Le désir en peinture +

138 19 9
                                    


Ces dernières minutes m'ont vidé de mon énergie. Mes jambes flageolent et j'ai mal à la tête. Proche du malaise, je me précipite sur mon canapé pour m'y affaler. Mes larmes coulent toutes seules, mon cœur bat bien trop vite et mes oreilles sifflent. J'aurai envie d'hurler ! Et c'est ce que je fais, mais en silence. J'expire mon hurlement en l'étouffant. Un léger sifflement émane de ma bouche ouverte. Lola n'étant pas là, je me laisse aller aux râles, jusqu'à m'écrouler d'épuisement.

La chaleur me réveille. Toujours sur le canapé et encore habillée de la veille, j'ai chaud. La porte-fenêtre de la terrasse est restée ouverte, il fait au moins 30 degrés à l'intérieur.

Déshydratée, je me traine dans la cuisine. J'en profite pour donner un coup de téléphone à ma fille. Ce shoot d'énergie me permet de trouver le courage d'aller me doucher. Puis je passe le reste de mon dimanche à ne rien faire, devant ma télé.

Lundi, une semaine recommence. Ce matin, pas de petits pieds, ni de bisous. C'est le vibreur de mon réveil, brut et impersonnel, qui s'en charge. J'ai pensé à Ludo et à notre mariage toute la soirée. Naturellement, je fais la différence entre les deux comme si c'étaient deux entités bien distinctes. Je ne sais pas d'où me vient cette idée. Ma colère a changé de bord, c'est à moi que j'en veux à présent. Je revois la scène d'hier et je m'énerve toute seule d'avoir été si passive, si soumise à son bon vouloir. J'en ai marre de moi !

Dans le cadre d'un couple où règne la violence on parle souvent d'emprise, mais dans les couples qui se disent fonctionnels, elle existe aussi. Comme l'emprise que l'on se crée, sur soi-même. Je le vois bien à l'instant présent. Tout mon cœur lui crie de rentrer et de nous sauver, pourtant, tout mon être est en colère et voudrait le quitter. Mais je vais souffrir sans lui, pensé-je alors que je souffre déjà. Je me regarde faire, je m'entends réfléchir, comme une spectatrice extérieure et je n'ai aucun pouvoir sur tout cela. Je vais devenir folle. Je me saisis de mon téléphone, et je me vois écrire ce SMS pathétique et désespéré.

« Ludo, je ne suis rien sans toi. Pardonne moi de ne pas être celle que tu voudrais que je sois. Quand tu reviendras, je te promets d'essayer de faire des efforts »

Comment puis-je encore tomber aussi bas ? Tout mon être me crie de ne pas l'envoyer mais c'est trop tard, mon doigt, ce traître manucuré, l'a déjà validé.

Je finis de me préparer dans la précipitation si bien que j'arrive de justesse à attraper mon bus. Durant le trajet, je suis en boucle, je ne pense qu'à mon mariage qui s'étiole.

Ce matin, au travail, on dirait bien que l'univers veut ma perte, je reçois beaucoup trop d'appels pour réserver la salle des fêtes en vue de mariages l'année prochaine. Je peste dans ma tête. Le cynisme me gagne. «Pauvres fous», «Fuyez tant qu'il en est encore temps». Ces pensées, loin de tout ce que je ressens vraiment, m'offrent un moyen d'évacuer le négatif qui voudrait élire domicile au fond de moi.

En milieu d'après-midi, je reçois enfin un message de Ludo. Mon cœur s'emballe, mais ce n'est qu'un SMS pour me dire qu'il est enfin arrivé sur place.

Ma journée passe ainsi, entre tristesse immense et euphories surjouées.

Mardi après-midi, je finis à quinze heures, comme tous les mardis. Si d'ordinaire je vois ce temps libre comme un moment agréable, aujourd'hui, je me sens totalement désoeuvrée. Je n'ai toujours pas de nouvelles de Ludo, hormis cette annonce impersonnelle de son arrivée à Stockholm, malgré mon message larmoyant d' hier matin. Sans commentaire. Je sais qu'il l'a lu, mais une fois de plus, il a fait le choix de ne pas me répondre, ce qui me remplit de honte.

Mon été sans allianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant