20 - Treize mois plus tard

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Ciel s'arrêta, redressa sa valise en position verticale et observa la maison. Celle-ci n'était pas très grande, mais toujours bien plus que l'appartement. Ce n'était pas un palais, mais elle était belle.

On pouvait faire le tour de la maison sans quitter le jardin empli d'herbes hautes et sauvages. C'était une bâtisse de pierre blanche à deux étages, carrée. Pour accéder au perron, il fallait monter trois ou quatre petites marches. Comme il faisait déjà nuit, en ce soir de février, de petites lampes placées à intervalle régulier autour de la maison étaient allumées. Elles donnaient à l'endroit une dimension irréelle, changeaient une maison de ville en lieu de mystère.

-J'ai l'impression d'être dans un livre.

Ciel tourna la tête et sourit à Lucinda, dont les pensées avaient presque exactement suivi les siennes. Cette réflexion lui ressemblait bien. Heureusement qu'elle avait eu le droit de venir ; ce genre de phrases aurait manqué à Ciel.

-César aime pas trop la compagnie, alors c'est normal que sa maison soit perdue au milieu d'un jardin...

-Moi j'aimerais bien habiter ici aussi. Enfin, s'il y avait pas ton oncle.

Ciel lui chuchota sa réponse à l'oreille, et les deux filles rirent jusqu'à ce que Philomène les appelle.

-Venez vous installer, on va bientôt manger !

C'était le début des vacances de février. Ciel pensait les passer comme elle en avait l'habitude : rester à l'appartement et voir Lucinda tous les jours. Mais quelques jours plus tôt, Philomène lui avait annoncé la nouvelle. Son frère préféré, César, venait d'obtenir son premier vrai travail, ainsi que de quitter son petit appartement pour devenir propriétaire de ce logement à l'autre bout de la ville. Pour fêter cela, il avait invité toute la petite famille à passer une semaine chez lui, c'est-à-dire Philomène, David, Arthur et Ciel. Cette dernière n'avait pas été ravie à cette nouvelle. Il semblait évident que César ne l'aimait pas, puisqu'il n'avait jamais manifesté envers elle le moindre geste d'affection. D'ailleurs, il n'avait probablement pas eu réellement envie de l'inviter. Mais c'était le monde des adultes. Ils voulaient quelque chose et ils faisaient autre chose.

Bref, devant son manque d'enthousiasme, Philomène avait tenté de la faire changer d'avis. De lui donner envie de s'y rendre, par tous les moyens. Cela n'avait eu aucune autre conséquence, à part d'agacer l'enfant. Quelle hypocrisie de la part de sa mère de tant vouloir qu'elle soit d'accord, alors que de toute manière personne ne lui laisserait le choix !

Et puis, alors que Philomène discutait amicalement avec madame et monsieur Debrève, la solution était venue d'elle-même et tout s'était arrangé. C'est ainsi que Lucinda et Ciel s'étaient retrouvées de part et d'autre du siège pour bébé, leurs valises dans le coffre.

-David, arrête et mange !

Ciel enleva des mains du bébé la cuillère en métal dont il s'était emparé pour taper avec sur la table, et lui rendit à sa place sa cuillère en plastique. Puis elle soupira. C'était bien que les adultes aient autorisé les filles à manger ensemble dans la cuisine. Mais ils leur avaient confié David, et ça, c'était vraiment agaçant.

-Il est drôlement remuant ton demi-frère... murmura Lucinda.

-C'est bizarre, d'habitude il est tout calme et tout. Ça doit être le changement qui l'excite comme ça.

-Oui, probablement.

Elles terminèrent leur dessert en silence. Puis David se tourna vers Ciel dont il prononça le prénom, avant de déclarer d'une voix boudeuse :

-Je veux plus !

Lucinda l'observa.

-Il a assez mangé ?

Les Âmes des Jours de PluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant