Palerme, Sicile
- Lâche-moi. Je lui ordonne dès que nous passons la porte.
Je retrouve le contact du sol avant qu'il procède à un interrogatoire.
- Elle est prête à tout pour me voir heureux avec toi.
- Pourquoi ? Je lui demande.
- C'est compliqué. Disons simplement qu'un être cher souhaite me connaître en tant qu'époux et je me dois de remplir ce devoir.
- Un être cher ?Il ne me répond pas et se contente de partir en guise de mécontentement. Il part dans la salle de bain, ouvre le robinet.
J'ignore pourquoi ou comment cette question a surgi de mon esprit mais je la pense a voix haute sans le vouloir.
- Tu as eu combien de conquêtes ?Le robinet cesse de couler. Il revient face à moi, me regarde droit dans les yeux, le visage étincelant.
- Avant toi ou jusqu'aujourd'hui ?Comment ça « jusqu'aujourd'hui » ? Il a eu des aventures depuis le jour où nous nous sommes rencontrés ? Je ne sais pas si cela me dérange ou non, je ressens simplement un pincement au cœur.
- Jusqu'aujourd'hui.Il rumine quelques instants, j'ai bien compris que son tableau de chasse est chargé. Et s'il me posait la question en retour ? Si je devais le lui avouer ?
- Je dirais une quinzaine.J'ouvre les yeux en grand, ébahie par ce score. Une quinzaine ? Les grands tournois de rugby se jouent à quinze équipiers de chaque côté. C'est comme s'il s'était envoyé en l'air avec un peu plus d'une équipe de rugby. C'est énorme !
- Et toi ?La voilà ; la question que je redoutais. Je suis censée répondre quoi ? Je vais paraître ridicule à côté de sa « quinzaine ». Je simule un décompte mental afin de lui prouver que je suis également une grande joueuse. Je doute du nombre que je devrais utiliser mais après réflexion je n'ai pas l'obligation d'en choisir un. Il me suffit de feindre une perte de mémoire.
- Je n'arrive pas à les compter.Je me dirige vers le dressing. Arrivée sur place, je constate qu'il s'était bien installé la nuit dernière. Un souffle chaud et léger me parfume le cou durant un bref instant. Il me parle normalement mais j'ai l'impression qu'il utilise un ton légèrement plus profond, plus captivant.
- Je ne sais toujours pas comment tu as fait pour passer tes nuits ici.
- C'est plutôt confortable.
- Arrête, je me suis levé avec un mal de dos horrible ce matin. Ma mère est là pour quelques temps encore sans compter ma cousine qui est sans doute déjà au courant. Voilà ce que je te propose : on partage le lit tant que ma famille est ici et après on reprend un quotidien de faux couple.
- Ça me va.Je lui serre la main, il referme son visage qui était à découvert il y a peu. Son regard dans mon dos depuis toute à l'heure pèse lourd. Je lui demande :
- Quoi ?!
- Comme ta chambre n'est pas utilisée, elle me sert pour « mes conquêtes ». Je voulais juste te le dire.
- D'accord.Je feinte. Je fais style que tout me va même si la réalité est toute autre. Il me fait remarquer que je n'ai pas bougé depuis un moment, je reste là à fixer le canapé. On frappe à la porte.
C'est open bar ici ou c'est comment ? Il ouvre et je vous le mets dans le mile...Marcia. Un couple n'est pas parfait. Je commence à crier sur Alessandro pour prouver l'imperfection qui perfectionne notre couple.
- J'en ai marre de toi ! Combien de fois je vais devoir te répéter de ramasser...Je laisse croire que je n'avais pas conscience de sa présence ici. Je la salue poliment puis je m'excuse pour le brouhaha que j'ai du causé. Son ventre gargouille. Je propose d'aller faire à manger.
- Nous avons du personnel pour ça, mio angelo.
- Je sais mais tu n'es pas sans savoir que j'aime te cuisiner certains repas moi-même.Marcia se propose de m'accompagner. Finalement Alessandro et elle discute longuement. Pendant ce temps en cuisine, Giulia m'assiste en me confiant deux ou trois observations qu'elle a pu faire comme le fait que nous n'ayons pas beaucoup de contact physique, qu'elle ne nous voit pas souvent ensemble.
- Alessandro travaille beaucoup, je pense que je ne t'apprends rien.
- Che cosa ? (Quoi)Ah oui, j'avais oublié qu'elle ne parlait pas français. Je prends mon téléphone et traduit grâce à un logiciel que j'ai récemment installé. J'apprends l'italien dessus et sa fonction traduction m'est utile dans ce cas de figure. Une fois qu'elle a lu ce que je voulais lui dire elle hoche la tête. Elle me prend mon téléphone et nous communiquons ainsi durant je pense une dizaine de minutes.
Elle m'a donné quelques conseils pour l'attirer dans mes filets. Je vais le piéger. Il le faut, elle m'a proposé d'aller faire les boutiques avec elle. Je pensais refuser pour des raisons financières mais maintenant que je suis mariée à son cousin pour les mêmes raisons, je ne vois pas en quoi cela dérangerait.
Nous avons tellement parlé que nous en avons oublié le repas. J'ai laissé les pâtes devenir de la purée. Oh mon dieu. Ça ne me dérangera pas mais il me semble que les italiens les aiment aldente. Je compte faire une sauce perso pour me pardonner mais les ingrédients requis sont inexistants dans cette maison. Je signe ma question en pointant l'étage puis ma montre en l'interrogeant :
- Quanti minuti ? (Combien de minutes ?)Elle se munit de mon téléphone. « Suffisamment pour se faire livrer. ». J'aime beaucoup sa réponse.
Alessandro descend les escaliers suivi de sa mère tandis que je réceptionne notre commande avec Giulia. Il me voit, toise le livreur et remonte avec sa mère. Je suis sauvée. Si Marcia avait vu ce sil il vient de se passer, elle aurait eu une mauvaise image de l'épouse que je suis.
- Sei italiana ? (Es-tu italienne ?)
- No. Sono Francese. (Non. Je suis française.)
- Quindi quello che dicono è vero. Le donne francesi sono molto belle.Je ne comprends pas ce qu'il essaye de me dire mais j'essaierai de le demander à Giulia. Il part et je cours jusqu'à la cuisine. J'apprécie vraiment Giulia. Elle m'a promis d'apprendre le français et je lui ai promis d'apprendre l'italien, même si j'avais un peu commencé quand j'ai compris que ma belle-mère allait parler français une fois sur dix.
J'installe rapidement le repas dans les assiettes dressées par Giulia. Elle me regarde en jouant des sourcils, ce que je n'arrive pas à saisir. Elle stoppe tout geste et se dresse, droite comme un piquet. Je tourne la tête pour capter ce qu'elle regarde puis je me dresse à mon tour. Il vient vers moi. Il glisse sa main sur ma hanche, son bras colle mon dos frissonnant.
- Ça a l'air delizioso (délicieux), Ellia.Entendre mon prénom sortir de sa bouche me provoque une sensation étrangement plaisante. J'ai envie qu'il le dise encore une fois. Je souris comme une enfant en le regardant dans le blanc des yeux.
- Grazie cuore mio. (Merci mon coeur.)Il semble surpris de m'entendre parler sa langue. Cette phrase est là première que j'ai appris. Je pensais que sa mère croirait plus à notre couple si je prononçais ce genre de phrase et il semblerait que j'ai eu raison étant donné le sourire en coin qu'elle affiche.
Chacun va dans sa chambre.
- C'était bon ce que ton ami t'a apporté.
- Comment ça ?
- J'ai vu comment tu regardais cet homme et Giulia m'a raconté deux-trois petites choses à ce sujet.
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Disposizione
General FictionSes parents n'ont plus d'argent et son métier ne la rémunère pas suffisamment pour qu'elle se paye ses études de commerce. Sa famille décide de la marier à un homme riche qu'elle n'a jamais vu et dont elle ne connaît même pas le prénom. C'est ainsi...