Chapitre 10

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Je ne sais pas si j'ai réussi à dormir cette nuit. Il est plus de cinq heures . Je le sais parce que les lumières du village se sont allumées, il y a quelques secondes. Le soleil est toujours couché lui. C'est drôle cette expression. On laisse croire aux enfants que le soleil s'éteint chaque nuit, on devrait leur expliquer la vérité, au lieu de leur inventer des histoires sans queue ni tête.
Immuable, il est là toujours à la même place. Enfin, à première vue. Les gens ne s'imaginent pas le nombre de kilomètres que l'on parcourt à chaque seconde entraînés par notre danse céleste autour de notre chère étoile. Elle même entraînée par sa danse folle autour du centre de notre galaxie. Et cette bonne vieille voie lactée, elle se déplace aussi dans l'univers. On devrait avoir le tournis avec tout ces mouvement! On a l'impression que tout est calme là haut, fixe, éternel... C'est juste une méga course, tellement rapide que notre cerveau ne peut même pas se représenter matériellement ce que cela représente.
Six cent trente kilomètres par seconde: la vitesse de déplacement de la galaxie. L'univers est magique!
Est ce que le voyage dans le temps possède une vitesse de déplacement? Une vitesse de déplacement dans le temps... J'ai mal au crâne!
J'ai les yeux grands ouverts, je regarde la danse de l'ombre des arbres au plafond et je décide d'arrêter de me chatouiller les neurones. Trop peu d'information, trop peu de sommeil, trop d'anxiété!

Il y a du vent aujourd'hui, cela remue au plafond. On est dimanche, mes parents partent tôt, ils aident des amis à déménager la maison d'un proche décédé. Cela m'évitera de m'expliquer. On est rentrés tard hier et je crains qu'ils n'aient entendu des bribes de la conversation houleuse que j'ai eu avec Yvan en arrivant dans la chambre.
Il dort lui, du sommeil du juste en plus. Comment fait-il? Depuis que je sais que se sont les mêmes personnes, je ne peux m'empêcher de leur trouver des traits communs. Ils se ressemblent tellement, c'est si évident que je me demande comment j'ai pu rater cette information...
Parce que c'est invraisemblable, tout simplement.
Toute cette maudite nuit, je me suis demandée si je n'avais pas fait un cauchemar. Je me suis répétée que c'était juste impossible. Les lois de la matière réfutent la possibilité du voyage dans le temps tout simplement parce que la trame du temps n'a qu'un sens. L'espace est multidimensionnel, pas le temps!
Bon sang, Einstein va se retourner dans sa tombe!
Yvan jubile lui... Il m'énerve! C'est pas à lui qu'on a demandé de tirer un trait sur ses rêves.
Après la tirade macabre de Yves, hier soir, je me suis levée d'un bond, comme tirée d'une rêverie et je suis partie.
Je l'ai vaguement entendu demander à Yvan de me "raisonner" ce qui m'a encore plus énervée. J'ai l'impression qu'ils se liguent contre moi ces deux là.
J'ai marché devant, énervée, jusqu'à la maison. Il faisait nuit noire, les lumières communales étaient déjà éteintes, j'ai dû utiliser le flash de mon téléphone pour voir où je mettais les pieds. Yvan me suppliait de l'attendre à intervalle régulier. Entre deux supplices, il marmonnait que ce n'était pas de sa faute à lui.

- Pourquoi c'est à moi que tu en veux, lâcha t-il une fois la porte de ma chambre fermée.

- Je ne t'en veux pas. C'est des conneries d'histoires de destin et d'avenir écrit. Tu ne crois quand même pas que je vais me laisser embobiner?

- Je ne sais pas, souffla t-il. Ce que je sais par contre c'est qu'il était sincère. Il croyait vraiment en ce qu'il te disait. Il avait peur aussi mais je n'ai pas pu en déceler l'origine. Il était empli de bienveillance envers l'humanité, l'espoir aussi bon sang, l'espoir l'habitait jusque dans ses tripes! Il t'aime tellement Alex! J'en ai été jaloux avant de comprendre que c'est sa Alex qu'il aime mais quand même toi aussi! J'ai même eu la sensation qu'il t'aime plus que moi je ne t'aime, enfin, je veux dire...

Il s'arrête cherchant ses mots parce qu'il voit qu'il m'a blessée

- Je t'aimerai donc de plus en plus fort quand le temps passera, je ne ferai que t'aimer de plus en plus alors que j'ai l'impression de déjà t'aimer comme un fou.

Gêné par cette déclaration d'amour impromptue, il fait mine de chercher quelque chose sur mon bureau puis s'assied sur la chaise en se tournant vers moi. Ses joues se sont empourprées, il est trop mignon.
Histoire de mettre un terme à ce moment embarrassant, je débarrasse mon lit de mon ordinateur qu'on avait laissé tel quel en partant tout à l'heure. Cette soirée a duré une éternité, j'ai l'impression que ce moment avec Yvan à lui expliquer tout cela date de plusieurs jours. Il s'éclaircit la gorge:

- Enfin tout ça pour dire que je le crois Alex, il place un espoir énorme en toi. Il croit en toi et surtout, je n'ai pas senti une once d'égoïsme chez lui. Je veux dire qu'il n'agit pas dans son propre intérêt. Il était vraiment là, à te supplier pour le bien de l'Humanité!

Voilà qui a achevé de me mettre en rogne!

- Le bien de l'humanité... Non mais tu t'entends? Yvan, lequel des deux d'ailleurs c'est à se demander, le grand sauveur de l'humanité. Je suis le Thanos de l'histoire quoi, c'est moi le grand destructeur de monde?

J'ai encore élevé le voix sans m'en apercevoir mais je continue:

- Je n'ai qu'à claquer des doigts pour anéantir toute la race? Pfff quelle connerie! Je ne suis personne et quand bien même, je devrais devenir quelqu'un, qui dit que je suivrais les traces qu'il me prédit? T'es croyant toi maintenant? Dieu nous a écrit un avenir alors on va devoir suivre ses directives et faire comme Il a dit? Je ne peux pas continuer d'entendre ces conneries de religiosités cela me dégoute!

- Baisse d'un ton si tu ne veux pas que tes parents se joignent à notre petite fête!

Il a raison. Je me tais et me déshabille pour me faufiler sous la couette en culotte et brassière, je n'ai même pas le courage d'aller prendre une douche. Quand je me tourne vers Yvan toujours assis à mon bureau, il me dit:

- Je ne me sens pas super bien là, j'ai des nausées depuis tout à l'heure et on dirait que je vais être malade... Tu crois que c'est de cela qu'il parlait quand il a évoqué ma fin de soirée?

- Je sais pas, cherche en toi, vous avez l'air si... connectés!

Je lui ai craché cela à la figure, rancunière. Et je m'en veux aussitôt mais je me retourne dans le lit et éteins la lumière.
Il a effectivement été malade un bon moment, c'est peut être pour cela qu'il dort finalement.
Je suis dure avec lui, en fait. Ce n'est pas de sa faute ce qu'il se passe. Enfin ce n'est pas encore de sa faute devrais-je dire....
Qu'est ce que je suis supposée faire exactement? Arrêter mes études et devenir... devenir quoi?

De toutes façons, il va bien devoir m'en dire un peu plus le voyageur. Il va falloir qu'il me donne des détails s'il veut que je réfléchisse vraiment à sa demande. C'est bien beau de me demander un truc pareil mais je ne peux pas juste accepter et passer à la suite.
Tout à l'heure, il viendra m'expliquer en détail ce que j'ai fait, enfin ce que je vais faire, ce que je suis supposée faire, ou pas.... 

Pfff, c'est sordide!

L'élément déclencheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant