Chapitre 16

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Je n'ai pas eu de nouvelles depuis hier. Il ne répond ni à mes appels ni à mes messages. Je ne sais pas s'il ira à la fac demain. Je décide de le laisser se calmer et de ne pas insister aujourd'hui. Je finis de récupérer tous les cours que j'ai manqué, sans l'aide de mon cher et tendre, et je me mets à jour pour demain. Je pourrais donc reprendre les cours demain à la première heure. Quatre heures de mathématiques appliquées pour commencer la semaine. Tout le monde me dit que je suis cinglée mais j'adore cette matinée!

Je reçois un appel qui me met en joie: Emma. Elle me manque tellement. Je réponds à la première sonnerie. Je n'ai pas quitté mon téléphone, j'espérais un appel de quelqu'un d'autre...

- Loin des yeux loin du cœur, grognasse!

Voilà comment ma chérie me dit bonjour!

- Ben Salut hein!

- Non mais t'es sérieuse? Pas un appel, pas un message depuis ton anniversaire! Et c'est moi qui t'ai appelé en plus. J'ai cru que t'étais morte! Tu as intérêt à avoir une raison béton parce que je ne te le pardonnerai jamais.

Elle laisse passer une seconde puis me crie dessus:

- Alors? C'est quoi ton excuse?

- J'ai rencontré un mec qui voyage dans le temps.

- Ouais, c'est toi qui va voyager quand je te verrai, tu vas décoller je t'assure! Sérieusement, tu me manques, je suis loin de toi et des autres et j'ai l'impression que tu m'oublies!

- Non, je la rassure. Tu me manques énormément ma belle. Crois moi, j'aurais bien besoin de quelqu'un à qui parler ces temps ci. Il m'arrive de drôles de choses.

- Ben raconte!

Je marche sur une ligne imaginaire entre mon lit et mon bureau, le téléphone à l'oreille droite et une sucette dans la main gauche.

- Je pense arrêter mes études, ou pas, en fait, j'en sais rien. Yvan fait la tête, il n'est pas d'accord avec moi. Pas de nouvelle depuis hier soir, il est parti sans un mot.

- Ho une journée, il va pas nous en faire des caisses hein. Qu'est ce que je devrais faire moi?

Elle rit jaune. Je crois que j'ai abusé avec elle. J'aurais dû la rappeler et je m'en veux instantanément, je dois absolument lui parler et tout lui dire, elle doit se préparer!

- Je suis désolé Em'. Tu me manques...

- C'est rien! Mais pourquoi tu veux arrêter, ça va pas bien toi?

- C'est tellement compliqué en ce moment, je ne sais plus quoi penser. Il m'arrive des trucs de fou mais je peux pas te parler de tout cela au téléphone.

- De quoi est ce que tu ne pourrais pas me parler au téléphone, franchement? T'es surveillée par le F.B.I ou quoi?

Sa remarque n'est pas si anodine, si les autorités savaient ce que je sais, je serais probablement interrogée comme une terroriste pendant des jours. Comme j'aimerais qu'elle soit là pour que je puisse tout lui dire.

- Si tu savais, dis-je sarcastique. Et toi comment tu vas? Le Canada c'est comment?

- C'est génial, tout est fabuleux ici. J'ai hâte que tu viennes pour te montrer les meilleurs bars que tu n'as jamais vu. Je pourrais te présenter du monde, les gens sont super sympas et puis mon copain aussi. La famille qui m'héberge est adorable aussi. Tu aimerais la nature ici, tout est coloré. C'est vr...

- Ton copain?

- Hé ouais ma cocotte, tu croyais que j'avais déposé les armes? Il s'appelle David, il a vingt cinq ans et bosse dans une librairie. J'ai de suite pensé à toi!

- Punaise, on a raté des choses toi et moi! Ecoute, je vais regarder les billets d'avion et voir si on ne pourrait pas s'organiser un petit aller retour, faut vraiment qu'on se parle.

Emma semble s'étrangler:

- Tu rêves toi! C'est hors de prix! Tu as gagné au loto peut être?

- Hmm, c'est chiant que tu sois si loin...

- Ho! Je dois te laisser, j'ai rendez vous avec des amis pour un brunch, ils sont là. On se rappelle vite hein, s'il te plaît.

- Oui, promis, je t'embrasse.

Elle a déjà raccroché. Je me dis qu'on va s'éloigner avec cette distance et ce décalage horaire, on ne peut plus se confier comme avant.

Je me couche tôt sans nouvelle de Yvan, je m'endors rapidement malgré toutes ces questions qui me taraudent. Je rêve de cette femme qui est venue l'autre jour. Elle est sur un cheval, elle a à côté d'elle trois autre cavalières. Toutes les trois vêtues d'un manteau rouge, elles chevauchent avec des talons, encapuchonnées. Je les vois débarquer dans ma rue, tout est en ruine, des voitures brûlent, mes voisins portent des masques à gaz, d'autres sont armés. Je suis au milieu de la rue, en pyjama. La femme s'approche de moi avec ses acolytes et elles m'entourent menaçantes. Elles portent un châle qui fait office de masque si bien qu'en plus de la capuche, on ne distingue plus que leurs yeux. Elles psalmodient de drôles de mots que je ne comprends pas puis l'une d'elle me dit:

- Je t'avais bien dit de prendre la bonne décision. Tu as déchaîné les enfers en ouvrant la boite de Pandore. Regarde autour de toi, regarde ce que tu as fait!

Elle lève les bras comme pour m'inviter à me rendre compte du désastre.

- Mais.. Je... Je ne voulais pas cela... Je suis désolée!

Je crie en essayant de couvrir le bruit ambiant.

- L'une des cavalières me montre Yvan derrière elle. Il porte lui aussi un manteau à capuche. Le sien est noir, comme son regard. Il semble différent, comme possédé.

- Nous l'emmenons, psalmodient encore les cavalières. Avec nous, il aura enfin la vie qu'il mérite. Tu n'es pas à la hauteur de son amour. Il mérite mieux que ton dédain.

Soudain, un grand fracas attire mon attention. C'est la foudre qui s'est abattue sur ma maison. Elle s'enflamme instantanément, j'entends ma mère hurler, mon père saute par la fenêtre avec Einstein dans les bras et me le jette en hurlant:

- Tout est de ta faute, tu me déçois tellement. Je dois sauver ta mère et rattraper tes erreurs maintenant.

Je fond en larme, mon chat contre mon cœur. Mon père court vers la maison en pyjama. Les quatre voyageuses ont disparu et à la place, une lumière scintille. Une boule lumineuse posée au sol. Je m'approche, je lutte contre le vent, des branches et des débris s'envolent comme chassés par cette boule. La lumière est pourtant si chaleureuse, elle n'émet aucun vent juste de la chaleur. Autour de moi, c'est l'apocalypse, l'orage est d'une violence inouïe. Le ciel est rouge carmin, il ne pleut pas mais l'atmosphère est chargée d'humidité, le tonnerre n'en finit pas. Il n'y a plus personne autour de moi, hormis Einstein qui reste, bizarrement, bien sagement dans mes bras. Je continue de m'approcher, en confiance, de cette boule qui tourne de plus en plus vite. Elle sonne... La boule émet un "bip". "C'est une bombe?" voilà ce qui me vient à l'esprit. Elle sonne de plus en plus fort. Je me fais la remarque que ce son m'est familier. Einstein me regarde et ouvre la gueule pour miauler ou feuler?

- Lève toi bécasse! Dit-il d'une voix rauque.

Je le regarde abasourdie. Et j'ouvre les yeux. Mon réveil continue d'émettre ces sons stridents. Je lance ma main pour appuyer dessus. Einstein qui dormait sur mon oreiller se réinstalle en couinant. Je me tourne vers lui et lui dit en le caressant:

- Non mais tu parles toi maintenant? Si tu avais l'obligeance de me faire une analyse de ce rêve de dingue, je te serai gré mon cher!

Comme tout chat dérangé dans son sommeil, il s'étire en me montrant son postérieur et s'en va trouver un autre coin tranquille pour finir sa nuit. Je me remets sur le dos en pensant à ce rêve. Et après quelques minutes de questionnements, je me dis que ce n'était qu'un autre de mes rêves loufoques et me lèves afin de me préparer pour la fac.

L'élément déclencheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant