EPILOGUE

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 Je suis réveillée par des bips. On avait dit plus de réveil, Yvan... L'avion pour le Canada, ce n'est pas aujourd'hui malheureusement.
J'ouvre les yeux, c'est trouble. On a un peu forcé hier soir. C'était une soirée magique, on est rentrés tard et un peu éméchés. Je voudrais me frotter les yeux mais... Pourquoi je n'arrive pas à bouger?
Ma vue fait enfin le point. Tout est blanc. Notre petite cabane n'a rien de blanc. Où suis-je? J'entends toujours ces bips, réguliers.
Je ne comprends pas. Yvan? J'essaie de l'appeler, aucun son ne sort de ma bouche.
J'essaie de me lever, en vain. Je ne peux même pas bouger ma tête.

QU'EST CE QUI SE PASSE?

Je commence à paniquer, mon cœur s'emballe. Ma respiration semble peu efficace, je m'étouffe. Je vais mourir, je ne peux pas bouger, que se passe t-il? C'est Karina qui a réussi, elle est revenue d'outre tombe pour se venger? Les bips ont l'air d'accélérer.

- Alexandra, calmez vous, tout va bien, je suis avec vous, tout va bien, dit soudain une petit voix aigüe. C'est Elise, l'infirmière, vous vous souvenez?

Je la regarde du coin de l'œil à ma gauche, j'arrive à tourner les yeux, bon sang, il n'y a que cela qui fonctionne dans mon corps!
Elle fait quelque chose encore plus à ma moi puis  tourne à nouveau son visage vers moi, elle se met bien face à moi afin que je n'ai pas à m'exorbiter les yeux pour la regarder.

- Voilà, c'est très bien, je suis fière de vous. vous revenez parmi nous. Je vais pouvoir appeler le Docteur Gellens qui va venir vous ausculter.

J'ai une drôle de sensation, comme une impression de déjà vu mais je suis incapable d'associer les évènements dans ma tête. J'aimerais lui demander ce qui se passe, ce que je fais là mais c'est physiquement impossible.

- Vous avez eu de la visite ces derniers jours. Vos parents sont venus tous les jours, ils vous aiment beaucoup on dirait.

Elle me parle en faisant le tour de moi. Je la suis du regard mais je n'arrive pas à la voir tout le temps. Je suis surtout sa voix pour la situer dans l'espace. Elle réapparait sur ma droite. Elle a l'air de me toucher, je vois ses bras et ses mains s'affairer sur moi mais je ne sens rien. J'ai tellement peur.

- Ils vous ont apporté des photos pour égayer un peu votre chambre, regardez.

Et elle approche de moi un panneau. J'y vois des photos de mes parents, d'Emma et Yvan.
C'est un électrochoc quand je le vois sur la photo. Tout me revient instantanément:

Le cinéma.

L'autoroute.

Les phares.

Je suis paralysée.

Il est mort.

Je suffoque. J'entends l'infirmière parler mais je ne comprends pas ce qu'elle dit. Les bips vont si vite, on dirait qu'il n'y en a qu'un, un long bip, je vais mourir? Rejoindre Yvan? Je ne peux pas vivre sans lui. Je ferme les yeux, la douleur est trop forte.

J'ai l'impression que je suis dans ce lit depuis des mois. Mais la date sur le mur me rappelle chaque jour que le temps ne passe pas quand on est dans un lit d'hôpital. Le temps est bien relatif mon cher Albert, tu avais raison!
Mes parents, Emma viennent me voir tous les jours. Ils essaient tout ce qu'ils peuvent pour que nous puissions communiquer. Ils m'ont parlé d'un ordinateur, genre Stephen Hauwking... J'ai envie de mourir. Je refuse de vivre comme cela, encore moins sans Yvan.

Ils vont l'enterrer aujourd'hui.

Je suis ici. Je ne peux pas assister aux funérailles de l'homme de ma vie. J'ai envie de tout arracher, de tout casser, de tout détruire. Des larmes brouillent ma vue et la seule chose qui laisse paraitre mon état de nerfs est ce fichu bip qui se répète de façon plus rapide quand je m'énerve.
Les soignants ne viennent plus systématiquement me voir quand mon cœur s'affole. C'est tellement fréquent...
Après avoir fait ma toilette, les aides soignantes ont laissé la télévision allumée. Elles m'ont demandé si je la voulais mais comme je n'ai pas pu leur dire non, elle est restée allumée.
Il est huit heures, c'est l'heure des informations. Je ne les écoute pas, je pense à Yvan. Je me demande quelle tenue ses parents ont choisi pour son dernier voyage. Je ne pourrais  pas lui dire Adieu. Je voudrais tellement le prendre dans mes bras, le toucher une dernière fois. Cette douleur dans ma poitrine est tellement forte. Mes parents m'ont dit qu'il serait incinéré et inhumé dans le caveau familial. Pourrais-je un jour me recueillir sur sa tombe? 
Ce vide dans ma poitrine va me tuer. Je voudrais qu'il me tue. Je voudrais qu'il m'engouffre dans les ténèbres pour toujours. Rien ne peut être pire que ce que je ressens à cet instant. Je suis en enfer. Le vide, la douleur, le néant, le désespoir. J'ai perdu mon âme-sœur, plus rien de bon ne peut advenir désormais.  Je ne veux pas que quoi que ce soit n'advienne. Je veux simplement que la douleur dans ma poitrine s'arrête, je veux rejoindre Yvan. Je veux retrouver mon Yvan.

Les larmes brouillent l'image de cette fichue télévision. Je n'en peux plus de l'entendre. Je ferme les yeux, peut être que mes larmes vont arrêter de couler comme cela... La télévision me rend dingue.

- Sans transition, ma chère Emilie: chroniqueuse sciences et technologie, vous venez nous donner les dernières infos concernant l'actualité scientifique.

Je voudrais tellement que ma vie s'arrête maintenant. Je garde les yeux fermés. Mes larmes coulent quand même. J'imagine qu'on me colle les paupières  pour que je ne puisse plus pleurer. Avec cette machine qui respire pour moi, je ne peux même pas décider d'arrêter de respirer. Je ne peux même pas décider de mourir. Je n'ai plus aucune dignité. La chroniqueuse répond à sa collègue se moquant royalement que je me fous éperdument de ce qu'elle raconte.

- Oui Hillary, aujourd'hui est un grand jour pour nos chercheurs car un nouveau matériau vient d'être découvert au sein de l'accélérateur de particules : le CERN. Il n'a pas encore été nommé mais il s'agit d'un nouvel élément du tableau périodique qui contient, tenez vous bien, pas moins de deux cent quatre vingt quinze électrons. Les découvreurs de cet éléments sont sous le charme de cette trouvaille qui devrait révolutionner la fission nucléaire. Il semblerait que les espoirs d'une production d'énergie au rendement colossal serait à envisager. Un avenir où l'énergie serait gratuite, rien que cela!

- Hé bien, reprend Hillary, voilà qui nous laisse rêveurs sur un avenir de l'humanité plutôt agréable. Parlons maintenant de sport avec....

Mes yeux s'ouvrent d'un coup.

L'élément déclencheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant