Chapitre 49

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Juliette leur exposa son idée tandis que Madame Jupiter s'échinait à rafistoler les deux bénis.

Ces derniers écoutèrent patiemment, malgré le tumulte que provoquait l'Isaki, malgré la destruction qu'il semait derrière eux.

Et peu à peu, une lueur d'espoir s'alluma en chacun d'eux.

— J'ai compris... murmura Arya.

Elle se mit à rire. Le son fut d'abord assez bas, puis il prit de l'ampleur.

— Aaah ma petite Juliette... C'est toi notre bénédiction ! s'exclama-t-elle. Je vois... Je vois ce que tu attends de nous.

Neven avait également compris. Il n'en revenait simplement pas. Il en restait muet de stupeur.

Juliette était en réalité une bénie.

La jeune fille avait reçu une bénédiction. Et pas des moindres. C'était simple : Neven n'avait pas connaissance d'une personne ayant reçu une telle bénédiction à ce jour.

Un pouvoir si puissant... Il ne semblait pas avoir de limites. En tout cas, Neven n'en voyait aucune. Un frisson le traversa.

Terrifiant.

Madame Jupiter écouta également. Elle se remémora tout ce qu'elle savait de la jeune fille. Cette dernière était parfaitement capable de leur apporter la victoire, la guérisseuse en était certaine. Son plan était plausible.

L'érudite se remémora leur conversation dans les bois, sur le chemin qui les avait menées vers l'empereur, il y avait de cela des semaines maintenant.

Elle se remémora la question qu'elle lui avait posée.

Madame Jupiter... vous êtes une grande guérisseuse n'est-ce pas ? Reconnue dans le monde entier ?

— Eh bien, je n'apprécie pas les vantardises mais je jouis d'une certaine réputation, en effet.

Pensez-vous... que l'on puisse guérir d'une bénédiction ?

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'était pas la première fois que Madame Jupiter entendait une personne lui demander de la « guérir » d'une bénédiction. Ce n'était certes pas courant, car les bénédictions étaient considérées comme des cadeaux et nombre de personnes aurait vendu leur âme pour en obtenir. Mais il arrivait que certains voient ces dons, ces miracles, comme des malédictions.

Ce qui étonna le plus Madame Jupiter fut que cette question sorte des lèvres de cette jeune fille. Juliette était donc une bénie ?

Madame Jupiter savait que certaines bénédictions parmi les plus puissantes demandaient un prix à payer. C'était le cas pour l'empereur par exemple, qui voyait son corps difficilement adapté au don des flammes.

Madame Jupiter se remémora la suite de leur conversation, la confession du fardeau qui accompagnait le cadeau.

J'ai conscience que cela représente une chance. Ce pouvoir est puissant mais... je ne l'ai jamais voulu moi. Il y a tellement d'inconvénients... Je ne peux même pas mentir vous vous rendez compte ? J'ai parfois la sensation que c'est lui qui me contrôle... C'est le cas en ce moment. Une vie pour une vie. Chaque service que l'on me rend est vu comme une dette que je dois rembourser. Chaque remerciement que j'énonce est irrévocable. Une promesse doit être tenue. Mon corps y est obligé, je ne peux pas lutter. J'en suis physiquement incapable. Cela engage ma vie elle-même. Je ne suis pas... suffisamment forte.

L'empereur avait sauvé la vie de Juliette à Samem. La jeune fille avait été entraînée malgré elle dans ce tumulte et le sel était justement un des pires inhibiteurs pour elle et l'Isaki qui l'avait bénie. Elle n'avait rien pu faire. Elle aurait dû mourir. Mais Neven était intervenu. Il l'avait sauvée de la noyade. L'adolescente lui devait la vie. Elle l'avait remerciée. Elle avait commis l'erreur de le remercier. Elle avait donc une dette à payer. Cette dette s'était inscrite dans son esprit, dans son corps. Comme une obsession, une compulsion impossible à ignorer. Une voix dans sa tête qui la harcelait pour la rembourser.

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