabe ?»

Elle avait toujours été curieuse de la provenance de cette fine marque sur le poignet du garçon. Un été, sa peau était vierge, et l'été suivant, elle ne l'était plus.

Gabe esquissa un sourire énigmatique. «Tu veux savoir ?»

La jeune fille hocha vivement la tête, soudain captivée par l'histoire de cette cicatrice.

«Oh, j'ai hâte de t'entendre raconter une histoire fantastique !» lança Thomas avec un faux air exaspéré.

Gabe rit. «D'accord, alors, voilà comment ça s'est passé...Nous étions dans la forêt, à la recherche d'un dragon féroce qui terrorisait le royaume». Il avait mimé une pose héroïque qui fit rire les deux autres.

Charlie roula des yeux. «Allez ! Arrête tes bêtises !»

Gabe sourit d'un air espiègle. «C'était juste une chute à vélo quand j'étais gamin. Mais avoue que ça sonne bien mieux comme une bataille contre un dragon non ??»

Le trio avait éclaté de rire. Des rires insouciants d'adolescents. À cet instant, ils ne désiraient être nulle part ailleurs qu'ensemble.

Nouvelle Orléans, Charlie, 23 ans

Charlie secoua légèrement la tête pour chasser les souvenirs. Tellement de choses avaient changé depuis ce temps là. Elle se demandait si Gabe et Thomas avaient gardé contact. S'ils s'étaient éloignés eux-aussi...La cicatrice au poignet de Gabe, qui avait suscité tant de rires et de plaisanteries, avait soudain pris une signification plus profonde dans son esprit.

C'était tout de même étrange. Depuis six ans, elle s'était rarement allée à repenser à cette époque. Pourtant, aujourd'hui, elle ne saurait expliqué pourquoi, cette cicatrice lui revenait en tête sans arrêt.

Son téléphone vibra, la ramenant au présent. Un message d'Eli -Elena de son nom complet-, sa meilleure amie, clignota sur l'écran de son téléphone portable. Elle l'ouvrit et sourit en lisant ses mots chaleureux qui lui demandait des nouvelles de sa première journée en tant que journaliste à «Éclairage», un journal d'investigation de la Nouvelle Orléans dans lequel elle venait tout juste de commencer à travailler.

Après avoir fait plusieurs vocaux d'au moins deux minutes chacun pour expliquer à Eli sa première journée de travail, elle remarqua un message de son frère.

«Salut Crapaud, rejoins-moi au vieux bar habituel du Vieux carré demain soir. Et viens avec ton esprit aventureux, s'il te plaît.»

Charlie détestait ce surnom. Il l'avait trouvé après une autre journée au Brechtel park. Un jour, ils avaient décidé de faire la course à travers les sentiers, comme si leurs pieds avaient des ailes. Charlie avait toujours été compétitive et s'était élancée dans la course avec détermination pour enfin battre les garçons. Mais à mi-chemin, elle avait trébuché sur une racine tordue et avait fait une chute spectaculaire dans les marécages. Quand Gabe l'avait aidé à se relever, son visage était couvert de boue et son expression contrariée lui avait valu le surnom de «crapaud». Depuis ce jour, Thomas ne pouvait s'empêcher de plaisanter à ce sujet, faisant rire tout le monde, sauf Charlie.

La jeune femme tapota un peu énergiquement sur son téléphone pour lui répondre : «Ok, à demain vieux mec.»

Charlie posa son téléphone sur sa table de nuit, avec un sourire amusé aux lèvres. Même si elle détestait ce surnom, il était difficile de nier l'attachement qu'elle ressentait envers son frère. Elle se leva de son lit et se dirigea vers la fenêtre qui donnait sur la ville. Elle fixa les lumières nocturnes de la Nouvelle-Orléans scintiller au loin. Les souvenirs d'enfance semblaient à la fois lointains et proches, un doux entre-deux qui la faisait rêver d'un futur plus doux. Elle était curieuse de savoir ce que cette soirée avec son frère lui réservait. Un frisson d'anticipation la parcourut.

«Demain soir» murmura-t-elle avec un petit sourire en coin.

Elle ne se doutait pas qu'une nouvelle aventure était sur le point de commencer. 


Untitled [Mature] {EN COURS}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant