Toi, qui est là pour moi

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Le plateau de fruits de mer était bel et bien trop copieux pour deux personnes. Même si l'appétit semble revenir, le jeûn de ces derniers jours a sans doute un peu réduit les capacités de mon estomac. Yoann de son côté, tâche de faire honneur aux huîtres de son oncle, mais finit par s'avouer vaincu.

Il nous sert un verre de vin blanc, qu'il boit un peu rapidement, comme si c'etait un remede au ventre plein.

Avant de quitter le restaurant, l'oncle de Yoann me salue très chaleureusement, puis il étreint son neveu avant de lui donner un sac garni. Nous le remercions pour cet agréable repas.

Il fait nuit, les lampadaires le long du littoral sont éclairés. Nous entendons le bruit des vagues sans pouvoir distinguer la mer, mais ce son rythme nos pas tandis que nous marchons l'un à côté de l'autre.

Nous ne disons rien, mais la communication n'en est pas pour autant rompue. Nous ne disons rien, mais quand je suis à ses côtés, c'est comme si le silence nous berçait. Comme s'il était un lien entre nous.

Nous arrivons au bout du port, aux abords d'un ponton fait de métal et de bois, où se trouvent une dizaine de bateaux. Je m'arrête, prête à rebrousser chemin, mais Yoann sort une clé de sa poche et ouvre le petit portillon grillagé. Il se tourne vers moi.

— Tu n'as pas le mal de mer au moins ? demande-t-il en franchissant la grille.

— Je n'en ai absolument aucune idée, ris-je, le suivant d'instinct.

Le ponton est assez stable, même si nos pas combinés à la houle donne une impression de moelleux sous mes pieds. Nous marchons environ 30 mètres et tout au bout, sur la droite, Yoann s'arrête devant un bateau, «Ma Paula». Un bateau de taille moyenne. Mes connaissances en la matière sont plutôt limitées.

— Sympa, le bateau de pêche ! m'extasié-je.

— Un timonier, Madame ! reprend Yoann.

Il monte et me tend sa main pour que je le rejoigne.

—Je ne t'ai pas consultée, mais c'est bien parce que tu m'as dit de décider pour toi ! C'est le bateau de mon oncle. Paula, c'est ma tante. Elle déteste monter sur son propre bateau, c'est un comble, non ? commente-t-il en tripotant le tableau de bord.

— Tu sais naviguer ?

Noo-oon , exagère-t-il, avec un petit sourire en coin.

Il tourne la clé et le moteur gronde avant de démarrer, ce qui répond à ma question .

Le bateau avance lentement. Assise sur un côté, j'admire la nuit. La lune se reflète sur l'eau, lui conférant une lueur magnifique. Dans le ciel, des nuées d'étoiles.

Yoann arrête le moteur au bout de cinq minutes. Nous voyons tout le littoral en face de nous, mis en valeur par les éclairages nocturnes, c'est magique.

Il allume une lanterne, puis déplie sur le côté une planche qui se transforme en table d'appoint. Il dépose son sac, dans lequel je devine une bouteille de champagne ainsi qu'un sachet, qui s'avère être un paquet de bonbons à la fraise.

Le tout disposé sur la table, il sort deux verres qu'il remplit avant de m'en tendre un.

— À quoi trinquons-nous ? demandé-je.

— À cette belle soirée, en bonne compagnie ?

L'idée de trinquer à mon divorce me vient en tête. Mais je trouve cela malvenu, alors je me contente d'ajouter :

— À la vie, pleine de surprises.

L'alcool délie les langues, c'est connu. Dans l'heure qui suit, il m'a raconté son divorce, ses projets, ses attentes; je lui ai raconté l'alliance dans le dressing, ma bravoure au téléphone et mes peurs sur le futur. Nous comparons les désastres de nos vies respectives. Ces casseroles que nous trimballons avec nous, où que nous allions, ne sont pas un frein à notre complicité. Mieux, elles sont ces étapes de vie que nous partageons, créant ce lien tacite, un peu comme deux soldats engagés dans un même conflit autrefois et se narrant des faits de guerre similaires.

Mon été sans allianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant