Tendresse et conviction (?)

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Nos yeux se croisent. Je souris, entre joie et appréhension.

Nous restons muets quelques instants à nous jauger du regard et à nous sourire sans savoir quoi dire de plus. J'ai l'impression que ce moment dure une éternité, quand il rompt le silence et dit:

— Je repasse ici vers treize heures ? Et on prendra tranquillement la route ?

— Ok, réponds-je avec énergie.

Il quitte les lieux, non sans un mot gentil à mon égard. Je regarde l'heure et me précipite dans ma chambre. Je prépare un sac avec quelques affaires. J'ai des papillons dans le ventre et l'estomac serré. Un drôle de cocktail d'émotion. Entre la peine pour mon mariage et l'engouement de l'inconnu, c'est un mélange parfaitement étrange.

Je téléphone à Josiane pour la prévenir que je m'absente, profitant de ce moment pour parler un peu à ma Lola. Un petit brin de toilette et c'est donc à treize heures pétantes que me voici prête devant mon immeuble.

Yoann m'attend déjà devant chez moi. D'un signe de tête, il m'invite à grimper dans son véhicule.

Je lui souris, mais je me sens comme gênée.

— Quelque chose ne va pas, Laëtitia ?

— Je sais pas... Je t'ai forcé la main, un peu, non ? Je me disais que je me suis peut-être un peu imposée et...hésité-je.

—Dis pas de bêtises. Au moment où tu l'as dit, moi-même je cherchais dans ma tête la bonne façon de le proposer, me rassure-t-il.

Nous partons. Durant les premiers kilomètres, une voix dans mon esprit se demande si j'ai bien fait. Toutes mes mauvaises habitudes reviennent, la culpabilité en tête de cortège. Je pourrais revenir sur ma décision et lui demander de me ramener chez moi ? Non. Je me rassure, me disant que je ne vais que me changer les idées pour le week-end et qu'il ne se passera rien entre Yoann et moi. Nous sommes des adultes responsables et il me respecte. Alors pourquoi tant s'inquiéter ?

— Tu regrettes d'être dans ma voiture ? demande-t-il, comme s'il lisait dans mon esprit.

Un petit silence naît entre nous tandis que je réfléchis. Même s'il semble concentré sur la route, je sais qu'il guette ma réponse.

— Non. Ce n'est pas du regret. C'est une étrange contemplation de ma vie. Hier, encore, je croyais savoir où j'allais et là...

— Et là ? Tu vas dans le sud, avec un pote que tu connais depuis un mois à peine ?

— Oui, c'est ça.

—J'ai ce ressenti aussi tu sais ? Mais c'est normal de penser ça, parce que c'est la vérité. Mais, je ne te demande rien, Laetitia. Juste passer des bons moments et c'est tout. Par contre, ta situation n'est pas banale, ça c'est certain !

Je ris, en réaction à sa réponse. Ça, c'est sûr que rien de ce qui m'arrive n'est banal. Un peu quittée, mais pas trop, par un mari qui ne sait visiblement plus ce qu'il veut depuis longtemps. Femme oubliée, cloitrée dans une vie rangée où les plaisirs ne sont que des souvenirs. Je n'envisageais pas ma vie ainsi.

En présence de Yoann, il n'y a pas de filtre, pas d'attente, juste le présent et c'est rafraichissant. Mes mots ne sont pas décortiqués, jugés. Son comportement avec moi ne dépend de rien d'autre que sa personnalité agréable. Mon apparence est ce qu'elle est et ne rentre pas en ligne de compte. Je suis là, c'est tout. Et qu'est-ce que c'est bien.

Nous sortons de l'autoroute, après environ trois heures de voyage. Le paysage a changé. La végétation typique du sud nous met directement dans le bain. Des pins parasols, des lièges, beaucoup de figuiers, en tout cas dans le village que nous traversons actuellement. Yoann stoppe sa voiture devant un pavillon. Il se penche de mon côté pour fouiller dans le vide poche, frôlant mon genou au passage. Ma peau frissonne, ma poitrine vibre. J'inspire lentement en plaquant mon buste contre le siège, tachant de m'effacer du mieux que je peux. J'attends qu'il ait repris sa place pour enfin expirer.

Mon été sans allianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant