Chapitre 6 - Eden

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L'hiver se termine et mars nous gratifie déjà de belles températures. Kamie n'est pas bien en ce moment. Je crois qu'elle déprime. Je le remarque facilement depuis ma malheureuse expérience au collège... Ça fait des jours qu'elle ne voit plus de monde, plus rien de l'amuse, elle a perdu sa bonne humeur. Je pensais que cela n'était pas possible, pas ma Kamie ! Et pourtant... Je sais qu'elle a eu des soucis de famille qui l'ont affectée. De plus l'hiver est une période déprimante pour beaucoup de gens et comme elle ressent leurs émotions, je crois que cela a eu un impact sur elle. Bref, pas besoin de vous faire un dessin et vous dire qu'il est temps que je prenne les choses en mains. Je dois absolument aider mon amie à aller mieux. Pour cela, je passe à l'action.
Je prends mon téléphone, créer un grouper avec Chris, Tham et rédige un message.
Eden — Slt les filles ! Plan d'urgence pour aider Kamie à retrouver le sourire ça vous dit de m'aider ?
Tham — Carrément !
Chris — Toujours là ;) !
Eden — Merci mes partenaires ^^ Je vous adore <3
Tham et Chris — <3
Puis je leur expose mon idée... Le plan se déroulera pour le long week-end de Pâques dans dix jours. Je quitte le groupe et me hâte. Nous sommes samedi. Je me prépare à rejoindre Kamie pour notre footing. J'enfile ma veste à manches longues, n'oublie pas ma ribambelle de bracelets sur chaque poignet (la plupart ont été conçus par ma grand-mère artiste) puis je claque la porte. A peine assise dans le bus, je m'endors pour le petit quart d'heure de trajet. J'avoue être crevée. Entre les devoirs, mon investissement au lycée (MDL, clubs...), mes sorties personnelles... je travaille sans relâche depuis la rentrée. Je ne me plains pas. J'ai l'impression que ce que je fais n'est pas assez bien alors je me donne à fond.
J'arrive sur notre lieu de rendez-vous. Kamie est déjà là et fait des étirements en m'attendant. Je file vers elle en catimini et lui saute dessus en lui lâchant un :
— Coucou ma vie !
Je lui dépose un gros bisou sur la joue et ajoute :
— Je suis heureuse de te voir !
— P*** tu m'as fait une de ces peurs !
— Chut, écoute.
On entend des oiseaux qui piaillent dans les chênes environnants. Le soleil transperce les branches de ses rayons. Nous prenons du temps pour nous ressourcer.
— Merci Eden ! J'avais oublié combien j'aime cette saison. Ça me rebooste !
— Bon bah ce n'est pas tout mais on doit courir maintenant.
Je pose mon casque sur mes oreilles et démarre mon application de running. Pour agrémenter mon parcours, je monte le son. La voix de Nicki Minaj sur la musique de Guetta m'ambiance comme jamais : « Hey mama... ». Je jette un œil sur mon amie. Elle ne peut pas ressentir mon inquiétude, tant mieux.
Je cours à en perdre haleine. Les muscles de mon corps me brûlent. J'imagine ma graisse fondre et ça me pousse dans mes retranchements. Je sens que Kamie est juste derrière. Je me retourne pour contrôler si mon instinct est bon mais non... J'aperçois tout juste sa silhouette au loin. Alors je rebrousse chemin à sa rencontre.
— Eden, tu es trop rapide pour moi... J'en peux plus !
Elle trouve un coin d'herbe bien touffue et se laisse tomber.
— Laisse-moi choir ici.
Soudain, elle prend un air dramatique :
— Va, cours, vole et nous venge.
Je me marre. Je retrouve bien là le côté farfelu de mon amie et je tente une réponse.
— Heuuu, Molière ?
— Bip ! Faux... Corneille, Le Cid, Acte 1 scène 5.
Je prends un accent bourgeois :
— Mille excuses milady...
Puis j'enchaîne tout naturellement.
— Mais depuis quand tu me jettes ton savoir dans la gueule ? Je vais complexer maintenant...
Elle sourit à son tour.
— Oh ça va madame la sprinteuse qui ne remarque même pas qu'elle est plus balèze que sa pote ! Tu sais bien que je suis nulle en littérature. C'est la seule pièce que je connaisse puisque je l'ai jouée au collège avec le club théâtre...
Je la rejoins sur le sol et tend ma gourde. Elle boit une grande gorgée. J'en fais de même et on se rallonge. Nos cœurs battent encore la chamade et nous prenons de profondes inspirations pour le ralentir.
— Kamie, dis-moi, comment tu te sens en ce moment ? J'ai vraiment l'impression que quelque chose ne va pas... Tu sais que tu peux tout me dire...
— Je le sais ma vie et merci d'être toujours là pour moi. Et bien, je suis passée par quelques étapes difficiles ces derniers temps avec ma famille. Ça encore, je m'en suis remise. Mais la semaine dernière, j'ai eu une grosse « engueulade » avec Line.
— Ton amie de Tanzanie ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Et bien, je n'avais plus du tout de nouvelles d'elle alors je lui ai fait un ultime mail en lui demandant si j'avais fait quelque chose de mal pour qu'elle m'ignore ?
— Et elle t'a répondu ?
— Oui ! Mais son mail était puant de méchanceté. Ça m'a tellement surpris de sa part que j'en suis restée bouché bée puis j'ai craqué... En gros, elle m'a balancé qu'on a jamais été de vraies amies. Elle en avait marre de ma constante bonne humeur. Que ça faisait gamine. Elle n'en pouvait plus que je la harcèle de mails et que j'aurais du comprendre de son silence qu'elle ne voulait plus entendre parler de moi.
Je sors de mes gonds.
— Sérieux ! Mais quelle c***** c'te fille ! Je vais aller faire un tour en Tanzanie pour lui faire bouffer son mail de m****. Non mais, elle se prend pour qui de t'insulter de la sorte. Surtout avec tout ce que tu m'as raconté sur votre relation et le respect que tu as pour elle... grrrrr... j'ai trop la haine... j'ai envie de taper sur un truc là tout de suite...
C'est alors qu'un petit écureuil sorti de nulle part fait son apparition sous nos yeux ébahis. Le pauvre vient juste de ramasser un gland au sol à côté de nous. Il nous regarde complètement affolé, relâche son petit trophée et s'enfuit à toutes jambes. On aurait juré qu'il m'avait comprise quand j'ai fait allusion de taper sur quelque chose. La scène est juste mémorable.
Après dix bonnes minutes à pleurer de rire non stop, on reprend notre sérieux.
— Ah lala, j'en peux plus Eden ! Rien de tel que le rire pour aller mieux.
— Oh que oui ! Mais là, je t'avoue que c'est Scrat qui a fait tout le job... En tout cas, pour reprendre notre conversation, je comprends mieux pourquoi tu étais si triste. Tu aurais dû te confier à moi au moins...
— J'aurais dû mais elle m'a fait douter de moi. Du coup, je ne voulais pas te déranger avec mes « gamineries ».
— Ne dis pas ça voyons. Je ne suis pas Line moi. Saches que tu n'es pas une « gamine ». Tu es une amie formidable. Je ne t'arrive même pas à la cheville !
— Arrête Eden, tu es aussi géniale pour moi tu le sais.
— Bref, comme le disent mes parents : « Ne laisse personne te faire croire que tu ne vaux rien. »
— Sages paroles mais plus facile à dire qu'à faire...
— C'est bien pour ça qu'on en parle. Ça t'a fait du bien ?
— Oui merci ! Toutefois, j'irai mieux quand j'aurai reçu ma poupée vaudou à l'effigie de Line et je que je lui aurai planté dix aiguilles dans des endroits bien placés...
Rire sarcastiques.
— Pfff t'es bête ! J'ai failli tomber dans le panneau.
Je regarde l'heure sur mon téléphone et m'affole.
— Mince c'est déjà midi et j'ai raté le dernier bus du matin.
— Reste manger à la maison et passe l'après-midi avec moi ! Je suis sûre que mon père pourra te raccompagner en fin de journée.
Je décide d'appeler ma mère pour savoir si j'ai le droit. Pas d'objection de leur côté donc je suis ravie de passer la journée entière avec ma Best. Elle me confirme d'un pouce levé que ses parents sont aussi d'accord.

Le jardin secret d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant