Chapitre 15ˊˎ-

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C'était une première pour Minho.

Avoir un cœur brisé, pour être précis.

Il n'avait jamais ressentit cette sensation. Cette sensation où plus rien autour n'a d'importance, où plus rien n'a d'importance à part cette vive douleur au creux de son cœur. Cela faisait de nombreuses heures qu'il était là, immobile, allongé sur son lit en boule en serrant son coussin contre lui, alternant entre larmes coulant silencieusement le long de ses joues et plongeons dans le vide de ses pensées pour tenter de se débarrasser de cette sourde souffrance au niveau de son organe vitale.

Minho n'avait jamais vraiment compris pourquoi on appelait ça « avoir un cœur brisé ». Le cœur était l'organe le plus important du corps humain, il régissait tout et contrôlait chaque cellule, mais il n'y avait aucun lien logique avec les sentiments. C'était le cerveau qui contrôlait les sentiments, alors Minho s'était souvent demandé pourquoi on ne disait pas « avoir le cerveau brisé ». Pourquoi reliait-on le cœur, organe physique, à la douleur psychique régi par le cerveau ?

Minho n'avait jamais compris tout simplement car il ne l'avait jamais vécu. Mais désormais, il comprenait. Son cerveau, vicieux et perfide, ressassait sans cesse l'image déchirante de Jisung au regard larmoyant à cause de ses paroles, et il sentait son cœur se serrer. Il ne savait pas si c'était son cerveau qui lui donnait l'impression mentale que son cœur allait sortir de sa poitrine, mais les faits étaient que Minho avait mal.

En réalité, il ne savait pas vraiment il avait mal. Il avait mal partout, et en même temps nul part car il savait que toute douleur était mentale. Enfin sauf peut-être celle de ses yeux qui lui piquait la rétine, ou de sa tête qui le martelait vivement à force d'avoir tant pensé.

Si Minho était rationnel, il savait que ce n'était pas si grave. Oui il avait tiré des conclusions hâtives à cause de ses forts sentiments envers Jisung, ce qu'on pouvait appeler un manque de communication, cependant il savait aussi que Jisung ne lui en voudrait pas définitivement car ses agissements, bien que dénués de toutes intelligence, montrait la sincérité de ses sentiments à l'égard du bleuté. Autrement dit, Minho n'aurait pas été jaloux s'il ne ressentait pas quelque chose de fort pour Jisung.

Et Minho, qui rejetait cette éventualité et évitait cette conversation interne depuis des mois, était enfin obligé de faire face à lui-même sur un point : ses sentiments envers Jisung. Minho aurait bien continué à vivre ainsi dans le déni durant des mois, détestant le fait de devoir clarifier ses propres sentiments alors que c'était la première fois qu'il en ressentait de si forts, mais désormais il se sentait presque obligé de le faire après avoir fait pleurer celui qui occupait ses pensées depuis tant de temps.

L'hiver arrivait, avec lui les jours de plus en plus courts, la noirceur et les questionnements existentiels d'adolescents paumés. Et Minho, qui n'aimait déjà pas trop cette saison, sentait que s'il n'arrivait pas à faire un point sur ce qu'il ressentait vraiment il allait très mal vivre cette période de l'année et ressasser constamment les mêmes questions en permanence.

Jisung était important pour Minho. Ça, il l'avait accepté depuis longtemps. Peut-être depuis le moment où Jisung avait vu ses chats pour la première fois, ou la fois où ils étaient sortis au restaurant tous les deux, ou peut-être encore plus tôt lorsqu'il l'avait vu tomber devant toute l'université après avoir couru avec ses amis...

Jisung le faisait se sentir accepté, le faisait se sentir bien même lorsqu'il était « bizarre », même lorsqu'il ne voulait pas sortir car il n'aimait pas socialiser, même lorsqu'il lui parlait de ses chats pendant des heures, même lorsqu'il était parfois un peu trop tranchants dans ses blagues... Pourtant Jisung riait toujours. Il riait lorsque Minho touchait un peu trop les fesses de leurs amis, lorsqu'il criait de manière aléatoire ou lorsqu'il faisait des têtes bizarres juste parce qu'il en avait envie. Jisung l'écoutait parler de ses passions sans le trouver ennuyeux, et Minho aimait écouter Jisung parler des siennes. Il pourrait l'écouter parler de musique pendant des heures, il pourrait le regarder rire pendant des heures, l'admirer sans relâche même si Jisung ne faisait rien de spécial tout simplement parce qu'il était Jisung.

𝐆𝐚𝐲 𝐂𝐫𝐢𝐬𝐢𝐬ᵐⁱⁿˢᵘⁿᵍOù les histoires vivent. Découvrez maintenant