La Tour de sang

Chapitre 11 : Le chat ressuscité

Chapitre 11 : Le chat ressuscité

Toutes les femmes de la famille royale ainsi que toutes les maîtresses officielles sont réunies dans une grande salle rectangulaire lumineuse dans la tour du savoir. Elle doit habituellement être réservée aux cours des étudiants car une estrade sur lequel préside un grand bureau fait face à de nombreux petits bureaux doubles en bois sur lesquels nous sommes installés. Je partage le mien avec Cassandra. Je reconnais à côté de nous la timide épouse d'Henri que j'avais rencontré au mariage. En discutant, Jean m'a appris qu'elle se nommait Marie. Elle est la fille bâtarde du roi de Luxy, Conrad. Constant voulait absolument lier une alliance avec ce royaume qui est frontalier au nôtre. Certains prétendent que Constant a des ambitions militaires et qu'il a toujours rêvé d'étendre les frontières d'Hexode. Le mariage de son fils héritier pourrait être une façon de renforcer et de légitimer son droit sur le royaume de Luxi. Le mariage a été célébré quand Maude avait à peine douze ans, il y a maintenant plus d'un an. Elle ne semble toutefois toujours pas enceinte. Les mauvaises langues prétendent qu'Henri serait plus intéressé pas les belles femmes de la cour que par sa très jeune épouse. Elle doit sentir mon regard sur elle, nos regards se croisent, je lui souris. Elle détourne rapidement la tête, son visage rempli de tache de rousseur devant tout rouge.

Je reporte mon attention sur la pièce. Comme dans la salle où j'ai rencontré Célestin, celle-ci recèle de nombreuses armoires contre les murs. Elles sont toutes fermées, ne laissant pas deviner leur contenu.

─ Tu connaissais Isis ? dis-je en me tournant vers Cassandra.

─ De vue uniquement. Je sais que le roi la fréquentait assidûment. Mais elle était discrète et ne se mélangeait pas aux autres. De toute manière l'étage des Hortensias est un repère de vipères. Nous nous battons toutes pour ne pas perdre nos privilèges. La concurrence nous empêche de lier tout lien sincère d'amitiés.

─ Que se passe-t-il si le roi se désintéresse d'une de ses concubines ?

─ S'ils ont eu des enfants, la mère et ses enfants continuent de vivre avec nous. Sinon il arrive fréquemment que le roi nous marie à l'un des nobles de la cour ou d'une cour étrangère pour le remercier de ses services. Avoir une femme est le plus prestigieux des cadeaux...

─ Nous sommes qu'une monnaie d'échange...

─ Ah ça !

─ Tu savais qu'Iris était enceinte ? repris-je plus bas.

─ Je l'ai appris par les domestiques. Mais avant non, sa grossesse n'était pas encore visible.

─ Hier la reine Camille a évoqué l'idée qu'il y avait peut-être un lien avec le meurtre de Carmen... qui attendait une petite fille.

─ Mais ce jour-là c'était la famille royale entière qui était visée, non ?

─ C'est ce qu'a répondu la reine Giorgia. C'est sûrement une coïncidence. De toute manière, si la grossesse d'Iris ne se voyait pas, le meurtrier ne pouvait certainement pas deviner qu'elle attendait un enfant.

─ Peut-être. Après les domestiques qui s'occupent de nous habiller sont souvent au courant avant tout le monde de ce genre d'événement.

─ Tu sous-entends que le meurtrier pourrait être un domestique ?

─ Cela pourrait expliquer beaucoup de choses. On sous-estime trop souvent tout ce qu'ils connaissent de nous. Ils font tellement partie du paysage qu'on finit par ne plus les remarquer.

Notre discussion est interrompue par l'entrée du professeur Amédée vêtu d'une blouse rouge qui lui arrive au-dessus des genoux. Il entre sans dire un mot, portant avec lui une cage dont s'échappent des feulements rauques. Il pose la cage sur le grand bureau après être monté sur l'estrade. Il se retourne vers nous tout en libérant l'animal. Sans nous adresser un seul regard, il prend la parole.