27 - Pas sortis de l'auberge

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Ciel ouvrit les yeux dans une pièce qu'elle ne connaissait pas. Son premier réflexe fut de porter la main à son cou. Sa chaîne n'était plus là.

Elle se redressa. Il y avait une vitre à côté d'elle. D'après ce qu'elle voyait, le jour se levait. Un petit groupe d'enfants passait dans la rue. Au moment où ils l'aperçurent, ils poussèrent des cris et se précipitèrent à l'intérieur. Visiblement, ils voulaient à tout prix l'entraîner quelque part. Elle se laissa faire. Curieusement, elle n'avait aucun souvenir de l'endroit où elle se trouvait, ni de la manière dont elle y était arrivée.

La jeune fille se retrouva bientôt dans la grande salle à manger d'une maison de campagne. Un grand nombre d'enfants étaient occupés à prendre bruyamment leur petit déjeuner. Andrew et Yū s'y trouvaient également, en bout de table. Ils se levèrent en la voyant et coururent vers elle.

-Ciel ! C'est génial que tu ailles mieux ! On a eu peur pour toi...

Elle haussa les épaules. Elle se rappelait à présent l'histoire de la chaîne, la surdose d'émotions et l'explosion. Elle ne comprenait pas encore bien ce qu'il s'était passé, mais une seule chose était importante pour le moment. En mal de mots, elle toucha nerveusement son col. Andrew parut saisir l'allusion : il sortit de sa poche le fameux papillon.

-Je suis désolé, j'ai pas retrouvé la chaîne, s'excusa-t-il. Je crois qu'ils l'ont cassé de toute façon. Tiens !

Il mit le pendentif dans la main de Ciel, qui le serra avec force. Maintenant, elle avait quelque chose à quoi s'accrocher.

-Viens dehors, l'invita Yū. On sera plus tranquilles pour parler.

L'adolescente obtempéra sans se poser de questions, comme elle en avait pris l'habitude depuis quelques temps. C'était bien plus simple ainsi. A l'extérieur, l'aîné s'assit sur la margelle du puits, tandis qu'elle imitait le plus jeune en restant debout, plus en sécurité. En quelques minutes, ils lui apprirent tout ce qu'il s'était passé et ce qu'ils avaient découvert sur cet endroit.

-... à mon avis, ils savent qu'on vient d'un autre monde, termina Andrew, et c'est pour ça qu'ils ont voulu nous raconter l'histoire. Bon, maintenant y a plus besoin de s'inquiéter, pas vrai ? On va leur dire au revoir et tu nous ramènes à la maison ensuite, d'accord ?

Ciel le regarda quelques secondes, perturbée, puis s'affaissa sur elle-même. Elle venait de comprendre. Un murmure fatigué s'échappa de ses lèvres.

-Je peux pas...

Et c'était la vérité. La magie qui, calme ou houleuse, avait si longtemps rempli son cœur, elle ne la ressentait plus. Même quand elle était toute petite, il lui avait paru naturel de la pratiquer, mais à présent, ce n'était plus qu'un souvenir. Après l'incendie, elle aurait pu l'utiliser, elle était toujours là ; elle n'avait simplement plus eu la force de le faire. Maintenant, elle se sentait sèche. Son coup d'éclat avait vidé jusqu'à la dernière goutte d'énergie de ses dons. Ils étaient encore là, mais ce n'étaient plus que des enveloppes vides. Il n'y avait plus rien, elle était incapable d'éclairer et encore moins d'un monde à un autre.

Andrew tomba lourdement au sol.

-Si tu peux plus rien faire, on est pas sortis de l'auberge...

-On est coincés ici pour le moment. C'est sûrement à cause de toute l'énergie magique qu'elle a dépensé pour venir jusqu'ici, expliqua Yū. Il faut qu'elle s'en remette avant de pouvoir le refaire.

-Et ça va prendre combien de temps ?

-Aucune idée...

A cet instant, les enfants sortirent en masse de la maison pour venir se laver au puits. Les adolescents s'écartèrent pour leur laisser le champ libre et les observèrent en silence. L'une des petites filles, au lieu de, comme les autres, jouer avec l'eau et se chamailler pour passer devant, se dirigea vers eux. Plus exactement vers Ciel. D'un geste timide de la main, elle lui tendit quelque chose. Un cordon jaune paille, rehaussé aux extrémités de fermoirs en métal.

Les Âmes des Jours de PluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant