III

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Palerme, Sicile

Je ne comprends pas pourquoi ma mère parle de moi comme elle parlerait de quelque chose de fragile. Je la toise puis elle baisse les yeux et finit son assiette. Il est vrai que je suis perturbée par ce qui m'arrive ces derniers temps et mes pensées noires qui refont surface mais je suis une grande fille capable de me gérer toute seule. Je m'installe à table en face de mon père et à côté d'Alessandro qui est en bout de table. Il mange beaucoup, je trouve. Il doit être un gros mangeur pour s'enfiler une telle proportion de pommes de terre et de légumes sans problème. Je me décolle un peu de ma chaise pour attraper une banane au centre de la table. Je l'ouvre et la mange, refusant de manger ce que les servantes me proposent.

- Tu ne manges rien ma puce ? S'inquiète ma mère.
- Je n'ai pas très faim ces derniers temps.
- Tu as téléphoné au docteur ce matin ? Me questionne-t-elle comme si nous n'étions que toutes les deux.
- Un docteur ? De quoi tu parles, amour ? Mon père se renseigne auprès de ma mère.
- C'est pour mes allergies au pollen. Je m'empresse de dire. La dernière fois que le médecin m'a fait l'ordonnance il n'y avait plus rien en pharmacie. Bien que nous sommes en hiver, il faut que je me prépare.

Ma mère ne cesse d'acquiescer pendant que je parle, mon père me croit sur parole et Alessandro continue de manger, la tête ailleurs ; dans ses patates, sûrement. Je termine mon fruit et me lève pour débarrasser. J'attrape l'assiette et les couverts et me dirige vers la cuisine mais une jeune femme s'en empare trop vite pour que je ne puisse refuser qu'elle s'en occupe. Cette ambiance pour dîner est très spéciale. Les employées de maison et le majordome sont placés le long du mur derrière le propriétaire de ces lieux et restent immobiles sauf pour nettoyer la table et servir le repas.
Je fais demi-tour pour remonter dans ma chambre quand je me rends compte qu'il n'y a plus personne. Mes parents montent encore les escaliers et l'hôte n'est plus ici non plus. Il a mangé très vite. Enfin tant mieux, je vais pouvoir m'installer tranquillement dans le canapé en pilou pilou. Je grimpe en vitesse dans ma chambre à la recherche de mon pyjama, en vain. Je l'ai certainement laissé à la maison. Je regarde à nouveau dans mon armoire et trouve mon pull plaid. Je me déshabille et le mets puis je redescends.

Quel DVD vais-je regarder ? Il y a tellement de choix dans cette étagère. Je crois que je vais mettre plus de temps à choisir mon programme qu'à le visionner. J'opte finalement pour Mr and Mrs Smith, un film que j'adore car il nous fait découvrir Brad Pitt et Angelina Jolie avec de l'action. Je le regarderais en boucle si j'en avais l'occasion. Je lance le lecteur sur la grande télé du salon et me pose confortablement sur la canapé. Je fatigue au bout d'une demi-heure à peu près. Je m'encourage tout de même à aller jusqu'au bout mais je suis interrompue par des bruits de pas. Je crois qu'ils proviennent des marchés des escaliers. Je fonce dans la grande cuisine et cherche un couteau que je finis par remplacer par une spatule en bois. J'imagine que les couteaux sont dans le lave-vaisselle. Je cherche un arme plus effrayante mais il semblerait que je sois en possession de l'ustensile le plus menaçant. Je m'approche doucement de l'endroit d'où proviennent les pas, ma spatule serrée dans les mains et prête à torturer celui ou celle qui croisera ma route. J'entends que l'individu se rapproche de plus en plus et finis par arriver là ou je l'attends alors sans réfléchir je bondis et me retire du coin ou j'étais cachée et frappe aussitôt la menace qui se révèle être constituée d'un matériau résistant à ma force. Mes deux poignets se retrouvent emprisonnés dans une seule et grande main, j'ouvre mes yeux qui étaient clos jusqu'à présent et je suis du regard la carrure imposante devant moi jusqu'à ce que j'aperçoive un regard marron si profond qu'il en est presque noir et un visage qui me déplaît fortement. Sa voix grave résonne dans ma tête tellement elle m'insupporte lorsqu'il désigne la spatule du menton en cherchant à comprendre :

- Qu'est-ce que tu fais ? Tu essayes de m'agresser avec ça ?
- Très drôle. Dis-je en émettant un rire qui sonne volontairement faux. Je pensais être la seule personne à être toujours éveillée alors j'étais sur la défensive.

Il relâche sa prise.

- D'accord mais dis-toi bien qu'une spatule ne fait peur à personne. Pas même à une faiblarde comme toi, je suppose. Défends-toi mieux.
- Tu te prends pour qui à me traiter de faiblarde ?

Il ne me réponds pas et ne m'adresse plus la parole ; il se contente seulement de déboutonner et reboutonner sa chemise en montant un verre d'eau avec lui. Sentant mon regard fixé de colère sur lui, il me lance :
- Regarde ton film de merde et lâche-moi.

Un film de merde ?! Je vais le finir, ça va me calmer autrement je vais être dangereuse, et ce sans nécessiter l'aide d'un quelconque objet. Je suis dégoûtée en constatant que le disque tournait encore et que j'avais oublié de le mettre en pause mais finalement je m'allonge et le termine. De toute façon je le connais par cœur alors ce n'est pas grave si j'en rate une partie.

Je m'étire et bâille comme une enfant et perçois des bruits sourds qui ressemblent à des conversations. Je m'assois puis me frotte les yeux avant de réaliser que tout le monde est debout ; y compris une belle femme que je ne crois pas connaître. Elle est souriante et me parle préparatifs de mariage dès que mes fesses se sont détachées de mon support. Et c'est ainsi que j'en déduis que je me suis endormie devant mon film hier soir. Pourtant la télé est éteinte.

- Bien dormi, ma chérie ? M'interroge ma mère.
- Tu es censée savoir que je dors toujours bien. Je mens, ce dont elle se doute évidemment.

Je soupire et monte les premières marches pour partir me reposer dans mon lit. L'inconnue insiste sur les préparatifs du mariage et je me rends compte que la cérémonie a lieu aujourd'hui et que je ne suis pas du tout prête.

DisposizioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant