La Tour de sang

Chapitre 4: L'Amante

Je me dépêche de l'ouvrir.

« Chère Lya,

J'espère que les événements récents ne t'ont pas trop chamboulée. Je souhaitais passer un moment en ta compagnie pour me changer les idées en discutant de tout et de rien. Si cela te convient, rejoins-moi à seize heures dans le verger sur lequel la fenêtre de ta chambre donne.

Mes amitiés,

Cassandra. »

Je regarde l'horloge en fer doré au-dessus de mon lit à baldaquin. Il est seulement douze heures. Il me tarde de revoir Cassandra et de discuter avec elle de récents événements. Peut-être connaît-elle de nouveaux éléments de l'enquête. Je commence également à trouver étrange que Victor ne soit pas encore passé me voir. Je sais qu'il est fou de chagrin, mais je suis tout de même censée être son épouse.

Jean repasse peu après récupérer le plateau du petit déjeuné pour m'apporter celui du repas de midi. Il me dispute gentiment de ne pas avoir touché au repas du matin. Il ne s'attarde pas. Je m'approche du plateau sur la table et grignote pensivement quelques-unes des framboises déposées sur une crème fouettée. Le repas est principalement composé d'un potage orange qui laisse échapper une odeur divine qui me met l'eau à la bouche. Je finis par dévorer entièrement mon repas.

Je m'occupe ensuite en m'approchant de la grande bibliothèque en acajous où sont rangés des dizaines de livres. J'ai la chance d'avoir été instruite pas mes parents. Je sais donc lire et écrire ce qui n'est pas le cas pour une grande partie de la population.

J'en choisis un au hasard. Sa couverture est en velours bleu et le titre « unification d'un royaume d'Hexode » est brodé en fils d'or. C'est un livre qui retrace l'histoire de notre royaume. Cette histoire, je l'ai déjà entendue des centaines de fois et mes parents m'ont souvent répété que la monarchie enjolivait ce qu'il s'était réellement passé. Officiellement lorsque la population s'est rendu compte que les femmes n'enfantaient que des garçons, l'ancêtre du roi Constant, Arci, a profité que la population, terrassée par cette nouvelle, soit dans l'obscurantisme le plus total pour prendre le pouvoir, n'hésitant pas à exécuter sommairement ses opposants. Finalement, la révolte a été vaincue et la dynastie s'est installée durablement. Ainsi le royaume d'Hexode constitue un des cinq royaumes de Novellus. Chaque année, la population diminue et s'affaiblit, bien que les femmes essayent d'avoir une progéniture nombreuse. L'espèce humaine risque réellement de s'éteindre si personne ne trouve de remède.

Je feuillette distraitement les pages en faisant des aller-retour entre l'horloge et le roman.

À quinze heures passées, j'enfile une robe en soie bleu ciel trouvée dans mon armoire. C'est une des plus classiques et je ne veux pas me faire remarquer. À quatre heures moins le quart, je sors. Je trouve facilement la sortie d'escalier qui me permet d'atteindre le verger que m'a désigné Cassandra. C'est un endroit magnifique. Les pommiers donnent l'impression d'être plantés au hasard, ils regorgent de pommes d'un rouge éclatant. Des arbustes sont plantés çà et là sans réelle logique apparente. Il donne l'impression d'être un endroit sauvage, intime qui contraste avec l'ordre et la rigueur du palais. Une bouffée d'oxygène.

Cassandra est déjà là. Elle m'attend sur un banc en fer forgé bleu à l'ombre d'un pommier. Elle est comme à son habitude rayonnante. Sa longue chevelure brune prenant des reflets cuivrés sous la lumière de cette fin d'après-midi d'été. Lorsqu'elle m'aperçoit, son visage s'éclaire d'un sourire.

─ Oh, Cassandra, comme je suis contente de te voir !

─ Moi aussi. Comment te sens-tu ?

─ Je ne réalise pas et je me demande surtout ce que je vais devenir...