Chapitre 39

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Hinata eut un haut le cœur devant la scène de désolation qui se présentait sous ses yeux. Où que ceux-ci se posent, du sang, de la chair, des membres découpés s'imprimaient sur ses rétines.

C'était le résultat du monstre squelettique invisible et invincible qui se débattait sous les assauts des forces armées de la cité. Et si les cadavres, les restes humains n'étaient pas du fait de l'Isaki, l'éboulement des bâtiments sur eux-mêmes, les décombres et les impacts des habitations détruites dans son sillage avaient contribué aux restes des victimes.

Aux cris s'ajoutaient les pleurs, les gémissements d'agonie et de désespoir, témoignant d'une détresse que personne n'aurait pu soulager. Le cœur d'Hinata se serra.

Elle, elle le pouvait. Elle pouvait faire quelque chose. Elle pouvait faire que cela cesse.

Quand l'empereur était venu la trouver pour lui exposer son plan et les options qui s'offraient à elle, elle n'avait pas hésité un instant. La famille royale avait toujours été bonne envers elle.

L'empereur Magnus, le précédent empereur, était vivement critiqué mais elle, elle aurait fait n'importe quoi pour lui. Il avait été le premier à l'avoir acceptée, lui avoir trouvé une utilité, lui avoir témoigné du respect et même de l'admiration. Envers elle, si habituée au dégoût ou à l'indifférence jusqu'alors.

Il l'avait découverte alors qu'elle était encore très jeune et influençable, ses parents venaient de mourir au cours de la guerre qu'il avait lui-même provoquée. Elle n'avait pas pleuré leur mort. Ils ne lui avaient jamais témoigné le moindre amour, la moindre marque d'affection qu'un parent aurait dû porter à son enfant.

Dans sa quête aux bénies, l'empereur Magnus avait entendu parler d'elle. De sa malédiction.

Avec ses fils, elle était capable d'emprisonner ses proies dans sa toile telle une araignée, d'enlacer aussi solidement qu'une corde d'acier, de manipuler à l'image d'un marionnettiste. Rien ne lui semblait impossible.

D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle avait toujours sécrété ses fils depuis ses avant-bras. Sa mère lui avait expliqué qu'enfant, alors qu'ils fuyaient Barcaire en proie aux conflits, elle s'était perdue dans ce désert de désolation. Elle n'avait que de vagues souvenirs de la femme qui l'avait recueillie. Des bribes, des images lui revenaient lorsqu'elle se concentrait. Parfois, il lui semblait distinguer des sourires sur son visage d'une beauté immaculée, mais alors celui-ci s'enlaidissait d'une grimace et des crocs fondaient sur elle. Sans ces bribes, elle n'aurait aucun souvenir de ce qu'elle avait vécu durant sa disparition qui dura une journée entière. Comme si celle-ci n'avait jamais eu lieu. Elle n'avait pas non plus souvenir de comment elle avait retrouvé ses parents. Toujours est-il qu'à son retour, elle avait changé. Et sa relation avec autrui changea elle aussi.

La rencontre avec l'empereur fut un cadeau. Elle regagna espoir. Elle n'était pas destinée à la destruction, à la manipulation comme chacun s'entêtait à le lui faire croire. Elle pouvait contribuer au royaume. Elle pouvait aider, être utile. Mieux, on la remercierait et la féliciterait pour ça. Et il n'y aurait aucune victime. Au contraire : elle allait contribuer à ce que celles-ci diminuent.

Elle allait emprisonner les créatures mythiques les plus cauchemardesques.

La première, Méduse, fut difficile. Elle dût s'y reprendre à plusieurs fois, Méduse s'échappant et, rouge de colère, anéantissant des villages entiers. De nombreuses victimes furent les frais de ses échecs. Puis, à force de tentatives, d'entraînement, cela lui vint naturellement. Elle se rendit compte qu'elle était douée pour ça. Elle tissait littéralement les Isakis à l'intérieur des amythes, ces pierres rares et précieuses, capables d'enfermer les Isakis. L'objectif avait été, à terme, d'arriver à les contrôler et de s'en servir d'arme.

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