8. La peur

120 26 163
                                    

— C'est une blague, j'espère ?

L'éducateur sportif déglutit à mon cynisme mais je n'en avais cure. Le week-end n'avait pas suffi à récupérer toute l'énergie que j'avais dépensée dans l'inquiétude et dans la colère, et je n'étais pas tout à fait prête à revivre la même journée que vendredi. Puis ça faisait deux fois en moins d'une semaine que Tobias disparaissait. Qu'est-ce qu'il cherchait, enfin ? À entrer dans le Guinness des Records ?

Mon collègue essuya du revers de la main une goutte de sueur qui avait perlé à la surface de son front, avant d'ajouter avec embarras :

— Malheureusement, non... Il était là quand je surveillais la cour, puisque je lui ai dit d'arrêter de tirer le ballon sur les pigeons, puis... plus moyen de le trouver au moment de faire l'appel.

— Donc il a disparu, traduisis-je dans un soupir en me pinçant l'arrête du nez.

Monsieur Thomas acquiesça nerveusement, tandis que je scannais du regard la cour qui se vidait peu à peu de ses élèves à mesure que mes collègues venaient les chercher pour les emmener en classe. Il ne resta très vite plus que ma classe, amassée autour de moi et de la porte des toilettes dont le battant dansait pitoyablement sous les assauts du vent.

— Dites, fis-je alors en levant la voix à leur intention, aucun d'entre vous n'a vu Tobias à tout hasard ?

— Pensez-vous, je leur ai déjà demandé, marmonna mon collègue derrière moi.

— Et ?

— C'était une très mauvaise idée.

— Qu'est-ce que vous voulez dire par...

Je n'eus même pas le temps de finir ma question que la petite Jade m'en donna la réponse, la main levée si haut qu'elle donnait l'air de vouloir attraper les ballons coincés sur le toit.

— Moi, j'ai vu ma grand-mère.

— C'est chouette Jade, mais ça ne m'aide absolument pas...

— Et moi maîtresse, j'ai vu Tobias Lemaître en CE2, ajouta une autre voix que j'identifiai comme celle de Hugo.

— Mais t'es bête ! La maîtresse, elle cherche le Tobias de notre classe, rétorqua un autre.

— Ah ben non, je l'ai pas vu du coup.

— Et si on a vu un lapin, ça compte ou pas ?

— On gagne quoi, si on le trouve ?

Je clignai des yeux, ne réalisant mon erreur que trop tard, une fois que la machine était bien lancée. Le regard éloquent que me lança mon collègue éducateur me confirma qu'il était passé par là lui aussi, ce qui ne me rassura guère. Je cherchai alors une meilleure question à leur poser, de sorte à avoir des réponses un peu plus utiles à notre problème, quand une toute petite voix retentit au milieu du troupeau d'élèves qui constituait ma classe de CM2.

— Moi, maîtresse, j'ai vu Tobias ce matin avant la sonnerie, annonça Noham avec hésitation, et il rougit quand les regards se tournèrent vers lui.

— C'est vrai ? Où est-ce qu'il est parti ? le questionnai-je en m'approchant de lui à pas comptés.

— Il disait qu'il se sentait pas bien. Il... il ne voulait pas faire sport ce matin.

Noham s'interrompit pour jeter un coup d'œil hésitant à l'éducateur sportif derrière moi, comme s'il voulait s'assurer que sa révélation n'allait pas lui valoir une punition de ce dernier, avant de continuer :

— Il est parti aux toilettes juste après, et je l'ai plus vu dans la cour jusqu'à la sonnerie.

— Aux toilettes ? répétai-je. Tu es sûr de toi, Noham ?

CLAIR-OBSCUR ⋅ Les Enfants du Soleil-LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant