Le jardin secret d'Eden

Chapitre 13 - Eden

Aujourd'hui c'est mercredi. Je me suis levée plus tôt que d'habitude et malgré le peu d'heures de sommeil, je suis en forme. Ma mère et mon père déjeunent tranquillement dans la cuisine. Je les rejoins et bois un verre d'eau avec eux. Je les regarde discrètement comme on observe une espèce animale inconnue. Je remarque que malgré toutes ces années, ces deux là s'aiment encore passionnément. Décidément, je ne comprendrais jamais...
Maman me sort de ma rêverie.
— Eden, tu veux que je te dépose au lycée ce matin ?
— Heuuu, non merci Okasan (maman en japonais) je vais prendre le bus aujourd'hui.
Je lui souris et la serre dans mes bras.
— Mmmm un câlin de ma fille chérie ! C'est tellement rare ! Tu es sûre que ça va toi ?
Son ton est ironique et elle fait semblant de prendre ma fièvre en posant sa main sur mon front. Je boude et me recule.
Elle ajoute.
— Hop hop hop ! Tu pars où ? Attend encore un peu que j'en profite.
Elle ressert son étreinte et me susurre à l'oreille comme très souvent :
— Je t'aime ma chérie !
— Moi aussi maman.
Je la repousse un peu durement car ma mère est très tactile contrairement à moi donc ça me saoule tous ses câlins. Je file dans la salle de bain dire au revoir à mon père.
— Au revoir papa !
Il pose sa brosse à dents et je l'enlace en lui faisant un gros bisou sur sa joue toute fraîchement rasée.
— Tu sens bon papa. J'adore quand tu viens de te raser.
— Merci ma chérie. Passe une belle journée. Je t'aime fort.
Il joint un baiser à sa parole.
— Moi aussi je t'aime ! Bonne journée et bonne chance au boulot !
Je l'entends vaguement me répondre mais j'ai déjà filé et fermé la porte. J'arrive en avance sur le parking du lycée et je décide de faire plaisir à mes amis en leur offrant une tonne de leurs barres chocolatées préférées.
Tham me sermonne :
— Dis Eden, c'est super sympa mais tu n'aurais pas dû en prendre autant car on est seulement quatre ! Et puis c'est cher quand même...
— Quand on aime on ne compte pas !
Je lui fais un clin d'œil et mon regard de p'tit chiot trop mignon. On passe une demi-heure sous mon arbre toutes les quatre à s'empiffrer en attendant notre premier cours.
Je songe :
— Ah les filles ! Je vous aime tellement. Heureusement que vous avez de super chéris qui veillent sur vous.
Chris et Tham se battent la dernière barre de chocolat et font un chifoumi pour se départager. Kamie les regarde en se marrant. Puis ça sonne. Je leur saute dessus en criant :
— Câlin général pour me donner du courage pour mon contrôle de français.
Sans hésiter, les trois se ruent sur moi et on se sert dans les bras en se souhaitant courage pour les interros à venir. En chemin, je pense à Gabriel qui est grippé depuis ce week-end. Je décide de lui envoyer un petit message de bon rétablissement. Comme d'habitude, il me répond un message hilarant et je pouffe toute seule avant de couper mon téléphone dans la salle. Mme Français nous distribue des copies et c'est parti pour deux heures de devoir surveillé...

Midi sonne enfin et cette fois, je rentre directement chez moi. Mon petit frère Angel doit déjà être arrivé. On mange ensemble à la maison les mercredis. Il m'attend jusqu'à plus de treize heures alors qu'il n'est pas obligé : c'est sympa. On aime bien être seuls sans les parents. C'est un peu la fête car on regarde des animés en mangeant.
— Ah ! En parlant du loup !
Je sors mon téléphone de la poche et lis le sms qu'Angel vient de m'envoyer :
— Je t'attends pour manger. Grouille j'ai faim.
Je lui réponds :
— Ne m'attends pas et mange sans moi.
— Nan je t'attends.
— Ok À +
Pendant le trajet du bus, je gribouille dans mon carnet et dessine... Je repense à ce que ma psy m'a dit. Je ne suis pas d'accord avec elle. Elle m'a balancé que j'étais autiste asperger à cause de mon hypersensibilité. Elle m'a envoyé des liens avec une vidéo explicative sur une fille qui l'était. Elle raconte qu'on peut bien vivre avec ce syndrome et comprendre le monde qui nous entoure pour ne pas « se faire manger tout cru » par la société qui nous oppresse. Mouais bah le problème c'est que je ne me reconnais pas en elle et je ne sais pas comment le dire à la psy... À cause de cette vidéo, j'ai passé des heures à faire un tableau comparatif entre nos deux personnalités. Au lieu de m'aider à y voir plus clair dans ma vie, elle me l'a encore plus compliquée. Certaines pensées agissent comme des marécages : plus on lutte, plus elles nous tourmentent.
Angel met la table et fait chauffer nos assiettes. On regarde un épisode de Fairy Tail en mangeant. C'est un bon moment de détente entre frangins ! Puis il regagne sa chambre pour faire ses devoirs afin de pouvoir jouer aux jeux vidéo ensuite. Moi, je me place sur la banquette du piano de la mère. Elle m'a montré un peu comment en jouer mais j'y arrive mieux avec ma tablette car je ne connais pas le solfège. Elle trouve que je joue super bien voir mieux qu'elle car elle fait des fautes. Perso, je pense qu'elle exagère car je fais des morceaux plus simples que les siens. Je l'entends me répondre : « Peut être mais ça sonne juste et c'est tout ce qui compte. Un beau morceau de musique, qu'il soit compliqué ou facile à jouer, doit nous transporter, nous faire voyager. Et j'adore t'entendre jouer ma chérie ! Je suis tellement fière que ma fille joue si bien ! ».
Je pose ma tablette sur le support et choisis mes morceaux préférés : My lie, La comptine d'une nuit d'été, Your name, A river flows in you... Rien ne m'apaise plus que de pianoter. Ça me vide la tête et j'ai l'impression que mes doigts parlent pour moi. Je m'exprime mieux sur un clavier que dans la vraie vie. Je m'enregistre sur mon portable.
— Je vous laisse un aperçu de mon « talent ».

https://youtu.be/pJPUJI2LJ48?si=ZKWlacPxqPKv8Fqb
Il est 15 heures passées. Je me prépare à sortir. Je préviens mon frère que je pars faire mon sport dans le bois de Coligny. Il est déjà sur son PC avec son casque et bouge sa tête en guise d'accord. Je claque la porte derrière moi. Résignée, j'accélère le pas et me dirige là où je n'aurai plus jamais à souffrir...