Chapitre 31

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« Elle avait dans les yeux la force de son cœur. »

Rin.

Après notre petite promenade au village, kyle me raccompagne jusqu'à la porte de ma chambre. Comme chaque soir, depuis que je suis ici.

Je le salue avec un petit sourire avant de poser mes deux mains sur la porte pour la fermer mais son pied intervient rapidement et la bloque.

_ attendez, princesse. Sa voix n'est qu'un murmure fragile malgré sa voix grave.

_oui ? Je demande en fronçant les sourcils.

_je dois vous dire quelque chose.

J'ouvre le battant pour lui laisser accès à ma chambre. Il hésite avant de piétiner le sol jusqu'à ma coiffeuse, puis se retourne pour me faire face. Ses yeux sombres s'embrasent aux miens sous l'obscurité qui me serre les entrailles.

Sa main droite se glisse dans la poche de son uniforme pour en extraire une bougie. Mes lèvres dessine un petit sourire en l'observant me la tendre.

_je dois vous dire au revoir, princesse.

Je la prends, le cœur battant tandis que sa phrase frappe mon cerveau d'une force électrique.

_au revoir ?

_ Je ne peux plus être votre garde du corps. Je reviendrais au près du prince dès demain.

Ses mots marquent mon cœur au fer rouge. Je ne comprends pas pourquoi il me dit ça... il était censé être mon garde jusqu'à la fin de cette aventure.

Il devait rester du début à la fin.

_mais...pourquoi ?

_ c'est comme ça, Je suis désolé. Sa voix dénuée de compassion me heurte d'une violence sanglante.

_ mais...

Il pose un genou au sol. Baisse les yeux devant moi. Cette scène me rappelle ce jour-là...

« Je suis à vos pieds. Je suis à vous, princesse. »

_j'ai passé un bon moment avec vous. J'ai réussi à vous garder en sécurité et j'espère que vous êtes satisfaite de mon travail, princesse.

_ je ne suis qu'une princesse pour toi, Kyle ?

Il lève la tête, s'accroche à mon regard d'une lueur brillante cette fois.

_Non. Murmure-t-il en se relevant

_ alors reste. je demande en m'approchant de lui

Il me regarde de ses yeux perdus. Comme s'il ne s'attendait pas à cette réaction de ma part. Pense-t-il vraiment que je le considère comme un simple garde ? Alors que c'est l'une des personnes dont j'ai le plus besoin dans ma vie ?

_ une fois, tu m'as dit qu'une seule phrase de ma part, un seul mot te fera rester. Je continue en soutenant son regard

_ je ne peux pas.

_tu ne peux pas ou tu ne veux pas ?

Il lève la main devant mes yeux, ses doigts se déploient vers mon visage comme s'il meurt d'envie de l'effleurer.

Mais il ne peut pas le faire. Ce geste nous est interdit.

Tout doucement, les yeux heurtés d'une faiblesse ardente, sa main se glisse le long de son corps immobile.

Je me surprends à désirer son contact.

_ c'est cayden qui t'a demandé de partir ? J'interroge en me sentant déjà bouillir de l'intérieur

Je n'ai aucune envie de faire la rencontre d'un nouveau garde du corps. Je ne me sentirais pas en sécurité. Je ne lui offrirais pas une confiance aveugle comme celle que je donne à Kyle.

_ princesse...

_réponds-moi.

_ ce n'est pas lui. Tranche-t-il, c'est moi qui ne veux plus.

_ je ne te crois pas.

_pourtant, c'est la vérité.

Sa voix habillée d'une froideur cinglante a le pouvoir de compresser mon âme. Ses pieds martèlent le sol avant de quitter ma chambre, dans la lumière du feu de notre histoire.

****

Le lendemain, je marche entre les fleurs colorées du jardin. Des nuages embrouillent la bleuté du ciel et camoufle la lueur brillante du soleil. Signe que l'hiver ouvre grand ses portes à Valdaria.

Je tourne machinalement la tete, dans le but de prévenir Kyle qu'il va bientôt pleuvoir. J'apercois Roamne à la place. Une lourde douleur s'immisce dans mon cœur quand je prends soudainement concience que ce n'est plus lui qui sera à mes cotés. Plus lui à qui je parlerai toute la journée. Meme si la plupart du temps, je parlais à un mur. Un mur silencieux mais à l'ecoute. J'avais commencé à apprecier et à trouver refuge dans ce silence.

Kyle était mon journal intime, qui possédait des bras qui me protégeaient coûte que coûte. Apparemment, il n'y a plus de pages blanches à remplir, plus de paroles à écouter, plus de pensées à rédiger.

_ est-ce-que ça va, Rin ? Demande la rousse en se rapprochant

_oui, oui.

_ en fait, Rin, je dois te dire quelque chose d'important.

Roamne m'offre un regard sérieux, qui me remonte l'estomac.

Est-ce en rapport avec le sujet à la forêt?

Cayden m'aurait-il menti à propos du collier ?

J'attends patiemment qu'elle continue, curieuse. Dès qu'elle entrouvre la bouche, la voix de Ray un peu plus loin emplit mes oreilles.

_ ta robe est très laide aujourd'hui.

_oh tu n'aimes pas ? Je vais me changer pour toi, Ray ! S'exclame Radia d'un ton que je devine plein d'ironie.

Je glousse contre ma paume en les observant se chamailler, en route vers nous.

Soudain, des gouttelettes d'eau humides chutent sur ma peau et un frisson me traverse à cause du froid qui enveloppe mon corps.

_ Non ! Satané pluie ! Hurle Radia

_ le langage, jeune fille. Gronde Ray

_ tu ne vas pas mourir, non plus. Souffle Roamne

Radia allait répondre mais se ravise. Nous tournons tous notre regard vers le portail du château qui commence à plonger dans une brume grise et embrouilleuse. Je fronce les sourcils avant de jeter un regard complice à ray qui me réponds du même geste.

Automatiquement, les bras de Roamne créent une barrière devant nous qui effleure notre ventre. Ray laisse son regard se promener une minute de trop sur la main de la rousse qui frôle son torse avant de se concentrer.

_ c'est quoi ça ? Demande Radia derrière moi

Un silence palpable s'installe dès qu'on réussit à remarquer malgré l'obscurité que crée la brume, une silhouette qui traîne son corps fatigué et pâle devant les fleurs sauvages, elle piétine le tapis d'herbe avec ses jambes flageolantes qui vacillent avant de s'effondrer. Sa figure cadavérique heurte le sol et son sang gicle sur la pierre solide.

L'odeur du sang prépondérante se mêle au froid qui serpente dans l'air. Mes pulsions cardiaques s'affolent à la vue de ce cadavre qui vient de crouler sur le sol.

Les prunelles des deux gardes s'arriment avant de s'approcher de ce corps qui est sûrement mort, à mon avis. Je déglutis avec effort et marche après eux.

Mes yeux se reposent sur son visage, la terreur m'anesthésie directement, mes pensées s'entrechoquent et la peur s'échappe de mes pores pour dominer l'atmosphère.

Le roi.

𝐈 𝐃𝐎𝐍'𝐓 𝐍𝐄𝐄𝐃 𝐀 𝐂𝐑𝐎𝐖𝐍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant