Chapitre 14 - Kamie

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*** Le même jour ***
Ça fait maintenant plus d'une heure que je me triture le cerveau sur mon exercice de Maths.
— Arrgh... C'te matière me rend folle !!!
Alors que je m'apprête à capituler, mon téléphone m'informe de l'arrivée d'un sms. Qu'est-ce que je fais ? J'écoute la petite voix en moi qui me pousse à arrêter ma « torture géométrique » ou je reste sérieuse et ignore mon message le temps de terminer ?
— Ce doit être Minh...
Je vais rester sage et poursuivre mes maths car si c'est bien lui, je vais en avoir pour plus d'une heure...
Deux heures plus tard, ma mère débarque en catastrophe dans ma chambre. Elle n'a pas besoin de m'en dire long car je ressens à des kilomètres sa peine et la gravité de l'annonce qu'elle va me faire. Je ne lui pose pas de questions et la laisse m'expliquer.
— Kamie, ma puce, il s'est passé quelque chose de grave...
Elle hésite, cherche ses mots alors je la presse :
— Vas-y maman dis-moi !
— Eden... est... morte.
BOUM ! Le ciel vient de me tomber sur la tête. J'ai des fourmis qui montent dans les bras et ma gorge se noue si soudainement que je ne peux pas parler dans l'immédiat. Ma mère a dû le sentir car elle me donne plus de détails sans attendre que je lui demande.
— Elle a mis fin à ses jours en sautant du point panoramique de la forêt où vous courez. Elle a mangé avec Angel puis lui a dit qu'elle allait faire son sport. Au pied de la Madonne, elle a posé son sac à main avec un message demandant aux passants de ne pas y toucher et... De grosses larmes s'échappent de ses yeux. Je tombe sur les genoux et elle se précipite sur moi, me serre fort dans ses bras. Je pose ma tête sur son épaule et y déverse un torrent de larmes.
— Eden ! EDEN ! Non ! NOOONNNNN !
Les minutes défilent. Je n'arrive pas à m'arrêter de pleurer. Mes pensées fusent, je reste confuse. Je saisie alors mon téléphone pour envoyer des messages aux filles et à Minh. Je me fige. Sur l'écran, le nom d'Eden apparaît. C'est elle qui m'a envoyé un sms tout à l'heure. Mes mains tremblent... J'ouvre et vois seulement une photo d'une lettre manuscrite à mon attention :
« Ma vie,
Pardonne moi. Je ne supporte plus de vivre dans ce monde où je n'ai pas ma place : mon côté sombre a pris le dessus. Ce que je fais, ce n'est pas de ta faute ni celle des filles... Merci d'avoir été ma meilleure amie. Pardon d'être lâche. Je me déteste tellement... et puis je n'ai pas d'avenir. J'ai honte de ce que je suis... un monstre. Je te demande maintenant d'être forte. Ne fais pas comme moi, tu dois vivre ta vie car tu es une belle personne et Minh est un type bien. C'est juste moi qui veut mourir donc continuez vos vies normalement sans moi. Le temps me manque pour faire un message à tout le monde : explique-leur tout s'il te plait. Sayonara ma vie. Saches que où que je sois je veillerai sur toi. Je t'aime mon amie, ma sœur.
Eden »
J'essuie mon écran mouillé avec la manche de ma chemise et appelle Minh. Je l'informe et on parle un peu mais le choc est si grand qu'on n'a plus rien à se dire. Il me passe Tham qui se trouve à côté. Je lui explique et lui répète ce qu'Eden a noté dans sa lettre. Elle va se charger d'appeler Chris. On raccroche dans un calme inhabituel. Pas besoin de vous préciser que nous sommes dévastés, sous le choc. Soudain, je pense à Angel, le pauvre. Il est le dernier à avoir vu sa sœur vivante. Il ne faut pas qu'il culpabilise... Et Kate et Richard... Ils doivent être anéantis... Bon, je dois absolument trouver un moyen de bloquer mon don d'empathie car je ne tiendrai pas longtemps debout devant tant de peine. Je sors de mon tiroir un petit écrin de velours. Je l'ouvre et retire le pendentif qui s'y trouve. Il s'agit d'une obsidienne noire que j'avais achetée au cas où. Elle facilite l'ancrage et incite son porteur à rester dans le moment présent afin de le protéger des émotions parasites.
Ma mère, qui a eu Kate en ligne, m'a dit qu'une enquête policière va avoir lieu et que je dois me rendre au commissariat de police demain matin. En effet, comme Eden est décédée sur un lieu public, une enquête est obligatoire. Et puis, les policiers doivent s'assurer que ce n'est pas un meurtre caché et vérifier que la cause n'est pas la maltraitance ou le harcèlement.

*** Le lendemain ***
Après une nuit à cauchemarder en boucle, je me lève très tôt pour m'occuper l'esprit. J'ai passé la nuit à sauter dans le vide. J'étais dans la peau d'Eden. Une horreur... Je me mouche. J'ai les yeux bouffis et une tête affreuse mais j'm'en moque. Chaque seconde, mes pensées refont le film. Je nous revois Eden et moi lorsqu'on refaisait le monde, je cherche des signes d'idées suicidaires que je n'ai pas perçus. Je me creuse les méninges pour trouver des réponses mais en vain. Je songe à ses scarifications :
— Elle avait arrêté. Pour moi sans doute. Je vérifiais ses poignets. Qu'est-ce que j'ai pu être naïve. En a t'elle seulement vraiment parlé à ses parents au moins ? Oui, sûrement, sinon elle n'aurait pas vu un psychologue... La pauvre ! Ça a dû être si dure pour elle... Et ses problèmes au collège. Je croyais que ça allait mieux ? Et le psy ? Pourquoi elle n'a pas pu l'aider ? Arrrgh, ça me rend folle !
Plus je réfléchis et plus les questions sans réponses s'accumulent.
— Ça ne va pas t'aider Kamie, ressaisis-toi.
Je lève les yeux sur mon tableau en liège et la première photo que je vois est celle d'Eden et moi sur la scène de la Japan Touch. Je repense à cette superbe journée qui fut la dernière bringue qu'on a faite ensemble. Elle avait l'air heureuse. Alors pourquoi ?
— Pourquoi t'as fait ça Eden ?
Je fonds en larmes. Mon père m'aperçoit à travers la porte entrouverte et sans rien dire, me blottît dans ses bras. Sa chaleur me réconforte mais la douloureuse tristesse que je ressens est sans précédent.
— Ma chérie, je ne trouve pas les mots pour te réconforter mais je serai toujours là pour soulager ta peine et t'aider à traverser cette épreuve.
Je réponds entre deux sanglots.
— Merci... papa... Je ne sais pas... comment... surmonter ce cauchemar...
— On va tous y arriver ensemble. Maman a appelé le lycée. Ils ont mis en place une cellule d'aide psychologique et tu vas être suivie par un psychiatre et un psychologue. En attendant, habille toi ma puce. Je t'emmène au commissariat pour faire ta déposition.

Le jardin secret d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant