Le directeur de l'école passa de nombreux appels téléphoniques pour en savoir plus sur l'absence de Tobias. Au début, il ne m'avait pas crue quand j'avais affirmé lui avoir parlé le matin même sur le temps de garderie. Puis, après un coup de fil à l'accueil périscolaire et au foyer où il était hébergé, il avait commencé à me regarder autrement que comme une professeur débutante suffisamment au bout du rouleau pour voir des élèves fantômes en dehors des cours.
Ça ne me rassura qu'à moitié. Car même s'il acceptait enfin ma version des faits, cela confirmait également mes craintes. Tobias avait bien été là ce matin, mais il avait trouvé le moyen de disparaître avant le début des cours – et nul ne savait comment.
Je fouillai l'école de fond en combles sur les temps de récréation et à la pause méridienne. Les toilettes, les salles de classe, la salle polyvalente et même les remises où s'empilaient des dizaines de boîtes remplies de tout et rien furent une à une passées au peigne fin. Mais hormis des toiles d'araignées et des biscuits périmés depuis trois ans au fond d'une armoire, ainsi que les remontrances du directeur – qui me dit gentiment mais fermement que, même s'il comprenait mon inquiétude, je devais arrêter mon remue-ménage ou bien il n'y aurait plus d'école – je ne trouvai rien. Que dalle. Nothing. Pas l'ombre d'un petit garçon habillé comme s'il allait au carnaval pour réciter sa poésie.
Car son cahier de poème manquait aussi à l'appel. J'avais jeté un rapide coup d'œil dans son casier au cours du temps de lecture en fin de journée – puisque le directeur n'avait pas jugé l'absence de Tobias suffisamment alarmante pour perturber le reste des élèves en suspendant les cours – et mon inquiétude était montée d'un cran à cet effroyable constat que oui, il était bien passé dans la salle de classe ce matin avant de disparaître.
— Ça va pas maîtresse ? demanda la voix couinante de Violette, première de la classe.
— Si si, ça va, je suis juste... fatiguée.
Je n'étais pas sûre qu'elle gobe ce mensonge puisqu'il ne me convainquait pas moi-même. Pire, c'était la deuxième fois que je l'utilisais en moins de vingt-quatre heures puisque je ne savais pas trop quoi dire d'autre à mes élèves pour excuser mon manque de concentration des derniers jours. Eux, pourtant, n'étaient pas dupes – même en croyant encore au Père Noël.
— C'est à cause de Tobias, c'est ça ? devina le petit Noham, qui avait abandonné sa lecture lui aussi pour me regarder de ses grands yeux curieux.
— C'est vrai que c'est bizarre qu'il est pas là, commenta un autre, Charlie, en appuyant le visage entre ses mains pensivement.
— Qu'il ne soit pas là, corrigeai-je machinalement,
— Oui bon... d'habitude, il est toujours là.
— Tu sais pourquoi il est absent, maîtresse ?
La question de Jade me surprit autant qu'elle m'attrista, car c'est la même qui dansait dans les vingt-et-une autres paires d'yeux rivées sur moi. Et je n'y avais pas de réponse puisque je me la posais aussi, cette question, depuis le moment où j'avais constaté l'absence de Tobias ce matin.
Pire, même, ce n'était pas la seule question qui me dévorait l'esprit depuis. Bien sûr, pourquoi Tobias était-il absent ? Mais où était-il, aussi ? Et quand avait-il disparu exactement ? Comment avait-il pu échapper à la vigilance des adultes ? Que pouvions-nous faire à notre niveau ? Que pouvais-je faire ?
— Je sais pas, lâchai-je alors dans un soupir tant en réponse à Jade qu'à mes propres questions, je sais pas du tout...
— C'est super bizarre, en tout cas, répéta Charlie en hochant la tête comme un chien pendulaire à ces mots.
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CLAIR-OBSCUR ⋅ Les Enfants du Soleil-Lune
ParanormalVoilà trois mois qu'Hedy vit dans une petite ville en banlieue de Strasbourg, où elle enseigne à une classe de CM2 à l'année. Elle remplace un professeur qui n'est jamais venu et dont elle ne sait rien. Ses journées sont rythmées par des cours qui t...