Chapitre 3: Celestin

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Je suis seule dans ma chambre. L'obscurité m'envahit pendant que la terrible scène qui s'est jouée devant moi ne cesse de se dérouler à nouveau dès que je ferme les yeux. Le cri effroyable de Victor, penché sur le corps inanimé de Carmen, retentit encore à mes oreilles. On aurait dit une poupée de cire désarticulée et défigurée, allongée sur la table de noce maculée de sang. Comment un drame pareil a-t-il pu arriver ?

Après quelques minutes de grande pagaille, un garde royal s'est dépêché de me traîner dans ma chambre en prenant soin de m'y enfermer à clé.

Je reste assise sur mon lit, toute la nuit. Au bout d'une éternité, les premiers rayons de l'aube traversent la grande fenêtre vitrée de ma chambre. Je me demande quand quelqu'un va venir s'enquérir de moi. Je me sens comme une prisonnière. Peut-être en suis-je une après tout.

Je finis par m'allonger dans les draps de soie lorsque quelqu'un frappe à la porte. J'entends la clé tourner dans la serrure et je vois apparaître Jean dans l'encadrement de la porte. Bien que de voir un visage presque familier me rassure, je ne peux m'empêcher de remarquer l'expression de profonde inquiétude qui marque son visage.

Il porte un plateau sur lequel est disposé un petit déjeuné constitué d'une tasse de café et de tartines beurrées. Il dépose le plateau sur la table en marbre blanc qui est au centre de la chambre avant de se tourner vers moi en s'inclinant.

─ Bonjour princesse Lya, malgré la tragédie qui s'est déroulée hier j'espère que vous avez trouvé un tant soit peu de repos cette nuit ?

─ Oh Jean, je t'en prie, que s'est-il passé hier ? Comment une telle chose a-t-elle pu se produire ?

─ Nous l'ignorons princesse, les meilleurs enquêteurs du palais sont sur le coup, mais toute la famille royale ainsi que la cour sont profondément choquées et bouleversées. J'ai entendu dire ce matin aux cuisines que le prince Victor a veillé sur le corps de son épouse toute la nuit, refusant de la lâcher. Le roi a dû demander au médecin royal qu'il soit sédaté de force.

─ Était-ce la bouteille de champagne qui était empoisonnée ?

─ Oui, d'après les premiers constats, il semblerait bien. Ce qui est d'autant plus inquiétant c'est que c'est l'entièreté de la famille royale qui était visée. De plus, l'empoisonneur savait précisément qu'elle bouteille allait être servie à la table de noce, ce qui signifie certainement que c'est une personne proche voir intime de la famille. Un étranger n'aurait pas pu avoir une telle information.

─ Je pensais que tous les plats étaient préalablement vérifiés par des goûteurs ?

─ Il est vrai, mais ce n'est pas le cas pour les bouteilles de champagne, car il est impossible d'y introduire une substance sans que l'on s'aperçoive que le bouchon avait été ouvert. Enfin, c'est ce que l'on pensait jusqu'à maintenant.

─Sais-tu s'il y a des suspects ?

─ S'il y en a, je n'en ai pas entendu parler, mais si jamais c'est le cas, la rumeur circulera rapidement chez les serviteurs, après tout c'est notre spécialité, dit Jean en esquissant un sourire sans joie.

─ Quelle sombre affaire Jean ! Sais-tu ce qu'on attend de moi ? Je suis tellement démunie, loin des miens. C'est un cauchemar.

─ Ne vous inquiétez pas princesse, nous retrouverons rapidement le coupable et tout rentrera dans l'ordre, j'en suis sûr.

─ J'aimerais l'être autant que vous.

Jean et moi échangeons un regard lourd de sous-entendus. Il finit par quitter la chambre et je contemple le repas que je ne toucherai pas. Je suis condamnée à attendre la visite de quelqu'un pour savoir ce que je vais devenir, je ne sais même pas si mes noces avec Victor sont toujours d'actualité vu la tournure sordide des événements. Je ne cesse de faire tourner mon alliance autour de mon doigt, d'un geste mécanique. Je la sens comme un objet étranger et la sensation du métal froid contre mon annulaire me rappelle que je suis enchaînée à un homme que je ne connais pas.

La Tour de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant