Chapitre 6

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Quelques jour plus tard, Yves réapparaît comme une fleur et comme à notre précédente rencontre, je ne peux m'empêcher d'accepter de le rencontrer. Nous nous rejoignons donc sur la grande place à quelques minutes de marche de l'université. C'est une place entièrement piétonne entourée de banc et d'arbre. Tout autour de la place, il y a des boutiques de vêtements, lingerie, une pharmacie, des brasseries, une banque.... C'est un endroit convivial et charmant. Aujourd'hui, la place est vide, il n'y a que les pigeons qui l'arpentent et Yves. Il m'attend assis sur un banc et jette du pain aux pigeons qui s'agglutinent autours de lui en se battant pour la moindre miette.
Je m'assied près de lui en silence qu'il rompt sans attendre.

- Merci d'être venue. Nous avons beaucoup à nous dire et nous avons peu de temps.

Je reste silencieuse alors il continue.

- Est ce que tu as une explication au fait que j'ai pu te dire ces choses l'autre jour ?

- Non, j'ai beau retourner vos paroles dans tous les sens, je ne comprends pas comment vous avez pu avoir des informations aussi intimes sur moi, ni même comment vous avez pu prévoir la scène de la jeune fille blonde. A moins qu'ils soient des acteurs mais quel en aurait été le but ? D'autant que Yvan m'avait bien préparé une soirée romantique. Comment avez vous su tout cela ?Je dois aussi vous avouer que tout mon corps me hurle de ne pas vous faire confiance de vous fuir mais je ne sais pas pourquoi j'en suis incapable. On dirait qu'une force me pousse vers vous en dépit de ma raison.

- Je sais. C'est parce que nous nous connaissons depuis si longtemps... Je pense que nos âmes sont ce que l'on appelle des âmes sœur. Je vais tout te dire Alex mais tu dois garder ton calme même si je sais que tu vas te sauver, tu devras reprendre tout cela à tête reposée quand tu auras retrouvé ton calme.

Mon cœur semble battre à l'unissons de ses paroles parce que tout à coup, il s'emballe craignant ce qui va suivre.

- Si j'ai su te dire ces choses là c'est parce que je les connaissais de toi. C'est toi qui m'a tout raconté voilà plusieurs années maintenant.

- Mais... Je ne connaissais même pas cette fille dans le bar. Et vous je ne vous avez jamais vu avant...

- Dans mon monde à moi, c'était il y a des années, dans le tien, tu vas me raconter tout ça dans quelques jours. Et je te le retranscrirai telle quelle dans vint cinq ans à peu de choses près.

Je le fixe en laissant mon esprit carburer mais je ne comprends rien à ce qu'il me raconte.

- Vous dites n'importe quoi ! Votre monde... mais qu'est ce que cela veut dire ? Vous voulez quoi ? Me soutirer de l'argent c'est ça ? Vous avez presque réussi à m'avoir mais c'est raté. J'aurais vraiment dû écouter mon premier instinct et vous fuir, crie-je en me levant.

Et je m'en vais, folle de rage. Ce mec est complètement taré. Je m'attendais à ce qu'il me suive mais quand j'atteins ma voiture garée à l'université, je constate avec soulagement qu'il m'a laissée tranquille. En m'installant au volant, je prends la décision d'aller porter plainte s'il revient à nouveau m'importuner.
Comment j'ai pu me laisser embobiner, je suis vraiment trop naïve.
Je rentre à la maison furax. Maman me demande ce qui me tracasse et je suis tentée de lui expliquer. Nous avons toujours été très proche et je sais que je peux tout lui confier. J'ai une maman extra qui ne me juge jamais et sait toujours me donner des conseils utiles. Mais cette fois ci, je ne sais pas si j'en ai envie. J'ai tellement honte de m'être laissée emportée par cette histoire complètement tirée par les cheveux. Je lui mens donc en lui disant que tout va bien mais que les cours me fatiguent et que les partiels commencent déjà à m'angoisser. Ce qui n'est pas faux, ceci dit, mais là, en l'occurrence, ce n'est pas l'objet de mon humeur. J'attrape une banane et monte me réfugier dans ma chambre. Je m'installe à mon bureau pour reprendre mes cours de la journée et en faire des fiches. J'ai toujours fonctionné comme ça, je fais un condensé du cours afin de mieux organiser mes révisions. Il s'avère que la faculté demande un travail personnel considérable et que mes fiches reprennent souvent la totalité du cours...
Je n'arrive pas à me concentrer. Je lève systématiquement le nez de mes cahiers en repensant à Yves et à toutes ces inepties. J'ai beau me reconcentrer à chaque fois, je l'entends me raconter ces drôles d'histoires.
Il faut avouer quand même que son petit jeu était bluffant. Surtout lorsqu'il m'a parlé de mes petites habitudes et de mon rêve. Rêve que je n'ai toujours pas confié à qui que ce soit...
Je pense de plus en plus que la fille blonde était une complice de son petit subterfuge avec son petit ami et même probablement la maman et sa fille. Je suis déçue de Dany par contre.
Je lui parlerai sûrement de cet épisode un jour car je ne comprends pas qu'il ait pu entrer dans ce jeu là. En échange de quoi m'a t-il humiliée ? Je ne pense pas que l'argent soit sa motivation, il m'a déjà avoué qu'il ne travaillait pas pour l'argent car il a hérité d'un petit pécule d'une tante ou je ne sais plus. Je ne l'avais pas cru mais une connaissance commune m'avait certifié que Dany disait la vérité. Le monde entier ne s'est tout de même pas ligué contre moi pour me raconter des histoires sans queue ni tête.
Mais mon rêve... Comment a t-il su ? Je ne me l'explique pas. Et mon habitude de méditation ? C'est un mystère qui finit par calmer ma rage contre lui. Et s'il y avait une explication rationnelle qui n'implique pas qu'il souhaite me nuire ?
Je repense aussi à la soirée préparée par Yvan. Si toute cette histoire est une supercherie, cela sous entend que Yvan y est mêlé... Je ne peux pas y croire. Yvan ne me ferait jamais une chose pareille !
Je ne vois qu'une solution pour en avoir le cœur net. Il faut que j'en discute avec Yvan. C'est la seule chance de démêler cette histoire.
Ou je pourrais laisser tomber, me dire que c'est juste un coup monté d'un mentaliste qui sait lire les gens et qui aura essayé de m'arnaquer. Oui, je vais laisser tomber, il aura fallu que cela tombe sur moi quand même... Mais je vais laisser couler sauf s'il revient, je porterais plainte, sinon j'oublie toute cette histoire.

Ce soir Yvan dort à la maison et me rejoins après sa séance de sport. Il s'est inscrit dans une salle de sport à la rentrée. Je me suis d'abord moquée qu'il cède à cette mode mais il a l'air de tenir sa résolution alors je me fais toute petite quand il me rappelle mes moqueries.
Il sonne et je l'entends embrasser ma mère et discuter quelques minutes du match de football de la veille. J'en profite pour jeter un œil dans le miroir afin de m'assurer être présentable. Il frappe à ma porte mais n'attend pas ma réponse et entre aussitôt.

- Salut ma belle, dit il en m'enlaçant. Ta journée s'est bien passée ?

Je me crispe malgré toute ma bonne volonté d'oublier, je ne fais que penser à Yves.

- Cela ne va pas, ajoute t-il inquiet.

- Si, si, ça va, je suis juste fatiguée.

Décidément, moi qui déteste mentir, me voilà mentir pour la deuxième fois de la journée.
C'est alors que des mots sortent de ma bouches sans que je n'ai aucun contrôle sur mes cordes vocales.

- En fait, je voudrais te demander quelques chose.

Il m'entraîne sur le lit pour que nous nous asseyons tous les deux et m'invite à continuer du regard.
Me sentant prise au piège, je ne peux pas faire marche arrière. Yvan a un détecteur de mensonges intégré, il saura que je ne dis pas la vérité. Je lui demande donc :

- Tu avais parlé à quelqu'un de la petite soirée que tu me préparais pour mon anniversaire ?

- Oui, à mes parents, mes grands parents et aux copains pour qu'ils me couvrent à la fac. J'avais cours ce jour là mais des matières assez soft que j'ai déjà rattrapées, je te rassure. Pourquoi ?

- Comme ça répondis-je en regardant mes pieds. Et tu connais un Yves qui a une drôle d'allure ? Brun, cheveux longs aux yeux bleus.

- Cela ne me dit rien, c'est qui ?

Il me relève la tête en passant ses doigts sous mon menton. Je remarque la chaleur de sa main et cette sensation immédiate d'être là où je suis supposée être, à la maison. Puis il reprend :

- Tu as l'air toute triste, tu vas me dire ce qui te turlupine ?

J'élude sa question en l'embrassant après m'être plongée corps et âme dans le bleu psychédélique de ses yeux.
C'est ce qui est pratique avec les hommes, on dévie facilement leur attention. Mais je sais qu'il reviendra à la charge dans quelques temps, il n'oublie rien.

L'élément déclencheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant