VIII

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Palerme, Sicile, le lendemain

Je sors de la douche avec une serviette autour de la taille et une autre dans une main pour sécher mes cheveux qui demeurent humide. Ils ne sont même pas secs qu'ils partent déjà dans tous les sens, je déteste ça. Je la dépose sur le sèche-serviette, quitte la salle de bain. Elle sursaute sur le lit et s'attarde sur moi, en particulier sur mon torse. Je m'appuie sur le mur en face d'elle et croise les bras.
- "Je résisterai", c'est ce que tu disais, non ? Et pourtant ça va faire une minute que tu fixes mon torse.
- Ce n'est pas ton torse que je regarde en ce moment mais ton épaule droite, ton cou et ton avant-bras gauche.

J'aurais dû me douter qu'elle regardait mes tatouages. Elle s'éclipse dans le dressing avec la valise et laisse son téléphone sur la couverture. Il sonne pendant que je m'habille. Curieux, je m'en rapproche et regarde ses notifications. Elle a reçu un message de sa mère qui lui demande si elle a bien dormi, elle est très attentionnée. Ellia n'avait pas l'air en forme ce matin, sans doute le matelas du canapé de mon dressing lui a fait mal au dos. Il fallait qu'elle dorme dans ma chambre mais elle ne voulait pas être avec moi, ce que je comprends alors je lui ai proposé ce canapé. Elle s'est fermée à clef et je me suis très vite endormi. Il faut dire que le dîner avait été lourd à digérer. Pour moi en tous cas, Ellia n'a mangé que trois ou quatre haricots verts. Je ne sais d'où lui vient cette habitude mais s'alimenter si peu n'a pas l'air de lui réussir ; son teint est pâle ces derniers temps. Je porte une chemise et un pantalon de blazer noirs, accompagnés de ma chaîne en argent. J'aime bien porter des bijoux comme cette chaîne, ma montre ou encore l'anneau argenté dont est régulièrement habillé mon annulaire. Je boutonne mes manches, elle revient avec les cils recourbés et les lèvres maquillées d'un rouge à lèvres mat. Elle a troqué sa tenue décontractée contre une robe longue à peine moulante. Elle me fixe longuement pendant que mon regard détaille ses formes de ses chevilles à son cou sans aucune gêne.
- Ferme la bouche, tu commences à baver.

Je clos ma bouche que je croyais fermée et me coiffe dans la salle d'eau. Je la rejoins ensuite, elle répond au message qu'elle a reçu. J'essaie de voir son téléphone mais elle le remarque et écarte sa main.
- Qu'est-ce que tu fais au juste ?
- Je vérifie que tu ne trompes pas ton mari.
- De quel mari parles-tu ?

Je soupire, m'humidifie les lèvres et lève les yeux au ciel. Elle me voit et se retourne, avançant en direction de la porte et me jette un regard par-dessus l'épaule.
- On doit sortir ensemble en même temps, je suppose ?

J'avoue que je n'y avais pas songé avant qu'elle ne me fasse la réflexion. J'ouvre la porte et nous partons tous les deux, nous déambulons dans les couloirs et lorsque nous pénétrons la cuisine, nous sommes fusillés du regard par le félin qu'est ma mère. Elle boit son thé en souriant de toutes ses dents. Elle dévisage Ellia et s'adresse à elle sans plus tarder :
- Perché tu es si bien vestito ?
- Nous avons prévu d'aller en ville afin que je puisse visiter Palerme. C'est pour cette raison que je suis bien habillée.
- Alessandro, ha chiamato Giulia, viene oggi.

Je traduis pour Ellia que Giulia vient aujourd'hui. J'imagine qu'elle nous rend visite tant qu'elle est encore à Palerme, il me semble qu'elle doit repartir en Écosse pour son travail d'ici quelques semaines. Nous ne nous étions pas vus depuis une bonne dizaine d'années et je dois dire que la revoir après autant de temps m'a fait du bien. Je n'ai pas beaucoup de temps pour moi et encore moins pour mes proches. Je devrais lui demander quelle vie elle mène à Malte et si elle s'y plaît, mais comme elle ne me pose aucune question, je ne m'intéresse pas à elle.
- Come gestisci gli affari qui ? (Comment tu gères les affaires, ici ?)
- Io gestisco, io gestisco. (Je gère, je gère.)

Elle m'a posé une question alors je lui en pose une. Elle me raconte ses problèmes de pacotille comme le fait qu'elle ne s'entende pas avec l'épicier du coin, que le jardinier de son voisin  fait trop de bruit quand il tond la pelouse et j'en passe. Ellia est pressée de partir, elle veut absolument visiter les monuments de la ville et marcher dans les rues piétonnes et les ruelles étroites où je ne souhaite pas l'emmener. Je n'ai pas peur qu'il lui arrive un malheur puisqu'elle sera avec moi mais si je suis reconnu par un collègue ils ne vont pas me craindre comme les autres mais ils vont vouloir venir me parler affaires et je n'ai pas la tête à ça. Je l'observe et coupe court à la conversation. Nous partons. Je peinais à choisir la voiture, elle est arrivée et s'est assise dans mon SUV Mercedes. Pourquoi pas, ça fait un moment que je ne l'ai pas conduite.

Au milieu de la route, elle rompt le silence avec une question qui visiblement la taraudait jusqu'à ce qu'elle l'a pose.
- Et, pourquoi une rose dans le cou ?
- Je t'en pose des questions ?
- Et le sablier avec la tête de mort sur ton avant-bras, c'est pour ton père ?
- Si tu veux visiter la ville, arrête tes questions.
- Et celui avec La Croix et le drapeau italien sur ton épaule, ça veut dire quoi ? Tu n'es pas catholique puisque nous ne nous sommes pas mariés à l'église. C'est assez étrange venant d'un italien, d'ailleurs.

Je freine soudainement et lui montre du doigt les ruelles sombres entre les maisons abandonnées en m'intéressant à ce qu'elle pensait de ce paysage. Elle ne paraît pas enchantée alors je lui propose de la déposer ici et elle refuse catégoriquement en promettant à contre cœur qu'elle aller mettre un terme à son interrogatoire.

Je me suis garé et j'ai placé un mouchoir rouge sous le pare-brise afin que l'on sache que cette voiture est mienne, ainsi elle ne me sera pas dérobée ni abîmée. Nous nous promenons et visitons quelques lieux tels que la cathédrale, le palais des Normands,... Elle veut se rendre à la plage mais Madame a oublié son maillot et ses affaires de plage. Je lui propose d'en acheter sur place mais comme d'habitude elle refuse alors nous retournons à la voiture. J'ouvre sa portière pour la laisser entrer et je me fais surprendre par son absence. Elle a disparu. Elle ne peut pas être bien loin, elle était là il y a deux secondes. Je m'arrache les cheveux en hurlant des jurons.
- Santo cielo, incazzare !

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