Chapitre 29 - L'entrée du Creux

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« Du coup, on entre par où ? »

Öta commença à marcher et Tyra lui emboîta aussitôt le pas. Il répondit, embarrassé :

« Je ne suis pas du tout sûr de moi. J'espère ne pas me tromper.
- J'suis sûre que c'est par la bibliothèque. Je me souviens que tu m'avais parlé d'une entrée là-bas.
- Oh. Tu as bonne mémoire. » fit Öta, impressionné. « Mais non. L'entrée de la bibliothèque est scellée.
- Si c'est qu'une question de sceau, tu sais que —
- Quand je dis scellée, c'est qu'ils ont construit un mur pour la boucher. » la coupa Öta. « Alors à moins que tes dons te rendent capable d'exploser la roche, je doute qu'on puisse s'y faufiler. Et c'est pareil pour l'entrée du château. Tous les passages recensés dans les livres sont fermés. »

Tyra grimaça. Effectivement, ça compliquait un peu les choses.

Pourtant, son idée n'était pas mauvaise et avec un peu de poudre elle était certaine de pouvoir tout faire exploser.

Mais elle n'était pas sûre que Öta apprécie l'idée de détruire les fondations de la bibliothèque.

« Comme tu le sais, j'ai échangé plusieurs lettres avec Dame Eléanore. » expliqua alors Öta en s'arrêtant. « Elle n'a jamais accédé à mes demandes d'accès aux passages officiels, mais en relisant notre correspondance je me suis souvenu qu'elle m'avait conseillé en réponse quelques lieux à visiter.
- Comment ça ?
- Des endroits dans la ville où l'on trouve encore vestiges des ruines de l'ancienne cité. Entre autres, certaines parties des égouts datent de cette époque. En m'y rendant, je n'y avais trouvé rien de bien intéressant, mais...
- Mais ? »

Öta soupira.

« Mais quand tu m'as conseillé de regarder plus loin que mes livres et de chercher des passages cachés dans les ruines, ça m'est revenu en tête. Je n'avais pas cherché lors de ma première visite, et contrairement à toi je ne peux pas ressentir les choses cachées. Mais peut-être qu'avec un peu de chance... ? »

Tyra hocha la tête, faisant mine de comprendre alors qu'elle ne se souvenait absolument pas de lui avoir donné ce conseil.

« Je vois. Mais pourquoi aurait-elle fait ça si elle t'a refusé l'accès aux passages officiels ?
- Connaissant la réputation de Dame Eléanore, je ne serais pas étonné que ses conseils soient pour elle un moyen détourné de m'offrir une piste vers des entrées méconnues.
- Oh. Je ne sais pas trop. Tu penses vraiment qu'une figure d'autorité nordante ferait ça ?
- Si je puis me permette, Dame Eléanore se fiche bien des règles. Elle est responsable de la culture, pas des lois. Et elle s'est déjà attiré de nombreuses fois des ennuis ce sujet.
- Dit comme ça... »

Öta sourit.

« Du coup, que dirais-tu d'une petite excursion dans les égouts ?
- Pourquoi pas ? Comment refuser une proposition aussi romantique ?
- Je te préviens cependant, l'odeur est assez insoutenable.
- Ce ne sera jamais pire que les latrines de mon village. »

« J'crois que je vais vomir

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« J'crois que je vais vomir.
- Tu comprends mieux pourquoi je n'étais pas très motivé à chercher la première fois que je suis venu ? »

Tyra et Öta s'étaient engouffrés dans les égouts à la recherche des lieux évoqués par ce dernier. En plus du canal, ils devaient éviter les trous et les fossés avec difficulté. L'odeur y était insoutenable, et bien qu'ils parvenaient relativement à s'y habituer, ils n'avaient plus qu'une seule hâte : en finir.

« Là. Regarde. » fit Öta en levant sa lampe.

Il désignait une alcôve dans la pierre. Tyra plissa les yeux, l'obscurité des égouts l'empêchant de bien voir le mur. Lorsqu'Öta s'en approcha plus encore, elle finit par distinguer des motifs.

Il s'agissait de peintures en partie effacées par le temps, accompagnées de motifs de tourbillons et cercles qui lui rappelaient ceux qu'elle croisait parfois dans les souterrains.

« Ah oui, t'as raison.
- Tiens. » fit Öta en lui donnant sa lampe. « Tu vois ou tu sens quelque chose d'intéressant ?
- Difficile à dire. »

Tyra grimaça. Ses sens étaient tourmentés par les relents nauséabonds qui les enveloppaient. Elle posa une main sur le mur et ferma les yeux.

« Effectivement, c'est un passage. Mais pas vers les souterrains. Je crois qu'il y à une pièce de l'autre côté.
- Une pièce ?
- Oui. C'est fermé par la même magie que nos passages. Je peux l'ouvrir si tu veux, ça devrait pas poser d'problème.
- Tu saurais faire ça ?
- Je l'ai jamais fait encore, mais dans ma famille on se transmet la technique pour les ouvrir et les fermer. Tu sais, c'est mes aïeux qui ont ouvert le passage dans la forêt. C'est par là que mon peuple est arrivé.
- Je me demandais justement quand et comment vous aviez fait pour y entrer à l'origine.
- Disons que mon arrière-grand-mère était très forte. »

Öta hocha la tête. Il recula, laissant de la place à Tyra. Elle déposa sa lampe à ses pieds et tira de sa ceinture une belle dague. Il s'agissait de l'arme qu'elle avait achetée à Darius.

C'était un bel outil, bien plus pratique et efficace pour se défendre que la petite lame qu'elle cachait dans ses chaussures.

« Avant toute chose, c'est tellement dégoutant ici que si j'attrape une saloperie et que j'en meurs, je veux une belle cérémonie et un grand feu pour mon corps.
- Oui, tout ce que tu voudras.
- Et des fleurs, plein de fleurs pour m'accompagner jusqu'aux dieux. »

Elle se mit alors à fredonner dans une langue étrange semblable à un sifflement. De sa main intacte, elle traça plusieurs symboles de son sang sur la porte. Ils semblèrent légèrement briller avant de disparaître.

Sa fine coupure se referma immédiatement et elle agita la main en grimaçant, se retenant difficilement de s'essuyer sur ses vêtements.
Il y eut soudain un grondement et le mur de pierre s'ouvrit. Öta et Tyra échangèrent un regard. Cette dernière ramassa alors la lampe et entra dans la pièce.

« Tu viens voir ? »

Öta ne se fit pas prier et lui emboîta le pas. L'air y était sec et poussiéreux.

Tyra ne s'était pas trompée. Il s'agissait d'une pièce sans autre issue. À l'intérieur, sous des couches de saleté se trouvaient quelques paillasses. Des pots cassés, des outils rouillés, quelques tissus abîmés... mais rien de plus.

« On dirait une chambre. C'est sans doute là que dormaient des gens.
- Il n'y a rien d'intéressant ici.
- Mais au moins, on sait maintenant qu'il y a des choses cachées dans les égouts. On continue ?
- Oui. La prochaine n'est pas très loin. J'espère juste que ce ne sera pas encore une chambre. »

Mais le souhait d'Öta ne se réalisa pas.

La pièce suivante était presque identique à la première, si l'on omettait la présence de ce qui pouvait s'apparenter à des ossements à l'intérieur.

« On dirait qu'ils ont été enfermés vivant. Regarde la porte, ils ont essayé de la casser ou de la bouger. Je sens encore les traces de sang dessus, ils se sont écorchés vifs pour tenter de sortir.
- C'est horrible. » souffla Öta, qui fixait les restes avec un mélange d'effroi et de fascination. « On va continuer, hein. »

Ils ouvrirent ainsi plusieurs portes, qui menaient toujours vers des chambres.

Öta savait que la ville avait été construite au-dessus des vieilles fondations et que les égouts dataient de l'ancienne époque, mais c'était étrange à réaliser que ce lieu avait autrefois abrité des gens.

Au fil des heures ils s'enfoncèrent plus profondément jusqu'à atteindre la partie sous le château. Les couloirs des égouts changèrent progressivement, mais toujours pas d'entrée.

Du moins, jusqu'au moment où Tyra s'exclama :

« Là ! Là, j'en suis sûre il y a des escaliers de l'autre côté. »

HISTOIRE ILLUSTRÉE - David & Öta - PARTIE 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant