Chapitre 10 : Le deuxième meurtre

675 8 6
                                    




J'ignore comment je vais expliquer le fait de me retrouver dehors à une heure pareille.

Je décide de partir à la recherche de Jean. En descendant les escaliers de la tour royale, j'entends des pas résonner et des voix étouffées. Je m'arrête. On vient dans ma direction et je n'ai aucun moyen de me cacher. Je dissimule rapidement la poudre de Maya dans mon corsage.

Je tombe face à face avec le roi, le prince Henri et leur escorte. Leurs mines sont graves.

─ Bon Dieu ! Princesse Lya, que faites-vous ici, en pleine nuit ? s'exclame le roi.

─ Je cherchais mon domestique, ne trouvant pas le sommeil, je voulais savoir s'il pouvait me donner quelque chose pour m'aider à me reposer.

─ Dans cette tenue ? Où est votre escorte ? Son ton est suspicieux et je vois bien qu'il ne me croit pas.

─ Je suis passée voir le prince Victor ce soir et je leur ai dit de ne pas m'attendre.

─ Ils ne doivent jamais vous quitter d'une semelle, surtout en ce moment.

Son air sombre m'inspire une mauvaise intuition.

─ Il y a du nouveau ?

─ Un nouveau meurtre, répond le prince Henri d'une voix blanche.

─ Comment ça ? Ma voix tremble sous la panique. Qui est mort ?

─ Une de mes maîtresses. Elle a été retrouvée sur le sol de sa chambre. Empoisonnée. Nous montions annoncer la nouvelle au reste de la famille. Ce n'est donc vraiment pas le moment de vous promener seule la nuit.

─ J'en conviens.

L'atmosphère est pesante et je remercie le ciel de ne pas avoir fait de mauvaises rencontres. Je croise les doigts pour que mon escapade avec Cassandra demeure secrète. Personne ne doit se rendre compte que je suis enfermée à l'extérieur de ma chambre.

─ Puis-je monter avec vous pour l'annoncer à la famille ? Après cette nouvelle, je ne pourrai définitivement pas dormir.

─Si vous le souhaitez, vous appartenez à la famille. J'emboîte le pas au roi et au prince. Les gardes nous suivent de près.

Nous montons les étages et réveillons Giorgia, la reine Camille, et Victor. Tous sont en tenue de nuit et semblent inquiets.

Le roi Contant nous emmène dans ses appartements, tout en haut de la tour royale qui domine le palais et doit offrir une vue spectaculaire en journée. Ses quartiers prennent l'étage entier.

Nous nous réunissons dans son immense salon. Les murs sont drapés de tentures bleu paon. La pièce est surchargée de fauteuils, de canapés et de coussins. Le sol a été recouvert d'une moquette de la même couleur que les teintures. Je trouve l'atmosphère plutôt étouffante.

─ Vas-tu nous dire ce que nous faisons ici ? Demande Giorgia qui paraît irriter d'avoir été tiré du lit.

─ J'ai une bien grave nouvelle à vous annoncer. Ma jeune concubine Isis a été retrouvée ce soir assassinée dans sa chambre.

─ Mon Dieu, s'écrie la reine Camille, comment une telle chose a-t-elle pu se reproduire ?

─ Nous l'ignorons.

─ De quoi est-elle morte, s'enquiert Giorgia ?

─ Elle a également été empoisonnée. Mais d'une manière bien différente de notre très regrettée Carmen...

─ Comment ça ? Demande Victor d'une voix rauque.

─ L'assassin a réussi à enduire de poison la robe que je lui ai offerte aujourd'hui. Isis a été retrouvée morte, dans sa robe, le corps presque entièrement brûlé.

─ Mais quelle horreur... s'exclame la reine Camille.

─ Cela signifie que le meurtrier a réussi à pénétrer sans être vu à l'étage des Hortensias ?

─ C'est une possibilité Henri. Il a aussi pu réaliser son sombre projet lorsque la robe était encore dans l'atelier de couture. Une fois emballé, le serviteur qui l'a amené à Isis ne s'est douté de rien. Ce qui est très inquiétant est qu'une fois de plus, le coupable montre qu'il connaît toute notre vie, jusque dans les moindres détails.

─ C'est certainement quelqu'un qui gravite dans notre cercle privé.

─ Encore une fois, c'est une femme qui est visée, intervient la reine Camille.

─ Au mariage de Victor, ce n'est pas forcément Carmen qui était visée, mais nous tous, lui répond sèchement Giorgia. Ce deuxième meurtre est de la pure provocation. Le meurtrier veut nous prouver que malgré toutes les mesures de protection que nous avons prises, il peut nous atteindre.

Un lourd silence s'installe dans la pièce qui semble être devenue glaciale.

─ En revanche, il y a une autre similitude avec le meurtre de Carmen. Isis était enceinte, souffle le roi.

***

Nous sommes reconduits à nos chambres par les gardes après que le roi nous ait annoncé que les funérailles de Carmen auraient lieu le surlendemain après midi. Par ailleurs, les femmes de la famille royale et les concubines de roi recevront à partir de demain matin des cours sur les manières d'identifier les tentatives d'empoisonnement à la Tour du Savoir.

Un des gardes de Constant ouvre la porte de mes appartements sans que j'aie à me justifier. Dans la panique générale, mon escapade est passée inaperçue. Il reste quelques heures avant l'aube. J'essaye de me détendre et de me reposer un peu.

Quand Jean vient me lever et apporte mon petit déjeuner, il m'annonce que je suis attendue à neuf heures tapantes à la tour des savoirs. Je me réjouis de cette sortie et de ce qui va nous être appris. Même si je suis effrayée par les meurtres commis, une partie de moi est fascinée par cet art noir. Cela requiert beaucoup de subtilité et de minutie. Je me prépare rapidement en enfilant une robe de mousseline vert pâle, de la couleur de mes yeux, avec des manches larges, pour être libre de mes mouvements. Bien que cela semble être des futilités, j'apprécie de plus en plus cette garde-robe ostentatoire, composée uniquement de tenues luxueuses. J'arrange mes longs cheveux lisses dans un chignon bas et me maquille légèrement les yeux avec un khôl noir avant de partir.

La Tour de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant